Le 9 janvier 2025 un influenceur algérien, Boualem N., surnommé « Doualemn », a été expulsé de France en raison de ses publications incitant à la violence. Un retournement spectaculaire a eu lieu lorsque les autorités algériennes ont refusé son admission sur le territoire national, forçant Doualemn à rentrer sur le territoire français. Le rejet a déclenché une crise diplomatique qui pourrait bien redéfinir les rapports entre les deux nations dans les mois à venir.
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, n’a pas tardé à exprimer son mécontentement après cet incident. Lors de son déplacement à Nantes, il a dénoncé une « situation inacceptable » et une « humiliation » de la France par l’Algérie.
Selon lui, le refus d’admettre Boualem N. est une violation flagrante des principes de la convention internationale de Chicago, qui stipule que chaque pays est responsable de ses ressortissants. L’influenceur, qui avait été expulsé suite à des « provocations publiques à commettre un crime ou un délit », avait pourtant un passeport biométrique valide, preuve de sa nationalité algérienne. malgré tout les autorités algériennes ont opposé une fin de non-recevoir.
Un nouveau tremblement pour les relations avec l’Algérie
La France et l’Algérie ont toujours eu des relations tendues, surtout suite à la guerre d’Algérie qui s’est terminée en 1962. Cet incident intervient après une série de tensions supplémentaires. Depuis plusieurs mois, les deux pays s’étaient retrouvés à couteaux tirés, en particulier autour des questions de sécurité, d’immigration, et des tensions internes en Algérie avec des retombées de la diaspora algérienne en France. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a qualifié ce rejet de « franchissement de seuil » et a annoncé que la France devrait désormais évaluer toutes les options possibles face à l’Algérie, laissant entrevoir une possible intensification des mesures contre le pays maghrébin.
Le gouvernement français a réagi en intensifiant son discours à l’encontre du régime algérien, dénonçant un « manque de respect » et des manœuvres délibérées pour provoquer une crise. Bruno Retailleau a laissé entendre que des actions concrètes pourraient être entreprises, bien que la nature exacte de ces mesures reste encore floue. Il a cependant précisé que la France ne pouvait pas tolérer une telle situation, mettant en avant la nécessité de défendre la souveraineté nationale et l’intégrité des procédures judiciaires françaises.
Dans le même temps, cet incident met en lumière la fragilité des relations bilatérales entre les deux nations. La France, qui a longtemps été un partenaire stratégique pour l’Algérie, notamment dans les domaines économiques et sécuritaires, se retrouve aujourd’hui prise dans une escalade qui pourrait nuire à la coopération dans ces domaines. Pour l’Algérie, ce rejet semble être une démonstration de force envers la France, qui n’a cessé de critiquer certains aspects du régime en place. Le gouvernement algérien semble vouloir rappeler à Paris que ses actions à l’égard des ressortissants algériens ne sont pas sans conséquence, et que l’Algérie n’acceptera plus de telles ingérences.
L’influenceur Boualem N. est accusé de « provocation publique à commettre un crime », il est en effet suspecté d’avoir utilisé les réseaux sociaux pour appeler à la violence, et ce à plusieurs reprises. Avec une large audience sur TikTok, où il comptabilise plus de 130 000 abonnés, il a suscité l’inquiétude des autorités françaises, surtout au lendemain de l’anniversaire de Charlie Hebdo, en raison de ses propos menaçant l’ordre public.
Son expulsion a fait naître des interrogations sur la légitimité de la décision. Son avocat, Jean-Baptiste Mousset, a dénoncé une procédure précipitée, soulignant que l’influenceur n’avait même pas pu être jugé avant son renvoi vers l’Algérie. La question de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux et du rôle de l’État dans la régulation de ces plateformes est un point crucial dans cette affaire: A-t-on le droit de dire exactement ce qu’on veut en France et si oui, est-ce une vraie liberté si l’on entrave celle des autres?
Certains estiment que l’expulsion de Boualem N. pourrait être perçue comme une atteinte aux droits fondamentaux.
Le cas de Boualem N. n’est pas isolé. Une autre influenceuse franco-algérienne, Sofia Benlemmane, a été placée en garde à vue à Lyon pour des propos similaires. Cette situation rappelle la crise de la liberté de parole en Angleterre, où des citoyens ont été placés en garde à vue suite à des réflexions jugées xénophobes sur les réseaux sociaux.
Cela rappelle aussi la fragilité des relations entre la France et ses citoyens d’origine algérienne, surtout dans le cadre où des figures, telles qu’Eric Zemmour obtiennent un appui solide du public français. Pour Zemmour, ce soutien a pris place lors de sa candidature aux élections 2022, qui était impregnée de propos jugés racistes envers les populations africaines et maghrébines. De plus en plus d’Algériens en France se retrouvent accusés de sympathies politiques jugées inacceptables par les deux États.
Le refus de “coopération” de la part de l’Algérie est, en vérité, un renforcement de leur sécurité.
S’il est possible de se scandaliser devant le refus algérien de “reprendre” l’un de leurs citoyens problématiques, il faut aussi se questionner sur la nature du refus. Il est stratégique
La politique de défense nationale de l’Algérie est fermement ancrée dans une stratégie de repli et d’autonomie. cette stratégie peut passer pour une réticence à coopérer avec d’autres pays, mais il s’agit surtout de la volonté du pays de renforcer sa souveraineté en résistant aux tentatives d’ingérence extérieures.
Ce positionnement est clairement exprimé par le Président Abdelmadjid Tebboune, qui, lors de sa rencontre avec le secrétaire général du Rassemblement National Démocratique (RND), Mustapha Yahi, exprime sa détermination à bâtir une Algérie forte et respectée à l’échelle internationale. Cette politique de défense est accompagnée de réformes internes pour moderniser et renforcer les institutions algériennes, à travers des révisions législatives, comme la loi sur les partis politiques et les réformes des collectivités locales.
Ces réformes, présentées comme un pas vers une plus grande décentralisation montrent un souhait de se gouverner de manière plus autonome et de minimiser les influences comme celle de la France.