Le 21 novembre 2024, une grève marquante a secoué la SNCF, soutenue par des syndicats comme la CGT et SUD Rail. Ce mouvement visait à protester contre les réformes du fret et la privatisation progressive de certains services ferroviaires.
Si la participation à cette mobilisation ait été relativement modeste, elle a tout de même servi de mise en garde avant le grand mouvement de grève reconductible prévu pour décembre, avec des demandes de hausses salariales et un combat contre les décisions gouvernementales de scinder le fret SNCF en deux sociétés distinctes : Hexafret et Technis.
La scission du fret SNCF serait un pas vers un démantèlement du service public
Depuis 2023, le démantèlement de la branche fret de la SNCF suscite un vif mécontentement. En effet, la Commission européenne a ouvert une enquête approfondie pour déterminer si la France a enfreint les règles européennes sur l’aide d’État, en subventionnant le secteur du fret de la SNCF. Cette enquête fait suite à des discussions entre le gouvernement français et la Commission européenne pour éviter une procédure de réorganisation qui aurait pu conduire à la liquidation pure et simple de la société.
Le plan proposé divise désormais la SNCF en deux entités : Hexafret, responsable du transport de marchandises, et Technis, qui prendra en charge la maintenance des locomotives, à partir du 1er janvier 2025. Ce projet de restructuration a été négocié pour préserver les emplois de la division fret, qui emploie environ 5 000 personnes, mais il n’a pas calmé les craintes des syndicats.
Les cheminots craignent que cette scission ne conduise à une privatisation partielle, avec des conséquences dramatiques pour les conditions de travail et l’avenir du fret ferroviaire en France. «Un moratoire est nécessaire pour permettre aux différents acteurs de revenir à la table des négociations et garantir non seulement la continuité de Fret SNCF, mais aussi son développement à long terme », ont déclaré les syndicats, insistant sur la nécessité d’une révision du plan.
Un autre aspect du projet qui divise concerne l’ouverture des lignes régionales à la concurrence. La SNCF se voit ainsi contrainte de céder certaines de ses lignes à des entreprises privées, dans le cadre de la politique de libéralisation des transports en Europe.
Ces transferts, notamment ceux des services TER (Trains Express Régionaux), sont perçus comme une menace directe pour l’emploi et les conditions sociales des cheminots. Le 14 décembre prochain, environ 1 200 cheminots, répartis entre Amiens, Nice et Nantes, seront transférés de SNCF Voyageurs vers des sociétés qui ont remporté les appels d’offres lancés par les régions pour la gestion des lignes TER. Bien que les travailleurs concernés conservent certains avantages, tels que leurs droits à la retraite et des bénéfices en matière de transport, ce transfert aura pour effet de réorganiser leur temps de travail afin d’augmenter la productivité.
Sébastien Mourgues, secrétaire régional de la CGT Languedoc-Roussillon, exprime une inquiétude grandissante : « Cette privatisation entraînera un transfert du personnel SNCF vers des filiales, ce qui, à terme, entraînera une dégradation des conditions sociales des cheminots. » Les syndicats dénoncent la logique de rentabilité qui sous-tend ces réformes, jugée incompatible avec l’ambition d’un service public ferroviaire efficace et accessible à tous.
La mobilisation du 21 novembre est un avant-goût du mouvement de décembre
Bien que la grève du 21 novembre ait été moins suivie que prévu, elle a constitué un échauffement symbolique avant la grève reconductible de décembre. Les cheminots manifestants ont dénoncé non seulement l’insuffisance des propositions salariales – l’augmentation de 2,2 % jugée trop faible par les syndicats – mais aussi la gestion de la restructuration du fret. Un petit cortège a défilé à la gare de Lyon, à Paris, avec des slogans tels que « Nos conditions de travail vont en pâtir, nos salaires aussi », mais aussi une forte dénonciation du démantèlement du fret, perçu comme une menace pour l’emploi et l’avenir écologique du transport ferroviaire.
Les syndicats réclament non seulement une hausse salariale plus conséquente, mais aussi un véritable débat parlementaire pour que les décisions concernant la SNCF et son avenir ne soient pas prises unilatéralement. Le gouvernement a certes proposé une solution pour éviter une liquidation pure et simple de la division fret, mais les cheminots s’inquiètent des conséquences à long terme de ces réformes sur l’avenir du secteur.
Le 11 décembre, les syndicats prévoient de lancer une grève reconductible qui devrait perturber de nombreuses lignes à grande vitesse et régionales. La SNCF prévoit déjà des perturbations sur ses lignes TGV, tandis que les trains intercités et les lignes TER seront plus fortement impactés, notamment en Île-de-France et dans d’autres régions où les syndicats sont très implantés. Ces prochains jours de grève constitueront un test décisif pour l’avenir du transport ferroviaire en France et pour les conditions de travail des cheminots. Si la mobilisation prend de l’ampleur, elle pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble de la politique de privatisation et de réorganisation du secteur ferroviaire.
Comme pour les grèves de 2018 et 2019, les syndicats comptent sur le soutien de la population pour mener à bien leur mouvement. La grève de novembre a montré que la mobilisation restait faible, mais l’ampleur du mouvement de décembre pourrait inverser la tendance. Les cheminots savent que le soutien populaire et la solidarité entre les différents secteurs de la SNCF seront essentiels pour peser dans les négociations avec le gouvernement. Si la participation s’intensifie, la pression sur les autorités pourrait grandement augmenter, et un véritable débat sur l’avenir du service public ferroviaire pourrait s’ouvrir.