A J+8 de la cérémonie de clôture des jeux olympiques de Paris, la ferveur du public pour la célèbre vasque olympique, installée dans les jardins des Tuileries, continue d’attirer des milliers de spectateurs en journée, comme en soirée lorsqu’elle s’envole dans les airs de la capitale. L’occasion pour l’artiste et concepteur de la vasque olympique Mathieu Lehanneur de nous partager son ressenti, l’esprit plein de poésie devant un phénomène collectif qui a dépassé toutes ses espérances.
La vasque Olympique au Jardin des Tuileries – © Charles Dengpheng
La vasque olympique est un miracle pour le créateur.
Depuis la cérémonie d’ouverture des JO, on assiste à un enthousiasme sans précédent du public pour admirer l’envol de la vasque. Certaines rues sont bloquées pour cause d’affluence de visiteurs venus la photographier sous le meilleur angle. D’autres restent sur place pour contempler, chanter et danser jusqu’à une heure du matin. Mathieu, comment vivez-vous cet engouement ?
“Comme un miracle. Effectivement, en amont, on espère, on se projète pour que l’émotion soit la plus belle possible le jour J. On a quelques espérances en terme d’engouement. La vasque est quand même le point d’orgue de la cérémonie d’ouverture. Une surprise. Une point culminant. J’éspérais que ça suscite des émotions.
Mais là, il y a un décalage énorme entre le moment de la cérémonie et aujourd’hui. J’assiste presque tous les soirs à l’envol de la vasque, en me disant que chaque soir, c’est le travail de toute une équipe de pouvoir la faire décoller. C’est comme si on prenait la mer en bateau pour voyager, sauf qu’ici on prend le ballon pour voyager dans le ciel. Le tout sous la clameur de la foule qui chante la marseillaise. J’en ressens une énorme fierté.
L’art a vocation à transmettre un état, une émotion. Seulement là, dans le contexte des jeux olympiques de Paris, on voit comment un objet est capable de crystalliser des éléments à la fois esthétiques et historiques qui ne sont pas dissociables.
On assiste à un rituel comme quand les gens viennent assister à un couché de soleil. Ici, on voit la vasque prendre le ciel. Quand je reçois des messages de gens, je me rend compte qu’ils ont adopté cette expérience qu’ils peuvent vivre seuls ou à plusieurs – de très près en journée, où ils peuvent quasi toucher la vasque, et avec du recul le soir lors de l’envol. Dernièrement, j’ai reçu une photo prise depuis Monmartre qui offre une autre perspective. C’est une grande réussite.“
Une vasque qui a laissé les spectateurs sans voix.
Combien de temps vous-a-t-il fallu pour convevoir la vasque ?
“Une bonne année. Jusqu’à la dernière minute. L’idée de départ jusqu’à la mise en oeuvre inclut un bon nombres de contraintes, qu’elles soient sécuritaires, techniques. Cela a été un long travail de lever les obstacles et les risques pour la rendre visible. Il fallait dès le départ se mettre dans les yeux et la tête des visiteurs pour comprendre ce que l’on voulait montrer ou masquer.“
On remarque toutefois une alliance entre les 4 éléments, avec cette vasque posée au milieu de l’eau sur la terre des jardins des Tuileries et qui est traversée par l’air. Etait-ce intentionnel de votre part ? Quel message vouliez-vous porter ?
“On a créé du feu avec de l’eau et de la lumière avec l’aide de notre partenaire EDF. On a cette union de la terre, l’eau et l’air, les éléments fondamentaux. Une manière de dire que nous ne sommes pas si mal. La relation au soleil était primordial avec le mythe olympique et la première torche olympique, qui s’allume par le biais du soleil avec un bol et des miroirs. La vasque vient reboucler la boucle en revenant vers le soleil jusqu’à la prochaine flamme.
Plusieurs histoires se superposent également et entrent en relation, comme la premières fois que les humains vont voler vers le ciel en 1783, aux Tuileries, avec les frères Mongolfiers. Cela forme un pont entre la tradition et la modernité.”
En tant qu’artiste designer, vous avez l’habitude de concevoir des oeuvre qui entrent chez les gens, dans leur intimité. Ici, c’est tout l’inverse, le public vient voir votre oeuvre. Quelle différence ça fait pour vous ?
“Je n’ai jamais connu ça à ce point là, et je ne retrouverais jamais ça. C’est ce qui me plaît. Il y a toute une dimension pop, comme la musique populaire. Tout le monde chante, chacun vit cette expérience planétaire, collective sans que ça n’enlève quoique ce soit à l’individu. Beaucoup demandent le silence au moment où la vasque s’envole, les gens sont là pour profiter du moment.
C’est une histoire humaine qui se partage, il ne suffit pas de grand chose pour vivre de grands moments et se réunir. Et l’oeuvre est unique comme tout un chacun venu la voir de manière collective. En tant que visieur on veut aussi être le seul et l’unique à pouvoir ressentir ces émotions au sein d’un rituel, avec d’autres qui désirent la même chose que nous, c’est ce qui rend l’expérience encore plus collectivé.
Elle ne m’appartient plus.“
Vous sentez-vous accompli en tant qu’artiste ?
“Je dirais heureux surtout. Comme je ne l’ai jamais été. L’accueil chaleureux du public, c’est comme des calins que je reçois. D’habitude, je ne suis jamais satisfait car il y a toujours un détail ou deux deux qui pourraient être améliorés. Là, je suis passé de créateur à visiteur.
L’oeuvre ne m’appartient plus. Elle appartient à ceux qui veulent venir la voir, à vous, moi, ma mère, tous les gens que l’on ne connait pas et qui viennent la voir.“
Et cette vasque, qu’est-ce que vous lui souhaitez pour l’avenir ?
“On ne peut pas garder la flamme. Je souhaite que si la vasque reste, on lui trouve un endroit qui ait du sens. Je suis tout à fait ouvert à la faire vivre. Mais quoiqu’il arrive, gardons la comme un souvenir dans notre tête, comme une belle parenthèse enchantée que j’ai vécue, que Paris a vécue, que la France a vécue. Ce moment suspendu, on l’aura vécu.“