Presque tous les jours, l’actualité nous informe sur les conséquences du dérèglement climatique. Inondations, tempêtes, incendies frappent partout dans le monde.
La découverte de RescEU, cellule d’intervention européenne, amène à s’interroger sur les actions d’urgences concrètes lors d’événements naturels majeurs. A partir de là, aussi surprenant que cela puisse paraître, la commande de 12 bombardiers d’eau par l’Union européenne a éveillé notre curiosité.
Le Parisien Matin vous dévoile le fruit de ses recherches et des échanges exclusifs avec la Commission européenne, la Fondation de France et le gouvernement canadien.
RescEU, un outil européen d’aide et de coordination face aux calamités
Créée en 2019 par la Commission européenne, la cellule RescEU est en capacité d’intervenir, dans une situation d’urgence, où que ce soit dans le monde. Devant de telles situations, tout pays peut demander de l’aide via le Mécanisme de Protection Civile de l’Union européenne. Une fois activé, l’Europe mobilise les Etats membres par le biais du Centre de Coordination de la Réponse d’Urgence (ERCC). Pour atteindre une réponse plus efficace encore, la réserve RescEU a été mise en place comme une couche supplémentaire de protection des citoyens.
Concrètement, Balazs UJVARI, porte-parole en charge de l’aide humanitaire et de la gestion des crises, de la Commission européenne explique : « RescEU a été établie comme une réserve de capacités européennes, elle est entièrement financée par l’Union » et que « RescEU comprend une flotte d’avions et d’hélicoptères pour lutter contre les incendies. Elle intègre également un avion d’évacuation médicale, du matériel sanitaire et des hôpitaux de campagne, des abris, des moyens de transport et logistiques, des équipements de fourniture d’énergie… ». Il ajoute que « sont en cours de développement des moyens pour répondre aux risques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires ».
La cellule, finalement une très petite « armée », compte une soixantaine de personnes. Fonctionnaires bruxellois y côtoient des spécialistes de la logistique, de la protection civile, de l’aide humanitaire, du transport… Ils sont mobilisés 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 et chaque jour de l’année. La plupart sont basés à Bruxelles, au sein de l’institution.
En 2023, par exemple, le Mécanisme a été activé 10 fois pour des incendies de forêt. Que ce soit au Chili, en Bolivie, en Tunisie, en Albanie, en Grèce ou en Italie, la solidarité a été présente. Au Canada, on a tous les images en tête, outre du matériel, ce sont presque 350 pompiers venus de France, d’Espagne et du Portugal qui ont été mobilisés pour aider à combattre les immenses flammes ravageant les forêts du pays à la feuille d’érable.
Pendant la pandémie du COVID, le mécanisme a été activé 260 fois, un record, entre 2020 et 2022. M. UJVARI précise que l’assistance comprenait : « des dons d’équipements de protection, la mobilisation d’équipes et de matériel médicaux, la fourniture de vaccins, mais aussi le traitement des patients transfrontaliers et le rapatriement des citoyens européens bloqués à l’étranger ».
Intervention en situation d’urgence en Europe, comment ça se passe depuis la France ?
Nous nous sommes tournés naturellement vers la Fondation de France pour nous éclairer. Karine Meaux, la responsable des urgences, explique : « En cas de catastrophe, les premiers intervenants sont les habitants à proximité… viennent ensuite, et c’est un élément très important, les relais médiatiques ». La mobilisation internationale se fait à la demande du pays concerné et en coordination.
C’est le maître mot depuis les années 2000 et les interventions en Haïti. Mme. Meaux précise : « Quand c’est la société civile qui agit, la Fondation de France prend directement contact avec ses partenaires locaux afin de connaître leurs besoins et de pouvoir s’organiser pour y répondre ». Ce fut le cas, par exemple, lors du tremblement de terre de septembre 2023 au Maroc. La Fondation s’est mobilisée sans que le Royaume ne fasse appel aux autorités hexagonales. Quand le pays touché demande à la France de lui venir en aide, la coordination se fait via la cellule de crise du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. « Dans ce cas de figure, la cellule de crise réunit les organisations de la société civile susceptibles de pouvoir intervenir afin de mettre en place efficacement les actions sur place », nous dit Karine.
Elle ajoute que : « Au regard de leur connaissance du terrain, le plus souvent, l’Ambassade de France et l’Agence française de développement viennent aussi en soutien ». Enfin, Karine Meaux souligne que, sauf cas très exceptionnels « La Fondation intervient grâce à la générosité des donateurs privés ».
Un achat surprenant de la part de la Commission européenne
Devant le vieillissement inquiétant de la flotte (environ 70 avions en Europe), parfois la réticence, légitime, des Etats à partager leurs appareils, l’institution bruxelloise a récemment annoncé l’acquisition de 12 bombardiers d’eau. Pour un montant total de 600 millions d’euros, financés à 100% par l’Europe, ils devraient être livrés fin 2027. Ils seront pré-positionnés dans plusieurs pays européens et pourront être mobilisés directement par RescEU.
La surprise vient de l’entreprise choisie pour fournir les aéronefs : De Havilland Canada. Interrogé par nos soins, Balazs UJVARI répond : « La Commission a eu plusieurs contacts avec des fabricants potentiels dont les projets et produits ont été présentés aux Etats membres… L’avion de la société canadienne semble être le seul avion amphibie de taille moyenne disponible sur le marché ». Toutefois, un rapport sénatorial, porté par M. Jean-Pierre VOGEL, met en exergue qu’il existe bien des solutions portées par Airbus ou Dassault ou des projets initiés par des start-up au niveau européen. Nous y reviendrons dans un prochain article…
Nos investigations ont montré que la commande a tardé à se concrétiser. De Havilland Canada (DHC) était réticente à relancer la chaîne de production des appareils. En effet, l’entreprise voulait un minimum de commande de 20 avions. Les Etats membres, dont 2 pour la France, ont donc dû s’engager dans leur achat. Ce sont finalement 22 canadairs qui arriveront sur le sol européen. Un petit « chantage » au passage…
L’information précédente démontre que la société canadienne doit mettre en place sa production de bout en bout. Concrètement, c’est la construction d’une usine à Calgary, le recrutement du personnel qualifié… Dans ces conditions, les délais pourront-ils être respectés ? L’organisation gouvernementale canadienne, la Corporation Commerciale Canadienne (CCC), a été au cœur des négociations entre l’entreprise, l’Europe et certains Etats membres. Son porte-parole Mouktar Abdillahi, nous a précisé que : « la CCC a signé des lettres d’intention avec la Croatie, la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne pour l’achat des avions… Chaque contrat signé par le CCC est assorti d’une garantie d’exécution par le gouvernement Canadien…la CCC agit en tant que maître d’œuvre et sous-traite au fournisseur canadien. Au fur et à mesure que l’entreprise canadienne remplit ses engagements, la CCC supervise l’exécution du contrat et l’administre financièrement jusqu’à son achèvement ».
Nous voilà rassurés !