Le 23 août 2024, le documentaire « Sous l’œil de Pékin : Total Trust » a été diffusé sur Arte, révélant l’ampleur du système de surveillance numérique chinois. Cette diffusion intervient alors que Pékin continue d’étendre son réseau de caméras et d’outils de reconnaissance faciale aux quatre coins du pays, suscitant l’inquiétude des défenseurs des droits humains.
802 millions d’internautes, 2 milliards de caméras de surveillance, et un système de crédit social qui régule les comportements de chaque citoyen : ces chiffres révèlent l’émergence d’une nouvelle forme d’autoritarisme. Derrière cette avancée technologique se cache un système de surveillance qui dépasse tout ce que l’on pourrait imaginer. Des technologies de reconnaissance faciale aux algorithmes de crédit social, le gouvernement chinois surveille et régule la vie publique et la vie privée de ses citoyens.
Une surveillance numérique massivement déployée
Le contrôle numérique en Chine ne date pas d’hier. Dès l’introduction de l’internet dans le pays dans les années 1990, le gouvernement a compris l’importance de maîtriser les nouvelles technologies. En 2000, le ministère de la Sécurité publique a lancé le projet Bouclier d’Or pour centraliser la surveillance à l’échelle nationale, « défendre l’intérêt du citoyen et améliorer le taux de résolution des affaires criminelles ».
Selon Zhulin Zhang, journaliste pour Courrier international, 2 milliards de caméras intelligentes sont aujourd’hui installées dans les rues, les centres commerciaux et les transports publics chinois. Ce chiffre impressionnant représente plus de la moitié de l’ensemble des caméras de surveillance installées dans le monde. Ces dispositifs, associés à des logiciels de reconnaissance faciale ultra-précis, permettent d’identifier instantanément n’importe quel citoyen dans la foule.
Le gouvernement chinois a aussi investi dans l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer l’efficacité de cette surveillance. La Chine est ainsi devenue un leader mondial dans l’utilisation de ces technologies – Le marché des caméras de surveillance intelligentes en Chine est évalué à plus de 33 milliards de yuans, soit environ 4,5 milliards d’euros.
La censure numérique, un outil invisible de la surveillance numérique
Derrière les équipements matériels de surveillance se cache une autre forme de contrôle : la censure numérique. En Chine, l’accès à l’information est strictement limité, et les autorités imposent un contrôle systématique de tous les contenus en ligne. Facebook, Twitter, et Google sont bloqués depuis 2009 et remplacés par des plateformes chinoises comme WeChat, Weibo et Baidu, qui sont surveillées étroitement. Espace
En 2010, Le Figaro estimait à 40 000 le nombre de personnes travaillant spécifiquement à censurer les contenus en ligne. En plus de cette « police de l’internet », le gouvernement met en place des filtres qui bloquent l’accès aux sites et applications jugés nuisibles à l’ordre public. Des mots-clés comme Tiananmen, Dalaï Lama, ou liberté d’expression disparaissent du web chinois en un clin d’œil.
Le crédit social fait parti d’un système de contrôle absolu
Depuis 2014, le gouvernement chinois a déployé un autre outil de contrôle numérique : le système de crédit social. En fonction de leurs comportements, les citoyens et les entreprises se voient attribuer une note de confiance individuelle – c’est ce qu’on appelle le « rating ». Selon le Parti communiste chinois (PCC), ce système devrait « permettre aux personnes de confiance de circuler librement, tout en contraignant au maximum celles qui seraient considérées de « non-confiance » ».
En principe, un citoyen qui paie ses factures dans les temps et trie ses déchets sera bien noté. Cette évaluation lui confèrera des avantages tels que des délais réduits pour accéder aux services médicaux ou des facilités dans l’obtention d’un crédit bancaire. À l’inverse, à chaque infraction, (traverser hors des passages piétons, fumer là où c’est interdit…) une mauvaise note sera attribuée à l’individu, qui écopera d’une amende, d’une limitation de son accès à internet, ou pire encore, de restrictions dans sa liberté de déplacement.
L’objectif : surveiller, réguler et modeler la société selon les attentes du gouvernement. Pékin le répète, c’est bien pour permettre d’assurer la sécurité que sont collectées ces données. Dans la région du Xinjiang, patrie du peuple Ouïghour, une base de données de 30 millions d’ « empreintes » d’iris a été constituée dès 2017.