Le 9 avril 2025, Emmanuel Macron a déclaré que la France pourrait reconnaître un État palestinien en juin, à l’occasion d’une conférence organisée avec l’Arabie saoudite aux Nations Unies.
Cette annonce, inattendue par sa précision temporelle, a ouvert une ligne de fracture nette dans la classe politique française.
Derrière les mots du président, c’est toute une diplomatie qui cherche un nouvel équilibre, entre soutien aux droits des Palestiniens, pression sur Israël et adaptation aux réalignements régionaux.
Une reconnaissance conditionnelle, mais affirmée d’un État Palestinien
Le président français a conditionné cette reconnaissance à l’instauration d’un processus de réciprocité, dans lequel plusieurs pays reconnaîtraient simultanément l’existence des deux États. Il s’agirait, pour lui, de créer une dynamique internationale cohérente : Israël reconnu par des pays qui s’y refusaient jusqu’à présent, en échange d’une reconnaissance formelle d’un État palestinien par des puissances occidentales, dont la France.
L’Arabie saoudite joue un rôle central dans cette logique. Longtemps en retrait sur le dossier israélo-palestinien, Riyad a récemment renforcé son influence diplomatique, notamment depuis la guerre déclenchée à Gaza après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Les autorités saoudiennes ont depuis conditionné toute normalisation avec Israël à la création d’un État palestinien indépendant. Ce positionnement sert de levier à Emmanuel Macron pour proposer une action coordonnée, dont Paris serait à la fois l’architecte et le garant symbolique.
La gauche applaudit, la droite dénonce une initiative catastrophique
À gauche, l’annonce a été globalement bien accueillie. Jean-Luc Mélenchon, figure de La France Insoumise, a salué un rattrapage moral et politique : « Un an et six mois après LFI, ces gens comprennent enfin que la solution politique est la seule possible ». Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a quant à lui présenté cette reconnaissance comme un moyen d’exercer une pression sur le gouvernement israélien, accusé de bafouer les principes humanitaires les plus élémentaires à Gaza.
Au sein de la majorité présidentielle, plusieurs figures soutiennent l’idée d’un État palestinien, à condition d’y associer des garanties. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a ainsi insisté sur la nécessité de garantir la sécurité de chaque État, en écho aux préoccupations des soutiens d’Israël. Marc Fesneau, président du groupe MoDem, a rappelé que cette reconnaissance ne saurait aller sans un principe de réciprocité : deux peuples, deux États, deux légitimités.
À droite, les réactions ont été plus hostiles, voire alarmistes. Sébastien Chenu, du Rassemblement national, a dénoncé une reconnaissance “adossée au Hamas”, qu’il considère comme incompatible avec toute légitimité étatique. Le RN, tout en défendant la perspective de deux États, s’oppose à toute décision dans le contexte actuel, jugé trop instable.
Gérard Larcher, président du Sénat et membre des Républicains, a pour sa part évoqué le sort des otages israéliens encore détenus à Gaza, la faiblesse de l’Autorité palestinienne et la persistance des violences. À ses yeux, les conditions politiques, sécuritaires et diplomatiques ne sont tout simplement pas réunies.
Israël reste inflexible, le Hamas salue une avancée
Le ministre des Affaires étrangères israélien, Gideon Saar, a qualifié l’initiative française de “récompense pour le terrorisme“, et estime qu’elle ne ferait qu’éloigner la perspective d’un règlement pacifique. Toute reconnaissance d’un État palestinien dans le contexte actuel revient à conforter des acteurs qu’Israël considère comme des menaces existentielles. Le gouvernement israélien continue de rejeter la solution à deux États dans les termes proposés, estimant que toute entité palestinienne autonome représenterait un danger.
Le Hamas a salué l’annonce d’Emmanuel Macron. Mahmud Mardawi, haut responsable du mouvement islamiste, a estimé que la reconnaissance française constituerait une avancée significative vers la fin de l’occupation et la réalisation des droits nationaux du peuple palestinien. Il a souligné l’importance de la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, capable selon lui d’influencer l’équilibre diplomatique mondial. Il est utile de rappeler ici que le Hamas est classé comme organisation terroriste par l’Union européenne, les États-Unis, Israël et plusieurs autres pays.
Un geste symbolique ?
Près de 150 États dans le monde reconnaissent aujourd’hui l’existence d’un État palestinien, principalement dans les pays du Sud global.
En Europe, cette reconnaissance reste marginale, mais des signes d’évolution se sont multipliés. L’Irlande, la Norvège, l’Espagne et la Slovénie ont annoncé récemment leur décision de reconnaître la Palestine, dans un contexte de colère croissante face aux conséquences humanitaires de la guerre à Gaza.
La France, par sa place centrale au sein de l’Union européenne et du Conseil de sécurité, donnerait un poids particulier à cette reconnaissance. Elle serait la première puissance occidentale majeure à franchir ce pas. Reste à savoir si ce geste s’inscrira dans une véritable stratégie de médiation, ou s’il restera un symbole de solidarité sans effets concrets sur le terrain.
La question de Gaza et l’exclusion du Hamas
L’annonce d’Emmanuel Macron ne signifie pas une reconnaissance sans conditions. Le président a affirmé que l’État palestinien envisagé ne saurait inclure le Hamas dans sa structure politique. Le plan français prévoit un retour de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza, dont elle a été évincée depuis 2007. Cette disposition répond à l’une des principales préoccupations de la diplomatie occidentale : l’impossibilité de soutenir une entité gouvernée par une organisation armée refusant la reconnaissance d’Israël.
Mais la faiblesse actuelle de l’Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, soulève des doutes. Son absence d’influence à Gaza, ses divisions internes et sa perte de légitimité auprès de nombreux Palestiniens compliquent le projet français.
La France compte sur le soutien de partenaires arabes pour encadrer un retour progressif de l’Autorité dans la bande de Gaza et faciliter une solution de compromis.