Le procès intenté contre Meta par l’autorité américaine de la concurrence a commencé le lundi 14 avril à Washington. L’objectif est clair : déterminer si l’entreprise a racheté Instagram et WhatsApp pour éliminer ses concurrents.
L’avocat de la Federal Trade Commission (FTC), Daniel Matheson, a accusé Meta d’avoir préféré acheter ses rivaux plutôt que de les affronter sur le marché. Selon lui, cela montre une volonté de dominer le secteur en supprimant toute menace potentielle.
Meta fait face à des maxi problèmes
Meta conteste cette version. Son avocat, Mark Hansen, affirme que les rachats ont permis d’améliorer ces plateformes et qu’ils ont été validés à l’époque par la même autorité qui les conteste aujourd’hui. Hansen a également déclaré que racheter une entreprise pour la développer n’a jamais été considéré comme illégal.
Mais la FTC s’appuie sur des documents internes, notamment un mémo de 2012 dans lequel Mark Zuckerberg parle explicitement de “neutraliser” Instagram. Pour Matheson, cette note est une preuve directe de l’intention de Meta. Rebecca Haw Allensworth, professeure de droit à Vanderbilt, souligne d’ailleurs que les propos de Zuckerberg lui-même, notamment dans ses courriels, pourraient être les éléments les plus convaincants du dossier : « Il a dit qu’il valait mieux acheter que rivaliser. »
Kevin Systrom, cofondateur d’Instagram, a confirmé cette interprétation. Il a témoigné que Zuckerberg considérait Instagram comme une menace et qu’après le rachat, Facebook avait volontairement réduit les ressources allouées à son développement. Il a aussi indiqué que malgré la forte croissance d’Instagram – 1 milliard d’utilisateurs, soutenus par seulement 1 000 employés sur les 35 000 de Facebook – l’application restait largement sous-exploitée. Pour lui, Facebook a freiné Instagram pour protéger la croissance de sa propre plateforme.
Des échanges internes montrent aussi que Zuckerberg envisageait de ralentir les nouveautés sur Instagram après l’avoir acquis. Systrom pense que Facebook considérait Instagram comme responsable du ralentissement de son propre nombre d’utilisateurs actifs quotidiens aux États-Unis.
Qu’est-ce que ça voudra dire pour le futur de Meta?
Si la FTC l’emporte, Meta pourrait être forcée de se séparer d’Instagram et de WhatsApp. Elle soutient que les rachats ont été faits pour empêcher la montée de concurrents sérieux, et non pour innover.
À l’époque, Facebook avait acheté Instagram pour 1 milliard de dollars en 2012, puis WhatsApp pour 19 milliards deux ans plus tard. Dans le système américain, une entreprise cotée doit accepter une offre avantageuse pour ses actionnaires, ce qui permet à des géants comme Meta de racheter des startups prometteuses avant qu’elles ne deviennent dangereuses.
Zuckerberg a déjà tenté de faire pression pour que l’affaire soit abandonnée. Il a notamment rencontré Donald Trump en personne pour plaider sa cause. Alors qu’il avait banni Trump de Facebook après l’assaut du Capitole, il a depuis changé de position et exprimé son soutien à l’ancien président.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de remise en question du pouvoir des géants du numérique. Le gouvernement américain cherche aussi à démanteler certaines activités de Google et d’Amazon.
Les pratiques d’aujourd’hui ne passent plus uniquement par le rachat d’entreprises concurrentes. Elles consistent aussi à rendre l’entrée sur le marché presque impossible. Entre les exigences réglementaires comme le RGPD et la difficulté d’attirer des utilisateurs sur une nouvelle plateforme vide, seules de très grandes entreprises comme BlueSky, soutenue par Jack Dorsey, peuvent espérer exister.