Dans une démocratie où la liberté de la presse est un pilier, l’attitude de Rachida Dati, ministre de la Culture, envers les médias a crée une tempête.
Censée défendre l’indépendance des rédactions, elle ne réagit pas gracieusement avec celles et ceux qui osent évoquer ses démêlés judiciaires.
De LCI à BFMTV, en passant par France Télévisions, son style bulldozer et ses pressions en coulisses sèment la peur.
Son procès pour corruption dans l’affaire Renault-Nissan approche et Dati semble naviguer en toute impunité puisque soutenue par une partie de la classe politique. Comment une ministre, ancienne magistrate, peut-elle ainsi défier la presse et la justice sans vaciller ?
Rachida Dati est en guerre contre les médias
Le 22 juillet 2025, Rachida Dati monte au créneau sur LCI. L’annonce de son renvoi en procès pour « corruption », « trafic d’influence », « recel d’abus de pouvoir » et « abus de confiance » dans l’affaire Renault-Nissan vient de tomber.
Loin de faire profil bas, elle contre-attaque avec une véhémence rare. Devant les caméras, elle dénonce une procédure judiciaire « émaillée d’incidents » et accuse les magistrats de bafouer ses droits. Mais ce n’est pas tout : elle s’en prend aussi aux médias qui relaient l’affaire.
Mediapart a rapporté que son entourage a insulté la directrice de la rédaction de BFMTV et que des pressions auraient visé France Télévisions après un reportage de Complément d’enquête sur ses honoraires non déclarés auprès de GDF Suez.
Cette offensive montre que les mots du jour sont “intimider pour mieux contrôler le récit”.
Dati n’en est pas à son premier essai
En décembre 2024, des posts sur X rapportaient des insultes proférées en coulisses – « Enculé », « Salopard », « Je vais m’occuper de ton cas ». Ces menaces étaient addressées aux journalistes enquêtant sur ses affaires.
Une ministre de la Culture, garante de la liberté d’expression, qui menace la presse ? « C’est l’intimidation permanente, la peur de se faire harceler », confie une figure macroniste à BFMTV. Pourtant, peu osent la critiquer publiquement, tant son influence et son caractère imposent le silence.
L’affaire Renault-Nissan nous en dit long sur sa carrière
En 2009, alors avocate et eurodéputée, elle signe un contrat avec RNBV, une filiale de l’alliance Renault-Nissan, pour des prestations de conseil. Entre 2010 et 2012, elle perçoit 900 000 euros, une somme versée « en toute opacité », disent les juges. Problème : les enquêteurs peinent à trouver des traces concrètes de son travail.
Le Parquet national financier (PNF), dans son réquisitoire de novembre 2024, qualifie ce contrat d’« habillage juridique d’un pacte corruptif ». Les soupçons ? Une activité de lobbying déguisée au Parlement européen, strictement interdite pour une élue.
Dati conteste vigoureusement. Elle affirme avoir conseillé Renault-Nissan pour son expansion au Moyen-Orient afin d’ouvrir une usine à Tanger. Carlos Ghosn, ex-patron du groupe, soutient sa version, mais les preuves matérielles, les rapports, emails, notes, brillent par leur absence.
En juillet 2021, après un statut initial de témoin assisté, Dati est mise en examen. Ses multiples recours, y compris un pourvoi en cassation en juillet 2025, n’ont pas empêché son renvoi en procès, prévu après une audience technique en septembre 2025.
Ce dossier, instruit depuis 2019, fragilise sa stature, d’autant plus qu’elle ambitionne la mairie de Paris en 2026.
Une candidate intouchable pour 2026 ?
Candidate pressentie pour la mairie de Paris, Dati bénéficie d’un soutien tacite de la droite et du camp macroniste. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, déclare sur TF1 vouloir « ardemment » qu’elle conquière la capitale. Emmanuel Macron, qui l’a nommée ministre en janvier 2024, « prend note » de son renvoi en procès mais la maintient au gouvernement, arguant qu’un renvoi n’est pas une condamnation.
Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, se limite à évoquer la présomption d’innocence. Une indulgence sélective qui n’est pas offerte à Bruno Retailleau. « Ce n’est pas un très beau départ de campagne », admet un sénateur LR, tandis qu’un ténor du parti confie : « Ça arrange tout le monde qu’elle y aille, mais on ne mouille pas trop la chemise pour elle. »
Sa candidature offre une chance à la droite de reprendre Paris à Anne Hidalgo, et au camp présidentiel d’éviter une bataille interne, Gabriel Attal ayant décliné la course.
« Cette histoire de renvoi renforce ceux qui l’apprécient et ceux qui la détestent », résume un député LR.Intimidation et silence.
Dati essaie de faire peur.
Un post sur X du 19 décembre 2024 rapporte qu’elle aurait tenté de censurer des articles en menaçant des rédactions. Lors d’une apparition sur LCI, elle aurait prolongé sa présence en régie pour s’assurer que les journalistes ne la critiquent pas après son départ. Ces méthodes dissuadent les voix dissidentes. « Son caractère et son appui au sommet de l’État ne donnent pas envie de sortir du bois », avoue un député macroniste.
Comment une ministre, ancienne garde des Sceaux et magistrate de formation, peut-elle s’en prendre ainsi à la presse et à la justice ? Ses attaques contre le PNF, notamment contre le procureur Jean-François Bohnert, qu’elle accuse d’avoir admis un « parquet dysfonctionnant », ont été fermement démenties.
Bohnert, dans un communiqué du 23 juillet 2025, réaffirme avoir validé le réquisitoire. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Peimane Ghaleh-Marzban, dénonce quant à lui « l’opprobre jeté publiquement » sur les magistrats.
Le calendrier judiciaire complique encore la situation. Avec une audience fixée pour septembre 2025 et un procès potentiellement repoussé après les municipales de mars 2026, Dati joue la montre.
Mais une autre bataille se profile : l’élection législative partielle dans la 2e circonscription de Paris, où elle pourrait affronter Michel Barnier.
Cette rivalité interne à la droite est exacerbée par l’annulation de l’élection de son ancien collaborateur Jean Laussucq et fragilise sa position.
En cas de candidature dissidente, elle risque de s’aliéner une partie de son camp. Pourtant, Dati ne plie pas. Devant 250 militants LR, elle clame n’avoir « peur de rien, ni de personne ».
En défiant la presse et la justice, Dati mise sur son charisme et son influence pour maintenir son cap. Mais à quel prix ?
À l’approche des municipales de 2026, son procès pour corruption risque d’affecter sa campagne.


