Ces derniers mois, la situation en Israël et en Palestine a connu de nombreux changements, avec des trêves intermittentes et l’échange de centaines de prisonniers.
Donald Trump, qui avait précédemment affirmé que les États-Unis ne devraient plus s’impliquer dans des conflits étrangers qui n’apporteraient aucun bénéfice direct aux Américains, semble aujourd’hui adopter une posture différente. Son discours récent laisse entendre que les États-Unis pourraient envisager une intervention militaire dans la bande de Gaza. Pourquoi un tel revirement, et quel pourrait en être l’intérêt pour Washington ?
Les États-Unis reviennent sur leur parole
Trump a bâti une grande partie de sa campagne électorale sur la promesse d’un désengagement militaire américain à l’international. Il assurait qu’il mettrait fin aux guerres inutiles et ramènerait la paix, que ce soit au Moyen-Orient ou en Ukraine. Pourtant, son récent discours évoque la possibilité d’une intervention américaine à Gaza. Cette volte-face traduit-elle un simple opportunisme politique ou bien s’inscrit-elle dans une stratégie plus large visant à forcer un compromis diplomatique ?
Le conflit entre Israël et la Palestine s’est enlisé dans une impasse depuis des années. Israël, bien que militairement capable d’éliminer le Hamas, hésite à le faire en raison des lourdes répercussions politiques internationales que cela entraînerait.
La pression croissante a contraint Israël à suspendre ses opérations militaires. Dans le même temps, aucun pays de la région ne semble prêt à assumer la responsabilité du maintien de la sécurité à Gaza. L’Égypte redoute qu’une implication directe la contraigne à gérer les retombées d’un éventuel regain de violences, qui feraient d’elle la cible de représailles. D’autres États voisins, comme la Jordanie, restent tout aussi réticents à toute ingérence active.
Une nouvelle stratégie Trumpesque
Un des aspects les plus sombres du conflit israélo-palestinien réside dans l’utilisation des Palestiniens comme levier politique par de nombreux acteurs régionaux et internationaux. Pour certains États arabes, la cause palestinienne représente un outil fédérateur, leur permettant d’afficher un front uni sans avoir à prendre de mesures concrètes. À l’Ouest, de nombreux défenseurs de la cause palestinienne dénoncent la situation, mais peu proposent des solutions concrètes, notamment en matière de gouvernance ou de relocalisation des réfugiés.
La stratégie de Trump : menace réelle ou tactique de négociation ?
Trump a d’abord suggéré de réinstaller les Palestiniens dans des « pays voisins plus agréables », une idée immédiatement rejetée par les gouvernements concernés. Il a ensuite déclaré que si aucun accord n’était trouvé, les États-Unis pourraient intervenir et prendre le contrôle de Gaza pour le redévelopper. Deux interprétations sont possibles :
- Trump envisage sérieusement une occupation américaine de Gaza, bien que la région ne représente ni un enjeu stratégique majeur ni une source de richesses naturelles exploitables.
- Il cherche à forcer un compromis en brandissant la menace d’une intervention américaine, incitant ainsi les acteurs régionaux à trouver un accord pour éviter une présence militaire des États-Unis.
Cette dernière hypothèse semble plus plausible : la perspective d’une implication directe des États-Unis pourrait inciter des pays comme les Émirats arabes unis ou la Jordanie à s’investir davantage dans la médiation. De son côté, Israël pourrait être plus enclin à négocier pour éviter une intervention étrangère de grande envergure.
Trump a déjà utilisé des tactiques similaires, que ce soit avec le Canada, le Panama ou d’autres partenaires commerciaux et diplomatiques. Sa méthode repose souvent sur des déclarations chocs visant à provoquer des réactions et à ouvrir des négociations sous pression. Toutefois, la manière dont cette stratégie sera perçue par les pays voisins reste incertaine, tout comme son efficacité à long terme.
L’annonce de Trump a déclenché des réactions contrastées au sein de la communauté arabo-américaine. Certains de ses soutiens initiaux, comme Faye Nemer et Albert Abbas, fondateurs de la MENA American Chamber of Commerce (MENACOC), commencent à exprimer des réserves. Dans une lettre adressée à Trump, Nemer rappelle son engagement pour la paix et met en garde contre une politique pouvant être perçue comme une forme de nettoyage ethnique.
Le Dr Burhan Ghanayem, cofondateur de l’Arab American Democratic Caucus en Caroline du Nord, se montre plus critique. Pour lui, cette annonce est une trahison des promesses de Trump et plonge la communauté dans une grande incertitude.
Trump n’en est pas à sa première déclaration controversée concernant le monde musulman. En 2016, il avait promis une interdiction totale d’entrée aux États-Unis pour les musulmans. Durant sa présidence, il a déplacé l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, reconnaissant cette dernière comme capitale d’Israël, et a validé l’annexion du plateau du Golan par Israël, en contradiction avec le droit international. Plus récemment, en mars 2024, son gendre Jared Kushner a suggéré une politique similaire à celle annoncée par Trump, déclarant qu’Israël devrait expulser les habitants de Gaza pour « nettoyer » la région et la valoriser économiquement.
Ces positions ont un impact direct sur le vote arabo-américain. Alors que cette communauté votait traditionnellement pour le Parti démocrate, le soutien militaire et diplomatique continu de l’administration Biden à Israël a suscité une profonde désillusion. Entre 2020 et 2024, le soutien des électeurs musulmans et arabes aux démocrates a chuté de moitié.
Une alternative politique inexistante ?
De nombreux électeurs arabo-américains ne voient pas d’alternative crédible. Comme l’a résumé Ghanayem : « Le parti démocrate a échoué. Il a perdu ses électeurs. » Nemer et Abbas, bien qu’inquiets, estiment qu’il faut laisser du temps à la nouvelle administration pour s’adapter.
Ainsi, alors que la menace d’une intervention américaine à Gaza s’installe dans le débat public, ses implications restent floues. S’agit-il d’une simple déclaration choc visant à débloquer la situation, ou d’un réel projet militaire ? Si l’avenir de la région est incertain, une chose est sûre : Trump a une fois de plus imposé son agenda au cœur des discussions internationales.