C’est à nouveau en Espagne que nous emmenons nos chers lecteurs pour étudier une œuvre digne d’intérêt : la basilique Saint-Laurent du monastère de l’Escurial.
Ce nucléon libre du monastère est à la fois son centre et sa fin, puisqu’une fois qu’on l’a vue, il est difficile d’être davantage émerveillé. La basilique de Saint-Laurent représente l’apothéose de l’architecture de la Renaissance, avec néanmoins quelques éléments maniéristes (début baroque).
La basilique qui montre la puissance de l’art religieux
Son architecte, Juan de Herrera, fut le favori de la cour pendant de nombreuses années, c’est pour cette raison que le roi Philippe II décide de le choisir comme traceur et exécuteur de la plus grande œuvre architecturale de son règne. À la fois spectaculaire et simple dans sa distribution, la basilique présente une succession de projets et d’idées, toutes très créatives. En effet, il ne s’agit pas d’une église construite d’après un seul projet, comme l’ont dit beaucoup de livre du XVIe (entre autres l’imitation du temple de Salomon), bien au contraire, c’est une succession de projets qui, mis tous en commun, ont donné naissance à cette basilique.
Commençons par sa distribution et son orientation ; comme dans toutes les églises du monde à partir du Vᵉ siècle Ap J. C, la basilique est construite en croix latine, représentant Jésus-Christ comme tête de l’Église. La partie Nord de l’église (la plus froide) expose des scènes de l’Ancien Testament, la partie Ouest (point ou le soleil se couche) est réservée aux scènes bibliques du jugement dernier, la partie Est (lever du soleil) est consacrée uniquement à l’iconographie de Jésus-Christ, présente dans la partie du chœur et du déambulatoire de la basilique, enfin la zone Sud Est, elle, est dédiée au Nouveau Testament : symbole du monde à venir.
La basilique de Saint-Laurent présente de nombreuses œuvres, plus extraordinaires les unes que les autres, toutes porteuses d’histoire et de significations. Parmi elles, deux sont particulièrement captivantes : le retable et le reliquaire.
La richesse des oeuvres de la basilique laissent pantois
Le retable est une œuvre monumentale de vingt-six mètres de haut par quatorze mètres de large. Les statues suivent la même idée de grandeur : de deux à trois mètres pour les plus importantes. Ces dimensions extravagantes s’inscrivent dans les codes artistiques religieux de l’époque où plus l’église avait un rôle spirituel important, plus la taille des statues était grande. Parallèlement, il est important de distinguer l’œuvre sculpturale et l’œuvre peinte. La première comprend le retable (réunissant les statues et la distribution des espaces), la deuxième se compose des œuvres peintes.
En ce qui concerne la réalisation du retable, l’œuvre est soumise à plusieurs rumeurs à l’époque de sa réalisation. Certains disent qu’il fut réalisé entièrement par Juan de Herrera. Cependant l’histoire actuelle, nous apprend que, si les tracés partirent effectivement de sa main, la réalisation de l’œuvre est due à d’autres artistes italiens et espagnols comme: Juan Bautista Comane et son frère Pedro Castello travaillèrent les matériaux précieux (entre autres le jade et l’or qui recouvrent les soubassements des colonnes ainsi que les chapiteaux), Jacopo da Trezzo qui sculpta le tabernacle, puis les frères Leoni qui réalisèrent les statues de bronze ainsi que l’architecture du retable.
Si nous nous intéressons à l’iconographie du retable, nous reconnaîtrons la propagande du concile de Trente profondément présente sous la forme de l’Église, image du Christ Sauveur et rédempteur su monde. Parmi les peintures présentes, nous retrouvons l’adoration des rois mages, la flagellation, le martyre de Saint-Laurent, la résurrection du Christ, l’assomption puis enfin la Pentecôte. Contrairement à d’autres retables où un seul peintre est chargé de toutes les peintures, ici chaque panneau est l’œuvre d’un auteur différent, c’est pour cette raison que parmi toutes ces œuvres, une toile se démarque des autres. La Pentecôte, oeuvre du grand artiste espagnol Frédérique Zucarro, un maitre des lumières et de l’iconographie maniériste, est le panneau le plus discrèt du retable, il présente un traité et une composition très surprenante, plaçant la femme au-dessus de tout , devant un soleil presque rouge. Beaucoup plus symbolique que les autres, moins dans la représentation liturgique, l’œuvre laisse davantage de place à l’imagination du spectateur.
Si nous nous éloignons du chœur de la basilique pour nous diriger vers les bras des transepts (latéraux gauches et droites), nous verrons deux œuvres similaires, étonnantes par leur sobriété face aux fastes habituels de la basilique. De ce fait, il est courant que beaucoup de gens s’arrêtent devant cette curiosité. Ces deux œuvres sont en réalité des portes qui ouvrent le deuxième plus grand reliquaire d’Espagne. Au-delà de la symbolique de la puissance religieuse que signifiait avoir une telle collection, c’est également un trésor inestimable de pièces d’orfèvrerie, unique au monde qui n’est ouvert que deux fois par an au public.
Effectivement, l’Espagne dans son siècle d’or, grâce entre autres à la conquête des Amériques, regorgeait de pierres précieuses, c’est pour cette raison que, parmi ces pièces de musée, on s’émerveille devant certains reliquaires où brillent des émeraudes et rubís de plus de 20 carats incrusté dans de l’or.
Les richesses artistiques de la basilique de Saint-Laurent sont uniques et incalculables. Elles témoignent de la puissance d’un royaume, maître de l’Europe en son temps et représentant des nouveaux dogmes catholiques. Avec ses six siècles d’histoire, le monastère de l’Escurial renferme encore de nombreuses énigmes historiques et artistiques qui font l’objet de recherches universitaires, de quoi ravir le touriste amateur d’art.