Le 27 mars dernier, une perquisition inattendue secoue le Ministère de l’Économie et des Finances à Paris. La Juridiction nationale chargée des affaires de criminalité organisée (Junalco) est intervenue dans le cadre d’une enquête sur un accord controversé entre l’administration fiscale française et un oligarque russe.
Cet homme, Souleïman Kerimov, est soupçonné de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale via l’acquisition de biens immobiliers de luxe sur la Côte d’Azur. L’accord secret entre cet oligarque et le fisc, conclu en 2019, refléte peut-être une justice à deux vitesses.
Un milliardaire sous sanctions européennes
Souleïman Kerimov, surnommé le « Gatsby russe », est l’un des hommes les plus riches de Russie, avec une fortune estimée à 16 milliards d’euros en 2020. Son nom est désormais associé à plusieurs affaires de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale en France.
En 2014, il avait acquis une villa à Nice, mais des investigations ont révélé que la transaction n’avait pas été déclarée correctement, dissimulant ainsi près de 90 millions d’euros au fisc français.
Le milliardaire a été placé sous sanctions européennes en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, mais cet accord secret de 2019 avec l’administration fiscale française semble avoir permis une « restructuration » de ses actifs en France.
La transaction avait impliqué le transfert de biens au nom de sa fille, Gulnara Kerimova, pour éviter la saisie des propriétés. Un montant total de 59 millions d’euros aurait ainsi été payé au fisc dans le cadre de cet arrangement.
Un « deal » opéré dans l’ombre
Les investigations menées par Junalco se concentrent sur des villas de luxe sur la Côte d’Azur, acquis par Kerimov par le biais de prête-noms, un procédé courant pour dissimuler l’identité des véritables propriétaires. Les autorités soupçonnent que cet accord a facilité l’introduction illégale de centaines de millions d’euros en France. Les perquisitions menées cette semaine visent à comprendre les rouages du système fiscal mis en place pour permettre cette dissimulation.
Mais la question se pose : comment un milliardaire sous sanctions a-t-il pu négocier un tel accord avec l’administration française, alors même que la guerre en Ukraine a aggravé les tensions diplomatiques entre la Russie et l’Europe ? Une justice qui, à première vue, semble plus indulgente envers les puissants qu’envers les citoyens ordinaires, d’autant plus qu’il est peu courant que des transactions aussi complexes soient autorisées dans un cadre aussi opaque.
L’ombre des sanctions et la question du rôle du fisc
Si ce « deal » avait été opéré avant l’invasion de l’Ukraine, c’est en fait une tentative de rétablir l’ordre fiscal et de garantir un certain revenu pour l’État. A l’heure actuelle, la situation semble plus gênante pour l’administration française. Le contexte géopolitique a radicalement changé, et le poids des sanctions européennes a poussé la justice à rouvrir l’affaire, au grand dam de ceux qui avaient cru que la question était réglée.
Le fait qu’un tel accord ait eu lieu en pleine période de tensions internationales montre un sérieux problème avec les pratiques fiscales en France et la transparence des accords entre les autorités et les grandes fortunes étrangères. L’accélération des enquêtes montre un retournement inattendu, où des arrangements antérieurs sont désormais remis en question par un environnement politique et économique bien différent.
Le poids de l’opacité
Les perquisitions au ministère de l’Économie se poursuivent et le public se demande quelle est la nature exacte des liens entre le fisc français et les oligarques russes.
Les chiffres impressionnants et les méthodes d’acquisition des biens nous rappellent le rôle évident des autorités françaises dans l’accompagnement de ces pratiques, alors que la classe moyenne croule sous les taxes.
À l’heure où les inégalités fiscales sont remises en question, cette affaire rappelle qu’en France, il n’y a aucune transparence, d’autant plus que les cryptomonnaies et les nouvelles technologies financières rendent plus difficile encore la détection de ces flux financiers opaques.
Les perquisitions devraient aider à détecter les détails de cet accord. Cette affaire qui, au-delà du simple blanchiment d’argent, remettrait idéalement en question les pratiques fiscales de l’État français vis-à-vis de certains acteurs économiques privilégiés.
Les retombées de cette enquête devraient avoir des répercussions sur la manière dont la France gère les accords fiscaux avec les oligarques étrangers et sur la politique fiscale des grandes fortunes en général. Dans l’ombre des belles villas de la Côte d’Azur, la justice économique n’est pas de mise