L’élection de Donald Trump à la présidence en novembre 2024 ravive un débat majeur aux États-Unis : le droit à l’avortement, déjà fragilisé depuis l’annulation de Roe v. Wade en 2022.
Trump, en nommant trois juges conservateurs à la Cour suprême lors de son premier mandat, a permis de renverser cet arrêt historique qui avait garanti l’accès à l’avortement au niveau fédéral depuis 1973. Désormais, la décision est renvoyée aux États, ce qui inquiète certaines femmes qui voient l’IVG comme un droit fondamental.
Pas d’avortement, un retour en arrière pour les Droits des Femmes
En juin 2022, l’annulation de Roe v. Wade par la Cour suprême, où six des neuf juges sont conservateurs, a donné aux États la liberté de légiférer individuellement sur l’avortement. Depuis, au moins douze États, principalement dans le Sud et le Midwest comme le Texas, la Louisiane et le Mississippi, ont interdit l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste. Des restrictions sévères ont été adoptées dans d’autres États, avec des lois interdisant l’avortement après six semaines de grossesse, bien avant que de nombreuses femmes ne se rendent compte de leur grossesse. En Floride, une loi limitant l’accès à l’avortement à six semaines a été confirmée par la Cour suprême de l’État, renversant la Floride comme refuge pour les femmes cherchant à avorter dans la région sud-est des États-Unis.
La question de l’avortement a marqué les élections de novembre 2024, où les électeurs de dix États ont voté sur des référendums locaux pour inscrire ou rejeter le droit à l’avortement dans leurs constitutions. Sept États, dont le Colorado et le Nevada, ont approuvé des amendements protégeant l’accès à l’avortement, tandis que des États conservateurs comme le Nebraska et le Dakota du Sud ont rejeté ces mesures. En Floride, où la majorité en faveur des droits à l’avortement a atteint 57 %, l’amendement n’a pas pu passer en raison de l’exigence d’une majorité de 60 %, illustrant la division intense sur ce sujet.
Alors que Trump reste silencieux sur le sujet durant sa campagne, il avait célébré en 2022 la décision de la Cour suprême comme un succès personnel. Les groupes anti-avortement se mobilisent pour contrer les avancées réalisées dans certains États par tous les moyens légaux possibles, espérant que l’interdiction fédérale à l’avortement devienne une réalité. Toutefois, les pro-choix redoublent d’efforts pour sécuriser ce droit via des référendums locaux ou des initiatives citoyennes. Les États démocrates tentent de protéger l’avortement jusqu’à la viabilité fœtale, estimée entre 22 et 24 semaines, tandis que d’autres comme l’Arizona, limitent encore cet accès à 15 semaines.
Pourquoi la France a t-elle un rapport complètement différent à l’avortement?
En France, où l’avortement est un droit inscrit dans le Code de la santé publique, des avancées significatives ont été faites pour renforcer l’accès à l’avortement. Depuis 2022, la loi française permet aux femmes d’interrompre leur grossesse jusqu’à 14 semaines.
La France a légalisé l’avortement en 1975 grâce à la loi Veil, un moment historique dans la défense des droits des femmes. Cet acquis est désormais perçu comme un symbole de liberté et d’égalité des droits. La société française valorise également la laïcité et la séparation de l’Église et de l’État, ce qui réduit l’influence religieuse sur les politiques sociales. La tendance de soutien s’est renforcée avec le temps : en 2022, environ 81 % des Français considéraient l’avortement comme un droit fondamental.
En 2023, des discussions ont été lancées pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, un processus long et complexe mais visant à assurer une protection supplémentaire en cas de changements politiques futurs. Contrairement aux États-Unis, où les droits des femmes fluctuent en fonction des majorités politiques et des décisions judiciaires, le modèle français tente de garantir une stabilité et une universalité à l’accès à l’IVG.
La restriction de l’avortement dans de nombreux États américains a un impact direct sur la santé des femmes, en particulier des populations vulnérables. Une étude publiée en 2023 par le Guttmacher Institute révèle que 75 % des femmes ayant besoin d’un avortement vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour elles, se rendre dans un État où l’avortement est légal implique souvent des coûts élevés, du temps de déplacement et des complications logistiques, exacerbant les inégalités sociales. En 2024, les cliniques de Californie, de l’Illinois et du New Jersey ont observé une augmentation de 30 % de la demande de services de la part de patientes venant d’États où l’avortement est désormais illégal, créant des surcharges dans ces établissements et des délais supplémentaires pour toutes les patientes.
Les conséquences de l’interdiction de l’avortement ne se limitent pas aux aspects physiques et logistiques : la santé mentale des femmes en est également affectée. Selon une étude de 2023 du Journal of the American Medical Association (JAMA), les femmes forcées de poursuivre une grossesse non désirée présentent un risque accru de dépression, d’anxiété et de troubles post-traumatiques. En revanche, celles ayant eu accès à l’avortement ont montré des indicateurs de bien-être nettement meilleurs. L’interdiction de l’avortement ne se limite donc pas à un simple débat politique.