Ancien conseiller à la sécurité nationale d’Israël et général à la retraite, Yaakov Amidror ne mâche pas ses mots. Pour lui, fini le temps des grandes démonstrations de force aérienne.
Place à une guerre d’attrition souterraine, longue, sale et silencieuse. Une guerre qui s’enlise, tunnel après tunnel, maison après maison, dans un face-à-face avec des combattants de plus en plus insaisissables.
Objectif : détruire Hamas comme acteur militaire dans Gaza
Amidror estime que les efforts diplomatiques ont échoué. Les négociations pour la libération des otages n’ont pas abouti, et l’armée israélienne est désormais entièrement mobilisée pour une guerre terrestre qui vise à anéantir Hamas comme acteur militaire structuré dans Gaza. L’ambition est aussi de créer les conditions pour qu’un tiers puisse reprendre la gestion civile du territoire à terme.
« Nous avons donné beaucoup de temps aux négociations, mais rien n’en est sorti. C’est maintenant au militaire de parler. […] Le but est de nettoyer la zone jusqu’à ce que le Hamas ne puisse plus s’y réfugier, et qu’il soit trop affaibli pour se reconstruire. »
Une guerre lente, sans batailles héroïques
Amidror insiste : ce conflit ne se joue pas dans les airs, mais sur le terrain, au plus près. Il parle d’une guerre de patience, sans éclat ni grandes victoires, où des petites unités de Hamas, transformées en cellules de guérilla, tendent des pièges mortels aux soldats israéliens.
« C’est une guerre compliquée, sans grandes batailles, mais avec des combats très intenses, maison après maison, tunnel après tunnel. Hamas n’est plus une organisation militaire classique, mais une guérilla composée de petites équipes prêtes à piéger nos soldats. »
Créer des zones « propres » pour protéger les civils et faciliter l’offensive
L’armée israélienne cherche à évacuer les civils palestiniens vers des zones humanitaires prédéfinies (comme al-Mawasi), afin de limiter les pertes humaines et rendre les opérations militaires plus « lisibles ». Amidror souligne que c’est un volet stratégique.
« L’idée est de déplacer autant de civils que possible vers al-Mawasi, pour que les zones de combat soient nettoyées de leur présence. Cela sauvera des vies palestiniennes et facilitera les opérations militaires. »
La deuxième phase de l’opération est rendue possible par l’affaiblissement du Hezbollah au Liban, la réduction de la présence iranienne en Syrie, et la capacité retrouvée d’Israël à concentrer ses forces à Gaza. L’armée, qui était autrefois dispersée sur plusieurs fronts, peut enfin focaliser son offensive.
« Au début, nous ne pouvions pas tout envoyer à Gaza, car nous devions nous préparer à un conflit au Liban ou en Syrie. Aujourd’hui, les choses ont changé : le Hezbollah est affaibli, les Iraniens ne sont plus là, et nous avons pu redéployer nos forces. »
Israël et les États-Unis : deux horloges stratégiques différentes
Amidror reconnaît une divergence entre le rythme stratégique d’Israël et celui des États-Unis. Pour Tel Aviv, la menace est géographiquement proche ; pour Washington, elle reste lointaine, ce qui influence les calendriers et les attentes.
« Gaza est à 50 km de Tel Aviv et à 8 000 km de Washington. Il est normal que notre horloge stratégique ne soit pas calée sur celle des Américains. »
L’objectif final, pour Amidror, n’est pas une présence israélienne permanente, mais l’installation d’un acteur tiers qui prendra en charge l’administration civile. Cela ne pourra se faire, selon lui, que si Hamas est rendu incapable d’exercer le moindre contrôle militaire sur Gaza.
« Le Hamas n’est plus une menace pour Israël, mais il doit aussi cesser d’être une force militaire dans Gaza. Alors, un tiers pourra s’occuper du côté civil pour les Palestiniens. »