Après la suspension des partis politiques, la junte d’Assimi Goïta interdit aux médias la couverture des activités politiques.
Le Mali est une nouvelle fois plongé dans une tourmente politique.
Le Mali empreint de tensions politiques
Ce jeudi 11 avril, les autorités militaires au pouvoir ont interdit aux médias de couvrir les activités des partis politiques. Cette décision survient juste après la suspension de toutes les activités politiques de ces derniers jusqu’à nouvel ordre.
Le porte-parole de la junte, le colonel Abdoulaye Maiga, a annoncé mercredi soir la suspension « jusqu’à nouvel ordre » des activités des partis et des associations à caractère politique, coupables selon elle de «subversion».
Cette nouvelle mesure intervient dans un contexte marqué par le débat autour de la fin de la Transition. La junte en place accuse les partis de critiquer le dialogue national pour la paix lancé le 31 décembre par le colonel Goïta.
La Haute Autorité de la Communication (HAC) a par la suite diffusé un communiqué sur les réseaux sociaux, invitant «tous les médias (radios, télés, journaux écrits et en ligne) à arrêter toute diffusion et publication des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations ».
En 2022, un décret présidentiel a prolongé de deux ans la transition dirigée par Assimi Goïta dans le but d’organiser une élection présidentielle et de transférer le pouvoir aux civils. Cette décision a été prise sous la pression de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et un chronogramme de 24 mois à partir du 26 mars 2022 avait été proposé par les autorités.
Face au dépassement de ce délai sans départ des militaires, les partis politiques se sont engagés dans diverses discussions. Plusieurs partis et acteurs associatifs se sont regroupés pour dénoncer, dans une déclaration commune le 31 mars, le « vide juridique et institutionnel » laissé après le 26 mars, et ont appelé les militaires à organiser l’élection présidentielle « dans les meilleurs délais ». Ils ont également dénoncé les « allégations infondées » sur la suspension de leurs activités et ont annoncé qu’ils ne participent plus aux activités organisées par le gouvernement, y compris le dialogue national.
Des « discussions stériles », selon le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga. Parallèlement, la lutte contre les groupes armés jihadistes et indépendantistes touaregs ne s’accommode pas de « débats politiques stériles », a-t-il ajouté.
Cette nouvelles décision au Mali a généré de vives réactions
La réaction à cette nouvelle mesure a été vive sur les réseaux sociaux.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme s’est dit « profondément préoccupé » par la suspension, appelant à son abrogation immédiate.
« Nous sommes profondément préoccupés par le décret suspendant les activités des partis politiques et autres associations civiques. Il doit être immédiatement abrogé », a indiqué le Haut-Commissariat sur X.
L’ancien Premier ministre Moussa Mara (2014-2015) a déclaré qu’il s’agit d’une « atteinte aux droits constitutionnels des citoyens mais surtout un recul majeur dans la quête de l’unité et de la cohésion de la nation» et exhorte les autorités « à revenir sur leur décision et de s’engager vers une gestion plus inclusive des prochaines étapes de la transition. »
Dans un tweet sur X, l’ancien Garde des Sceaux, Mamadou Ismaïla Konaté, a appelé les Maliens à « tirer la sonnette d’alerte afin de barrer la route à l’autoritarisme de la junte militaire (en place depuis plus de 44 mois à la tête de l’Etat) et mettre un terme à cette dictature rampante. »
Housseini Amion Guindo, ancien ministre et président du parti Convergence pour le Développement du Mali (Codem), a réagi sur sa page Facebook en affirmant que « Le décret de suspension des activités des partis politiques, en plus de représenter le summum du mépris pour le peuple malien, son histoire et sa culture, est en soi un acte de haute trahison qu’aucun fait ne saurait justifier.». Il appelle également à « enclencher une désobéissance civile jusqu’à la chute du régime illégal et illégitime. »
Matthew Miller, porte-parole du Département d’État américain, a également dénoncé cette décision et invite le Mali à organiser des élections. « La liberté d’expression et la liberté d’association sont essentielles à une société ouverte. Nous appelons le gouvernement de transition du Mali à honorer ses engagements envers ses citoyens et à organiser des élections libres et équitables, » a-t-il déclaré devant la presse.
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Diplômée en journalisme web et digital media, avec une spécialisation dans les sujets africains, le sport et la culture, Sira a également suivi un cursus en communication et obtenu un diplôme en communication digitale. Son parcours professionnel inclut la couverture de la Coupe d'Afrique des Nations 2023 et des élections présidentielles au Sénégal en 2024.
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