Le Parti républicain affiche une pluralité de figures capables de cristalliser une base électorale solide en vue de la présidentielle de 2028 — de J.D. Vance à Tulsi Gabbard, en passant par RFK Jr. ou même Tucker Carlson — le Parti démocrate semble, à ce stade, peiner à désigner un visage fédérateur.
Plusieurs noms circulent, certains déjà bien connus, d’autres moins. Mais aucun ne s’impose naturellement comme le candidat ou la candidate capable de rassembler la gauche institutionnelle, les électeurs indépendants, et une frange de jeunes progressistes de plus en plus critiques vis-à-vis des élites politiques.
Kamala Harris et son capital politique fragilisé
Première sur la liste des figures envisagées pour 2028, Kamala Harris, actuelle vice-présidente. Sa position institutionnelle et son rôle au sein de l’administration Biden la plaçaient, logiquement, en position d’héritière.
Pourtant, la dynamique n’a jamais réellement pris. Harris n’a jamais su construire un rapport de confiance durable avec l’électorat démocrate, encore moins au-delà. Elle attire moins de soutiens que Joe Biden lui-même, pourtant souvent critiqué pour son âge et son manque d’enthousiasme sur le terrain.
Son image a été écornée par une campagne présidentielle ratée, marquée par des hésitations stratégiques et une communication mal calibrée. Dans l’imaginaire collectif, elle s’apparente de plus en plus à une nouvelle Hillary Clinton : une figure de l’appareil, propulsée sans réel élan populaire, et désormais associée à un échec électoral significatif. Rien n’indique qu’elle pourrait susciter une adhésion nouvelle d’ici 2028.
Gavin Newsom, le paradoxe californien
Autre prétendant régulièrement évoqué pour 2028 : Gavin Newsom, gouverneur de Californie. Charismatique, bien ancré dans les cercles démocrates traditionnels, il pourrait séduire un électorat modéré. Son profil d’homme issu du monde des affaires, pourrait plaire à certains grands donateurs, lassés des luttes internes entre centristes et progressistes.
Mais cette même image constitue un obstacle. D’abord, parce que le Parti démocrate, aujourd’hui, ne peut ignorer les critiques internes sur la surreprésentation des figures masculines blanches dans les postes à haute responsabilité. Ensuite, parce que Newsom porte sur ses épaules l’étiquette « Californie » — un État perçu comme déconnecté du quotidien de nombreux Américains. Pour une partie du pays, la Californie incarne une certaine arrogance culturelle, une bureaucratie inefficace, et des politiques publiques jugées trop intrusives.
Même s’il jouit d’un fort soutien dans son État, il reste peu populaire ailleurs. Et dans un système où la nomination passe par une série de primaires étatiques, cela pèse lourd. En interne, de nombreuses voix pourraient se lever pour dénoncer le choix d’un candidat trop « classique ».
Alexandria Ocasio-Cortez : la limite d’un écosystème
Dans un tout autre registre, Alexandria Ocasio-Cortez incarne la jeunesse militante et radicale du Parti démocrate. Députée de New York, elle s’est construite une base fidèle, très active en ligne, et prête à la soutenir bien au-delà de son district d’origine. Elle attire les foules lors de ses déplacements, notamment lorsqu’elle partage l’affiche avec Bernie Sanders, figure tutélaire de l’aile gauche du parti.
Son engagement constant en faveur des classes populaires, sa capacité à manier les réseaux sociaux, et sa posture résolument anti-élite séduisent de nombreux jeunes. Pour certains, elle est le seul véritable espoir d’un Parti démocrate renouvelé, débarrassé de ses compromissions centristes.
Mais cette popularité a aussi ses revers. Ocasio-Cortez assume des positions très éloignées de la ligne majoritaire de son parti. Elle ne masque pas sa proximité idéologique avec des thèses marxistes. Elle a, à plusieurs reprises, revendiqué un positionnement que d’aucuns qualifieraient de « socialiste radical ». Ce discours, qui galvanise une frange militante, peut effrayer l’électorat démocrate traditionnel, et surtout, il est inaudible dans des États plus conservateurs.
Son alliance ouverte avec Bernie Sanders — qui n’a jamais été réellement accepté par l’appareil démocrate — pourrait lui coûter cher au moment de la sélection interne. À Washington, certains élus la considèrent encore comme une figure extérieure, incapable de nouer des alliances durables avec les décideurs du parti.
La stratégie d’AOC est de séduire au-delà de sa base
Ocasio-Cortez mène une tournée à travers le pays intitulée « Fighting Oligarchy Tour » aux côtés de Bernie Sanders. Cette opération a été conduite dans le but de s’imposer comme un contre-pouvoir populaire face aux grandes fortunes et aux dérives de certains dirigeants, Elon Musk en tête. La députée de New York s’exprime au sujet de l’érosion des services publics sous l’influence de milliardaires, et défend une répartition plus équitable des richesses.
Son discours trouve un écho particulier chez les jeunes précarisés et chez certains électeurs conservateurs déçus. Lors de sa réélection, plusieurs électeurs affirmant avoir voté Trump ont reconnu lui faire confiance pour sa franchise et son attachement aux travailleurs. Cet aspect transversal de son électorat est rare et pourrait, dans un contexte de défiance généralisée envers les partis, constituer une carte maîtresse.
Pourtant, à l’intérieur même de la Chambre des représentants, AOC fait face à des blocages. Récemment, elle a renoncé à briguer un poste stratégique dans une commission influente, estimant que le poids des anciens et les jeux d’alliance rendaient la bataille inutile. Elle a des difficultés persistantes pour s’imposer dans la hiérarchie partisane, ce qui n”est pas de bon augure pour 2028.
L’ombre des candidats inattendus
L’histoire politique américaine récente montre que les prétendants les plus probables ne sont pas toujours ceux qui finissent par émerger. Donald Trump lui-même, en 2016, était initialement perçu comme une anomalie. En 2020, Michael Bloomberg s’est lancé tardivement, espérant capitaliser sur son image de gestionnaire. Rien n’exclut qu’en 2028, le véritable candidat démocrate soit un visage que peu de gens connaissent aujourd’hui, mais qui, au fil des mois, saura capter l’attention.
Des outsiders peu connus, mais à surveiller pour 2028
Deux autres noms circulent, plus discrets, mais mentionnés dans les cercles démocrates : Andy Beshear, gouverneur du Kentucky, et Wes Moore, gouverneur du Maryland. Leur notoriété nationale reste faible, mais ils possèdent chacun un profil intéressant. Beshear, élu dans un État conservateur, a démontré une certaine capacité à dialoguer avec un électorat modéré. Moore, quant à lui, est un homme noir, ancien militaire, figure ascendante du progressisme pragmatique.
Aujourd’hui encore marginaux, ces deux hommes pourraient se faire une place si les principaux favoris s’effondrent ou échouent à rassembler.
Une compétition marquée par la peur… et par les donateurs
Dans les coulisses, certaines voix, comme celle de la représentante Jasmine Crockett du Texas, dénoncent une forme de frilosité des décideurs du parti. Selon elle, les grands donateurs chercheraient à imposer un candidat perçu comme « sûr », et cela se traduirait par un retour vers des figures masculines blanches. Elle affirme que cette stratégie naît d’une peur viscérale de perdre si une femme ou une personne racisée était de nouveau en lice.