Après des années de conflit et la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre, la Syrie entre dans une phase de transition incertaine. La promesse de nouvelles élections symbolise l’espoir d’un renouveau démocratique mais ces élections sont encore assez lointaines.
L’ombre persistante des luttes de pouvoir jette une ombre sur cet avenir encore fragile. Le rôle prépondérant des jihadistes dans la chute du régime dévie la direction que prendra ce pays. Ces groupes armés, notamment la coalition dirigée par Abou Mohamed al-Jolani, représentent autant un levier qu’une menace pour une transition pacifique.
Tandis que des drapeaux symbolisant la liberté flottent sur Damas, des craintes d’une radicalisation accrue, d’un retour de la violence sectaire ou d’une marginalisation des droits fondamentaux, en particulier ceux des femmes émergent.
Un coup d’oeil sur les précédentes élections en Syrie et les prochaines.
Avant son indépendance, la Syrie était sous mandat français, et les processus électoraux, bien que présents, étaient limités par les ingérences coloniales. Avec l’indépendance, la Syrie tenta d’instaurer des mécanismes démocratiques, et les premières élections législatives libres se déroulèrent en 1947, inaugurant une période de multipartisme marqué par la rivalité entre les forces nationalistes, comme le Parti Baas et d’autres mouvements de gauche, et les élites traditionnelles.
Depuis son indépendance en 1946, la Syrie a connu une instabilité politique chronique, reflétée par l’adoption de huit constitutions – Un bilan encore plus catastrophique que celui de la France en 2024. La dernière en date, celle de 2012, avait été ratifiée en pleine guerre civile, dans un contexte de répression sanglante et de contestation populaire. Ce texte faisait du pays une « nation arabe » et imposait l’islam comme religion du président, un symbole des compromis politiques du régime Assad face à ses soutiens conservateurs.
Ce cadre constitutionnel est désormais suspendu. Mi-décembre, le gouvernement de transition a gelé la Constitution et dissous le Parlement pour une période de trois mois. Un comité juridique a été formé pour examiner des réformes fondamentales, avec pour objectif de rédiger une nouvelle Constitution plus représentative.
Selon Ahmad al-Chareh, le dirigeant de facto du pays et figure centrale du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTC), l’organisation de nouvelles élections pourrait prendre au moins quatre ans. Dans une interview récente accordée à la chaîne saoudienne Al-Arabiya, il a souligné que ce processus nécessiterait deux à trois ans pour réécrire la Constitution, suivis d’un recensement exhaustif de la population syrienne, dispersée par des années de guerre.
Ces délais reflètent les complexités d’un pays où les institutions sont instables et la population ne peut pas se concentrer sur l’établissement d’une vraie démocratie, car ils sont occupés à survivre.
Le conflit a causé la mort de plus de 500 000 personnes, déplacé des millions de Syriens et détruit une grande partie des infrastructures nationales.
« Difficile d’organiser des élections alors qu’il y a à peine de l’électricité, que les maisons sont en ruines et que des millions de personnes sont déplacées. La Syrie a besoin d’être reconstruite avant les élections.»
Jamal Amin, Analyste MENA
Le gouvernement de transition en Syrie
Depuis la prise de Damas par les forces d’HTC en décembre, la nouvelle administration dirigée par Mohammad al-Bachir tente de rassurer les grandes puissances. Ahmad al-Chareh a déclaré vouloir des relations apaisées avec l’Iran, tout en soulignant la nécessité de respecter la souveraineté syrienne. Il a également tendu la main à la Russie, un allié stratégique de longue date, insistant sur des « intérêts stratégiques profonds ».
Le dirigeant a plaidé pour une levée des sanctions internationales imposées sous le régime d’Assad. Selon lui, ces mesures économiques, qui ont aggravé les souffrances des Syriens, ne sont plus justifiées, les responsables des exactions ayant été écartés du pouvoir.
La transition ne se limite pas à la sphère institutionnelle. Ahmad al-Chareh a annoncé qu’une « conférence de dialogue national » serait organisée pour rassembler les différentes composantes de la société syrienne. Ce forum vise à intégrer les minorités ethniques et religieuses, ainsi que les forces démocratiques syriennes (FDS), un groupe soutenu par les États-Unis et majoritairement composé de Kurdes.
Ahmad al-Chareh indique souhaiter la centralisation du pouvoir militaire : « Les armes doivent être uniquement aux mains de l’État », a-t-il déclaré, ce qui peut laisser supposer que des négociations seraient menées pour intégrer les FDS dans une future armée nationale.