Saint-Patrick à la Maison Blanche
La Saint-Patrick renvoie dans les mentalités à cette ambiance festive, c’est habituellement une occasion de trinquer en l’honneur de la culture irlandaise. Cependant ce 17 mars 2024 s’annonce plus compliqué.
Après les attaques du 7 octobre et les représailles israéliennes se faisant de plus en plus sanglantes, le peuple irlandais a renouvelé son soutien incontesté aux Palestiniens remettant de ce fait en cause l’envie de célébrer la Saint-Patrick avec ses compagnons de beuverie habituelle : les Américains.
La Saint-Patrick et l'héritage irlandais aux Etats-Unis
Les relations qu’entretiennent les États-Unis avec l’Irlande transcendent la simple entente diplomatique. 10 % de la population américaine se revendique d’héritage irlandais, y compris leur actuel président Joe Biden. Ces relations ont mené les Américains à célébrer religieusement la Saint-Patrick chaque année : il y a donc un pic de voyageurs américains vers l’Irlande aux alentours du 17 mars.
Mais l’inverse est aussi vrai : depuis 1952 sous l’ère de Truman aux États-Unis, il est coutume de la part du président d’inviter le Taoiseach, le Premier ministre irlandais pour un échange symbolique de Shamrock ou bouquet de trèfles.
Dans les années 90, les États-Unis ont d’autant plus prouvé leurs liens privilégiés avec les Irlandais en s’investissant pleinement dans le processus de paix d’Irlande du Nord. C’est ainsi que durant ces dernières décennies, le président américain a invité pour le week-end de la Saint-Patrick, le Premier ministre irlandais, les deux Premiers ministres irlandais du Nord ainsi que les partis suivants qui ont le plus de sièges dans les assemblées nord et sud.

Le rôle des États-Unis dans le conflit israélo-palestinien
Cependant cette année, cette célébration entre en contradiction avec les derniers évènements survenus au Moyen-Orient. Aux yeux de la population mondiale, les Américains sont tenus responsables du maintien de l’escalade de la violence.
Le véto répété de la délégation américaine à l’ONU concernant une demande de cessez-le-feu ainsi que l’armement continu des Américains envers les Israéliens, a suscité la colère des populations, mais particulièrement celle des Irlandais.
Les Irlandais et la Palestine
Historiquement les Irlandais ont toujours soutenu le peuple palestinien face à l’occupation israélienne. C’est à la fois une identification à la résistance face à une occupation étrangère et forcée, une continuité de leur propre résistance à l’Empire britannique qui est à la source de l’installation d’Israël en Palestine et un soutien inconditionnel à tout peuple opprimé qui fait écho à leur propre passé de colonie britannique.
En Irlande du Nord, cette identification au conflit israélo-palestinien prend une tournure plus actuelle et radicale : malgré un processus de paix déjà bien entamé durant ces 26 dernières années, les tensions entre les communautés protestante et catholique demeurent à un moindre niveau. Historiquement, la communauté catholique s’est toujours identifiée à la cause palestinienne, ce qui est dans la lignée de tous ceux résidant sur l’île d’Irlande et s’identifiant comme Irlandais.
En opposition, la communauté protestante a alors choisi de soutenir les Israéliens, par union avec l’opinion britannique, par historicité des relations avec le judaïsme et respect des colons, mais surtout, par opposition symbolique à l’opinion catholique irlandaise. Il n’est alors pas rare de voir flotter en Irlande du Nord au côté de l’Union Jack, des drapeaux israéliens dans les quartiers protestants. De même, nous retrouvons beaucoup de drapeaux palestiniens dans les quartiers catholiques.
Politiquement, ce soutien à des groupes comme le Hamas devient compliqué pour les partis en place dans les deux Irlande. Maintes fois, le parti du Sinn Féin, au pouvoir dans le Nord et très actif en République d’Irlande, s’est entretenu avec des membres du Hamas lors de visites en Palestine.
Leur propre histoire liée à l’ancien IRA, paramilitaires ayant eu un rôle central dans la guerre civile des Troubles au siècle dernier et listé sur la liste des groupes terroristes de nombreux pays, permet de comprendre cette relation qu’entretient le Sinn Féin avec le Hamas. La montée au pouvoir du Sinn Féin en Irlande du Nord et l’envie de rivaliser avec les autres partis en République d’Irlande les ont cependant poussés à ralentir ce soutien diplomatique et ont fortifié celui avec les États-Unis.
« Boycottez les célébrations de la Saint-Patrick à la Maison Blanche »
C’est ainsi qu’aujourd’hui à l’heure de la Saint-Patrick, le peuple irlandais demande des comptes à ses dirigeants, mais surtout de boycotter cette célébration avec les Américains. Un seul parti a cependant répondu à l’appel : le SDLP en Irlande du Nord, petit parti irlandais. Il est donc scandé dans les rues et sur des banderoles « PAS DE SHAMROCK POUR LE GÉNOCIDEUR, JOE » « BOYCOTTER LE GÉNOCIDE DE JOE » « L’IRLANDE DIT NON AU GÉNOCIDE DE JOE ».
Depuis plusieurs semaines, les manifestations s’enchaînent dans les grandes villes de Belfast et de Dublin. Des marches allant des centres-villes jusqu’aux ambassades américaines, puis aux bâtiments de la BBC tenus pour complice du génocide du peuple palestinien.
La date à ne pas manquer était celle du samedi 16 mars où les différents groupes et partis politiques pro-Palestine ont mis en place des manifestations coordonnées dans les plus grandes villes d’Irlande et d’Irlande du Nord.
Celle ayant eu lieu à Belfast a donné lieu à des larmes de la part de la porte-parole du Sinn Féin s’est exprimé en public : Un appel avait été lancé parmi les groupes politiques afin de ne pas la huer mais cet appel n’a su convaincre la majorité qui l’ont obligé à quitter la scène en pleurs. Les chiffres et conséquences de ces rassemblements seront à observer dans les jours qui suivent. Cependant une autre manifestation de grande envergure est prévue le 23 mars à Dublin.