La transition écologique s’invite progressivement dans le secteur culturel, un domaine longtemps imperméable à ces enjeux.
Solweig Barbier, déléguée générale d’ARVIVA a expliqué au Parisien Matin comment son association œuvre pour intégrer la durabilité dans le monde du spectacle vivant.
Elle plaide pour un modèle plus responsable, qui place l’écologie au cœur de la création et de la diffusion culturelle.
Solweig Barbier est la déléguée générale d’ARVIVA, une association cofondée avant la crise du COVID. Pourrait-elle nous expliquer comment celle-ci est née et ce qui a motivé cet engagement ?
ARVIVA est née d’une prise de conscience collective dans le secteur culturel, où la transition écologique était peu abordée, notamment dans le spectacle vivant. À cette époque, l’impact écologique des pratiques culturelles n’était pas pris en compte. C’est face à ce manque que l’idée de créer ARVIVA a émergé.
Un groupe de personnes a souhaité initier un changement, en proposant des solutions durables plutôt qu’en se contentant de critiquer. L’objectif était de susciter une réflexion autour de la nécessité d’adopter un modèle respectueux de l’environnement.
Aujourd’hui, ARVIVA regroupe plusieurs acteurs du secteur culturel. Solweig Barbier peut-elle expliquer comment l’association fonctionne ?
ARVIVA s’articule autour de trois pôles principaux. Le premier est un réseau d’adhérents, qui regroupe environ 450 structures : des compagnies, des festivals, des institutions culturelles…
Ce réseau permet de construire des projets communs et de mener une concertation pour un plaidoyer en faveur d’une culture plus responsable, durable et écologiquement consciente.
Les syndicats, consultants et représentants de collectivités appartiennent au premier pôle d’activité, pour construire les projets communs et faire un plaidoyer concerté.
Le deuxième pôle repose sur les outils et ressources. ARVIVA développe des outils pratiques pour aider les acteurs à adopter des pratiques écologiques. Cela inclut des calculateurs d’impact, des listes d’actions concrètes et des chartes écologiques adaptées à chaque structure, afin de les aider à passer à l’action de manière simple et efficace.
Le troisième pôle est dédié à un rôle d’observation, par la production d’études et d’analyses de la manière dont la transition écologique s’exprime dans le secteur du spectacle.
Quels sont les principaux défis que Solweig Barbier et son association peuvent rencontrer dans la mise en place de ces actions écologiques au sein du secteur culturel ?
Je crois qu’il s’agit du passage de la prise de conscience à la mise en action. Beaucoup de structures culturelles n’ont pas encore intégré la question écologique dans leur réflexion.
Souvent, elle est perçue comme une contrainte, et les logiques économiques, très centrées sur la rentabilité immédiate, sont souvent incompatibles avec des démarches durables. Par exemple, l’impact de la mobilité des spectateurs, la construction des décors et la gestion de la restauration dans les festivals sont souvent sous-estimés.
Il y a aussi un problème structurel : lorsque des coupes budgétaires surviennent, ce sont les budgets culturels qui sont les premiers à en souffrir. Cela rend encore plus difficile l’intégration de pratiques durables sur le long terme. Le secteur est soutenu pour favoriser la création artistique, mais rarement pour adopter des pratiques écologiques pérennes.
Quel modèle économique et social Solweig Barbier et son association proposent pour réinventer le secteur culturel tout en tenant compte des enjeux écologiques ?
Je pense qu’il est essentiel de ne pas se contenter des écogestes, qui sont importants, mais ne suffisent pas à eux seuls. Il faut absolument réévaluer le cadre global du soutien aux institutions culturelles et placer la transition écologique au centre de nos priorités. Aujourd’hui, bien qu’il existe des dispositifs comme “France 2030”, ces enjeux sont souvent considérés comme un supplément plutôt qu’une priorité.
Nous ne devons pas seulement penser à la survie des structures, mais aussi à ce que nous voulons réellement préserver dans la culture : la diversité, l’accessibilité et la création artistique. Tout cela doit s’inscrire dans un modèle durable, respectueux des ressources naturelles et financières limitées.
Le système actuel, basé sur une logique de rentabilité à court terme, n’est plus viable face à l’urgence écologique. Il faut repenser la production et la consommation culturelles pour qu’elles soient en phase avec les enjeux sociaux et environnementaux de notre époque. Sinon, le secteur risque de s’effondrer, à la fois en raison de la crise économique et de l’épuisement des ressources naturelles.
Je souligne aussi l’incertitude qui pèse sur des dispositifs comme l’appel à projets “Soutenir les Alternatives Vertes 2”, destiné à amplifier la transformation écologique des industries culturelles. À priori, ce projet ne sera pas reconduit et on ne sait pas encore si les financements seront redirigés vers d’autres secteurs, comme l’intelligence artificielle, ce qui pourrait laisser les initiatives écologiques sans soutien.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour l’association ARVIVA ?
L’association souhaite continuer à être un acteur de co-construction, en collaborant avec les institutions publiques et privées pour élaborer des solutions concrètes et adaptées. Le but est de passer de la formation à l’action, en offrant des outils pratiques aux structures pour intégrer l’écologie dans leur gestion et leur production.
Mais cela passe aussi par une révision des politiques publiques et un soutien actif pour faire de l’écologie un élément clé de toute création culturelle.
Si nous réussissons à intégrer ces enjeux au cœur du secteur culturel, nous aurons une chance de le rendre pérenne et de le faire évoluer vers un avenir plus respectueux de notre planète.


