Dans un monde ultra-connecté où chacun peut observer la vie de tant de personnes, beaucoup se sentent isolés et seuls. Certains n’ont même pas accès à des choses simples comme un toit. On peut le voir dans les grandes villes comme Paris ou ailleurs, toutes ces tentes qui s’accumulent parce que des gens sont à la rue. Cela fait partie des choses que malheureusement on voit depuis longtemps et dont on a le sentiment que rien ne change.
C’est ce que je ressens en allant vers le château de Versailles où expose actuellement l’artiste Guillaume Bresson. Il avait l’envie de faire rentrer des personnes qui n’auraient jamais été présentes au château de Versailles.
L’Art comme Révélateur de l’Invisible
C’est vrai, pour ma part, je ne serais pas allé à Versailles si ce n’est pour voir ses tableaux. On peut y voir de la violence dans certaines scènes et à bien y regarder, on interprète finalement ce que l’on voit parce que j’ai pu y observer aussi de la douceur à travers ces corps en mouvement, parfois suspendus dans des pas de danse.
C’est certainement cela, une œuvre d’art, une rencontre entre ce que veut nous dire l’artiste et ce que nous en comprenons. De l’autre côté, ce que nous pensons de l’œuvre à travers nos propres filtres, puis aussi ce que nous ne comprenons pas, mais qui nous touche tout simplement.
Moi, au premier abord, ce qui m’a attiré, c’est le thème des invisibles, ceux qu’on ne voit pas. Je crois en cela. J’ai fait partie de ces enfants qu’on ne voit pas, ou plutôt qu’on ne veut pas voir parce que pauvres. C’est intéressant que cela nous suive comme une trace invisible, comme une odeur que l’on aurait sur nous et dont on n’arriverait pas à se détacher. C’est un peu cela Versailles pour ma part, cette sensation d’être le garçon en guenilles dans le “joujou du pauvre” de Baudelaire.
En réalité, quand on y va, on est bien accueilli : l’extérieur nous offre un havre de paix dans des jardins resplendissants où les badauds se promènent. À l’intérieur, il y a le faste, mais également les œuvres d’art. Elles nous invitent à côtoyer nos émotions tout en s’interrogeant sur notre passé. Elles nous permettent de nous détacher un instant et de contempler toute une histoire à travers quelques coups de pinceaux. Certaines choses nous touchent, d’autres moins. C’est cela qui nous amène à une réflexion, à voir le monde à travers le regard d’autres.
Pour ma part, j’ai eu la chance de voir l’exposition à travers celui d’Hanifa Chanaoui, conférencière et professionnelle des métiers de l’exposition, qui m’a présenté l’exposition.

Entre bagarre et ballet : l’art de la chute chez Guillaume Bresson
“Guillaume Bresson est un artiste français né en 1992. Il n’était pas du tout destiné à devenir artiste. Il a commencé par quelques graffitis, ça lui a valu quelques gardes à vue. Ses parents, pour lui éviter des ennuis, l’ont inscrit à des cours de dessin et de peinture et c’est comme cela qu’il est arrivé à l’école des beaux-arts à Paris.
Aujourd’hui, il est connu pour réinterpréter la peinture figurative de façon contemporaine tout en s’inspirant des grands maîtres de la Renaissance. On peut notamment voir l’influence de Vermeer. Derrière les peintures de celui-ci, il y a habituellement soit des fenêtres, soit des miroirs dans lesquels on peut distinguer d’autres scènes, et c’est exactement ce qu’on voit dans une des peintures de Bresson.
Guillaume Bresson crée aussi de la distanciation psychologique entre les personnages. On en trouve qui ne se parlent pas, qui ne se regardent pas. Il y a souvent une tension silencieuse, et ça contraste énormément avec les scènes de célébration, de bagarre.
D’où le contraste entre l’énergie expressive, débordante et la tension très infuse.
Guillaume Bresson est parfois surnommé le Caravage des banlieues ou le Nicolas Poussin des parkings parce qu’il y a fréquemment des scènes de parking. Il représente principalement cette tension urbaine et ces interactions des corps. C’est très ambigu, on ignore parfois si ce sont des bagarres ou plutôt de la danse. Il veut vraiment laisser cette ambiguïté, notamment les scènes de chute. ”
C’est sur ces mots qu’a terminé Hanifa Chanoui et dans cette exposition contemporaine, j’avais la sensation de revoir des scènes du film “la Haine” et quand elle a notamment parlé de chute, cela m’a fait penser à la citation du film :
“C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : Jusqu’ici, tout va bien. Jusqu’ici, tout va bien. Jusqu’ici, tout va bien. Mais, l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage.“
Film La Haine, Mathieu Kassovitz, 1995”