Imaginez un monde où chaque souffle d’air pur que vous respirez dépend d’un écosystème lointain, une forêt si vaste qu’elle fournit 15% des réserves d’eau douce de la planète et abrite 25% de la biodiversité terrestre. Ce poumon vital, c’est l’Amazonie, et il est en danger.
En 2024, l’Amazonie brésilienne a connu un nombre d’incendies record, jamais atteint depuis 2007. Selon l’INPE (Institut national de recherche spatiale), 140 328 incendies ont été enregistrés l’année dernière, soit 42% de plus qu’en 2023. Certains collectifs comme Terre Solidaire parlent même de « lente agonie » de la forêt amazonienne.
Plus inquiétant encore, selon l’organisation WWF, entre 2004 et 2017, sous l’effet des pressions humaines et climatiques, la région amazonienne a perdu près de 15,4% de son couvert forestier.
L’Amazonie est l’un des plus grands écosystèmes de la planète
L’Amazonie y recense 2,5 millions d’espèces d’insectes, 40 000 espèces végétales, 3000 espèces de poissons d’eau douce et plus de 370 variétés de reptiles. Le bassin amazonien joue un rôle clé dans la régulation du climat global. Véritable puits de carbone, on estime que l’Amazonie absorbe et stocke 25% des émissions de CO₂ libérées chaque année dans le monde (environ 80 à 120 milliards de tonnes). De plus, selon Antonio Nobre, chercheur à l’INPE, les forêts amazoniennes libèrent chaque jour plus de 20 milliards de tonnes d’eau. -Ce permet de réguler l’intensité des précipitations à l’échelle mondiale.
L’Amazonie est également une mine d’or économique. Le Brésil, qui s’étend sur 60% du territoire amazonien, est le premier exportateur mondial de soja, une ressource très abondante dans la région. L’exploitation minière, souvent illégale, est aussi une activité très lucrative. Au Brésil, « l’extraction illégale d’or a grimpé de 44 % en 2021 par rapport à 2020 » selon une étude publiée par l’Université de Minas Gerais (UFMG). Le pays, 14ème producteur d’or au monde, a vu sa production totale augmenter de 37 % entre 2019 et 2021.
L’Amazonie, une forêt tropicale en danger à cause de la déforestation
En 40 ans, l’Amazonie a perdu 800 000 km² de son territoire, soit 1,5 fois la superficie de la France. L’expansion agricole, l’exploitation forestière et l’orpaillage ravagent ce trésor de biodiversité. Chaque kilomètre carré rasé condamne des milliers d’espèces animales et végétales. Les incendies volontaires participent de l’aggravation de la situation.
En 2024, plus de 140 000 feux ont été recensés, libérant des milliards de tonnes de CO₂ dans l’atmosphère. Ces flammes détruisent les « rivières volantes » – des nuages d’humidité – perturbant les cycles de pluie essentiels à l’agriculture locale. Les populations autochtones, gardiennes historiques de l’Amazonie, sont en première ligne. Dépossédées de leurs terres et victimes de violences, elles résistent souvent au prix de leur vie. En juillet dernier, Mariano Isacama, militant péruvien, a été assassiné pour avoir lutté contre la déforestation.
L’exploitation économique et minière de l’Amazonie est, en grande partie, à l’origine des mutations sociales et environnementales que traverse la région. Selon l’INPE, l’orpaillage a causé la déforestation de 121 km² de la superficie amazonienne en 2021, un record. L’étude a montré qu’au moins 23 % de la déforestation provoquée par l’extraction minière a touché des réserves indigènes.
États et Entreprises, les architectes du désastre amazonien.
Les politiques publiques et les activités des grandes entreprises accélèrent la déforestation amazonienne. Les méga-barrages, comme celui de Belo Monte au Brésil, illustrent cette destruction massive. Ces projets, soutenus par des gouvernements en quête de développement économique rapide, inondent d’immenses zones forestières, tout en relâchant des quantités importantes de méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO₂.
Les multinationales participent également à cette destruction : JBS, l’un des plus grands transformateurs mondiaux de viande, est régulièrement accusé d’encourager la déforestation illégale pour maximiser les rendements de l’élevage bovin. Cargill, principal exportateur de soja brésilien, malgré ses engagements pour une « déforestation zéro », reste associé à des pratiques non durables et à l’exploitation de terres déboisées illégalement.
Sous la présidence de Jair Bolsonaro au Brésil (2019-2022), la situation s’est aggravée : incitations au défrichement, réduction des sanctions contre les exploitants illégaux et réduction de 24 % du budget alloué à l’IBAMA (l’agence brésilienne de protection de l’environnement) sont tant de faits qui esquissent les pourtours d’un avenir inquiétant pour l’Amazonie. Ces politiques ont, en partie, conduit à une augmentation de 22 % de la déforestation en 2021 par rapport à l’année précédente.