La proposition de destitution d’Emmanuel Macron, initiée par La France Insoumise (LFI), représente un événement marquant dans la vie politique française, mais elle a peu de chances d’aboutir en raison des obstacles institutionnels.
Cette motion, déposée le 4 septembre 2024 et signée par 84 députés, est une réponse au refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets, candidate du Nouveau Front Populaire (NFP), à la fonction de Premier ministre, malgré le fait que la coalition de gauche ait remporté 193 sièges aux élections législatives.
LFI accuse Emmanuel Macron de « manquement grave » pour avoir ignoré la volonté exprimée lors des élections. Cette accusation repose sur l’article 68 de la Constitution, qui stipule qu’un président peut être destitué en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».
La destitution du président Macron n’aura pas lieu.
La proposition de destitution déposée par LFI intervient dans un contexte de tensions politiques accrues en France. Lors des élections législatives de juin 2024, l’alliance de gauche (NFP) a remporté le plus grand nombre de sièges, mais n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue (289 sièges). Face à ce résultat, Emmanuel Macron a refusé de nommer Lucie Castets, la candidate du NFP à Matignon, préférant opter pour Michel Barnier, soutenu par la droite et le centre.
Cette décision a provoqué la colère des dirigeants de LFI, qui y voient un « coup de force institutionnel » contre la démocratie. Jean-Luc Mélenchon a déclaré que Macron ignorait « la volonté populaire » et refusait de respecter le résultat des urnes. Dans une tribune publiée le 18 août 2024 intitulée « Démettre le président plutôt que nous soumettre », les signataires de la motion dénoncent un « manquement grave » aux devoirs du président et appellent à une destitution.
La destitution d’un président en France est encadrée par une procédure complexe, rarement activée depuis la mise en place de la Ve République. Le cadre constitutionnel prévoit plusieurs étapes avant que la motion puisse aboutir.
1. Examen de la recevabilité par le bureau de l’Assemblée nationale
Le bureau de l’Assemblée nationale, composé de 22 membres, doit d’abord examiner la recevabilité de la proposition. La majorité au sein de cette instance est détenue par le NFP, avec 12 membres, ce qui laisse penser que cette première étape pourrait être franchie. Cependant, certains députés socialistes, pourtant membres du NFP, ont exprimé leur désaccord avec la motion, mettant en lumière les divisions internes au sein de la gauche.
2. Adoption par la Commission des Lois
Si la proposition est jugée recevable, elle doit être soumise à la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, qui l’étudiera en détail. Ce passage est crucial, car il déterminera si la motion sera soumise au vote de l’ensemble des députés.
3. Vote à l’Assemblée nationale
Pour que la destitution soit validée par l’Assemblée nationale, il faut une majorité des deux tiers des voix. Dans un contexte où la droite et le centre ont une forte influence, il est peu probable que ce seuil soit atteint. Les partis de droite, satisfaits de la nomination de Michel Barnier, n’ont aucun intérêt à soutenir cette initiative.
4. Validation par le Sénat
Si, contre toute attente, la motion est adoptée par l’Assemblée nationale, elle doit ensuite être validée par le Sénat. Le Sénat, majoritairement contrôlé par la droite, est encore moins susceptible de soutenir une telle procédure. Là encore, une majorité des deux tiers est requise pour que la destitution soit effective.
5. Constitution de la Haute Cour
Si la motion est adoptée par les deux chambres, le Parlement se constitue en Haute Cour pour juger le président. Cette étape est inédite dans l’histoire de la Ve République et serait d’une grande complexité juridique et politique. La Haute Cour aurait pour mission de juger si Emmanuel Macron a effectivement commis un manquement grave à ses devoirs.
Qui soutient cette destitution malgré son improbabilité?
La France Insoumise est à l’origine de cette motion mais les autres partis de gauche, membres du Nouveau Front Populaire, sont loin de partager cette initiative. Le Parti socialiste (PS) a fait savoir qu’il ne soutiendrait pas la motion, estimant qu’elle est vouée à l’échec et pourrait même renforcer la légitimité d’Emmanuel Macron en cas d’échec.
Le Parti Communiste Français (PCF) et les écologistes sont également réservés quant à cette démarche, privilégiant des solutions plus pragmatiques.
Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a déclaré que la destitution est « impraticable » et que la vraie réponse à la crise politique actuelle serait de faire respecter le résultat des élections législatives par des moyens législatifs et démocratiques, notamment en utilisant la motion de censure contre le gouvernement Barnier.
L’écho médiatique de cette initiative est assez fort mais la proposition de destitution d’Emmanuel Macron a très peu de chances d’aboutir. Le processus nécessite des majorités qualifiées qui sont difficilement atteignables dans le contexte politique actuel. Les divisions internes au sein de la gauche affaiblissent la crédibilité de cette initiative. Le Parti socialiste, le PCF et les écologistes ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne soutiendraient pas cette motion, ce qui réduit considérablement les chances de succès.
Pour Emmanuel Macron, cette proposition de destitution, bien que symboliquement importante, ne représente pas une menace immédiate. Le président a déjà fait face à des crises politiques majeures, notamment lors des mouvements sociaux et des Gilets jaunes, et a réussi à maintenir sa position. Le principal défi pour lui reste de naviguer dans un paysage politique fragmenté où aucune majorité claire n’émerge, mais la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre semble avoir stabilisé temporairement la situation.