Pendant des décennies, l’Algérie a cultivé l’image d’un arbitre respecté dans le Sahel. Son rôle a été le plus grand en 2015 lors de la signature de l’accord d’Alger, destiné à mettre fin aux affrontements entre Bamako et les groupes armés du nord du Mali. Mais cette époque semble lointaine et le Maroc compte bien en profiter.
Fin juillet 2024, le président Abdelmadjid Tebboune a proposé de faciliter un dialogue entre le gouvernement malien et les groupes touaregs. Sur le papier, l’idée semblait renouer avec la tradition diplomatique algérienne. Mais à Bamako, la porte est restée fermée. Les autorités maliennes rejettent catégoriquement toute médiation extérieure, et encore plus celle d’Alger, qu’elles accusent d’abriter des figures influentes de la rébellion ainsi que l’imam Mahmoud Dicko.
Tebboune savait que ses chances de succès étaient minces, tant les relations avec Bamako sont empreintes de méfiance.
Pourquoi l’Algérie laisse-t-elle sa place?
En janvier 2024, le Mali s’est retiré officiellement de l’accord d’Alger, ce qui signifiait donc la fin d’un cadre de paix laborieusement négocié. Le gouvernement malien a choisi de tourner la page avec une nouvelle Charte pour la paix, conçue par l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga.
Quelques mois plus tôt, en octobre 2023, Niamey avait déjà infligé un camouflet à Alger après avoir rejeté sa proposition de transition politique civile. Ces refus traduisent que depuis l’arrivée de régimes militaires au Mali et au Niger, la position d’intermédiaire que l’Algérie occupait depuis longtemps n’est plus reconnue.
Alger accuse parfois des puissances extérieures, du Maroc à Israël, en passant par les Émirats arabes unis, de vouloir réduire son influence. Mais les causes sont aussi à chercher à l’intérieur du pays. Plus de dix ans de retrait, entre un président Bouteflika affaibli par la maladie et une contestation populaire qui a bouleversé la scène politique, ont figé la vision algérienne du Sahel. Celui-ci est resté perçu avant tout comme une zone à sécuriser pour protéger ses frontières et ses infrastructures pétrolières et gazières, plutôt qu’un espace de développement et de partenariats.
Le Maroc prend l’avantage
Contrairement à Alger, Rabat développe une approche globale, articulée autour de trois leviers : l’économie, la coopération religieuse et la sécurité.
L’initiative dite “atlantique” est au coeur de tout cela. Elle offre aux pays sahéliens enclavés un accès direct à l’océan Atlantique, ce qui changerait radicalement leurs perspectives commerciales et stratégiques. Pour l’instant, il ne s’agit que de plans en cours de définition, mais l’idée séduit sur le plan géopolitique.
En se positionnant comme trait d’union entre l’Alliance des États du Sahel (AES), la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Europe, le Maroc va s’imposer comme un partenaire incontournable. Les trois pays de l’AES – Mali, Niger et Burkina Faso – sont un marché en expansion, et Rabat pourra alors renforcer son rôle dans les circuits commerciaux et diplomatiques africains.
Algérie, Maroc, Algérie, Maroc
La perte de terrain de l’Algérie et l’ascension du Maroc sont comme une sorte de combat entre petits frères qui luttent pour le Sahel. Cette rivalité se joue aussi sur les routes commerciales, dans les projets d’infrastructures, et jusque dans l’influence religieuse exercée auprès des populations.
LAlgérie reste focalisée sur la protection de ses frontières et le Maroc avance des projets structurants, et fonce vers la coopération et l’ouverture. Un pari qui risque fort d’être gagnant.


