Le pouvoir des salariés au sein des entreprises françaises est un sujet de préoccupation croissante en 2024Entre perception d’un management autoritaire, faible influence sur les décisions stratégiques et enjeux liés à la rémunération et aux conditions de travail, les salariés français semblent disposer d’un pouvoir limité comparativement à leurs homologues européens, notamment scandinaves.
Les salariés français sont toujours plongés dans la lutte des classes
Depuis l’écriture du “Capital” de Marx en 1867, une tertiarisation s’est mise en place et donc le salarié n’est plus forcément un ouvrier qui s’occupe de tâches manuelles.
Cependant, la lutte des classes est toujours présente mais se manifeste autrement.
Selon diverses recherches menées auprès des employés français, une majorité perçoit leurs managers comme étant autoritaires et fortement hiérarchiques. Cette perception est renforcée par des structures organisationnelles traditionnelles où la prise de décision est souvent centralisée, laissant peu de place à l’autonomie et à l’initiative individuelle.
Seuls 50% des salariés français estiment avoir la capacité d’influencer les décisions importantes de leur entreprise. Ce chiffre contraste fortement avec les 85% observés dans les pays scandinaves tels que la Suède, la Norvège et le Danemark, connus pour leurs cultures organisationnelles plus participatives et égalitaires.
Un maigre 17% des employés français rapportent avoir été consultés et écoutés avant la mise en place de grands changements organisationnels affectant leur travail. Cela souligne une tendance à l’imposition des décisions sans véritable concertation avec les parties prenantes concernées.
La tradition administrative française, héritée de l’Ancien Régime et renforcée par le modèle napoléonien, valorise une organisation pyramidale et une centralisation du pouvoir, tant dans la sphère publique que privée.
Le système éducatif français, avec ses grandes écoles et concours prestigieux, tend à promouvoir une élite dirigeante souvent déconnectée des réalités du terrain. Cela crée un fossé entre les dirigeants et les employés, entravant la communication et la participation.
Il faut également prendre en compte la pression des marchés financiers et des actionnaires, qui poussent les entreprises à privilégier la rentabilité à court terme, souvent au détriment de la participation des salariés et de leur bien-être au travail.
La baisse de morale des salariés signifie des difficultés de recrutement chez les employeurs
Les entreprises françaises font face à des défis majeurs en matière de recrutement de talents qualifiés. Selon une étude de la Banque de France en 2024, près de 50% des entreprises déclarent rencontrer des problèmes pour pourvoir les postes vacants.
Avec l’essor de nouvelles formes d’emploi telles que l’entrepreneuriat, le freelancing et les start-ups, les candidats disposent de plus d’options et sont plus exigeants quant aux conditions de travail et à la culture d’entreprise.
Le Parisien Matin a réussi à s’entretenir avec une ancienne salariée d’une chaîne médicale. Elle souhaite rester anonyme.
“A 47 ans, je ne souhaite plus être employée par quelqu’un. J’ai l’impression que mon travail n’est pas rémunéré justement, ni considéré à sa juste valeur. Je me souviens de matins lorsque je me rendais sur mon lieu de travail et que mon employeur n’était même pas présent. Je devais m’assurer que tout fonctionnait parfaitement de A à Z tous les jours et les seules fois où j’ai demandé de l’aide à mon employeur, que ce soit en termes d’équipement, de produits ou autre, il a rétorqué que je m’en tirais très bien et que si je réussissais sans le matériel demandé, je pouvais bien continuer ainsi.” confie cette salariée.
Outre un management défaillant, ce qui empêche le recrutement de nouveaux employés compétents, c’est l’absence de flexibilité de certains supérieurs. Des pratiques managériales perçues comme archaïques et peu participatives dissuadent les candidats potentiels.
La qualité de la gestion et des ressources humaines est désormais un critère clé dans le choix d’un employeur. Les secteurs traditionnels peinent à attirer les jeunes talents, notamment en raison d’un manque de perspectives d’évolution et d’une culture d’entreprise peu adaptée aux attentes contemporaines.
Pour améliorer la condition des salariés, il faut que ces employeurs à la traîne rattrapent leur retard.
En fait, ce qu’il faut aux salariés de 2024, c’est des conditions de travail qui donnent envie de se lever un lundi matin. Cela passe par un meilleur management. Par exemple, un leadership éthique serait l’un des plus grands facteurs. C’est à dire, un management qui a à coeur de prendre des décisions conforme à la morale traditionnelle.
Une étude menée en 2023 par l’Université de Paris-Dauphine montre que les équipes dirigées par des leaders éthiques ont un taux d’engagement supérieur de 25% par rapport à celles sous une direction traditionnelle.
Les environnements de travail éthiques enregistrent une baisse du turnover (ou changement des équipes salariées) pouvant atteindre 15%, réduisant ainsi les coûts liés au recrutement et à la formation. Cela s’explique par le fait qu’un leadership éthique ne prioritise pas certains membres de l’équipe et fait preuve de respect et d’égalité envers toute l’équipe.
Pareillement, on peut également espérer que les employeurs décident d’adopter un leadership authetique, à savoir un leadership qui se focalise sur la sincérité, la transparence et la cohérence entre les valeurs personnelles du leader et ses actions.
Une enquête de l’Institut Français du Leadership en 2024 révèle que les équipes sous leadership authentique affichent un niveau de confiance interne accru de 30%. En favorisant un environnement où les employés se sentent libres d’exprimer leurs idées, ces leaders stimulent l’innovation, avec une augmentation de 20% des propositions d’amélioration et de projets innovants. Cela combattrait l’insatisfaction des salariés qui ne se sentent pas écoutés ou pris en compte.
Les salariés d’aujourd’hui ne se contenteront pas de paroles. il faut augmenter leur salaire et leur pouvoir d’achat.
A l’instar de notre salariée anonyme, ce n’est pas que l’ambiance au travail qui pèse sur les salariés. C’est aussi le fait que le jeu n’en vaille plus la chandelle économiquement parlant.
Selon une étude publiée en août 2024 par le cabinet Deloitte, les salariés français, surtout les cadres, ont bénéficié d’augmentations salariales significatives cette année, malgré un contexte économique incertain. Avec un taux d’inflation de 2,3% en juillet 2024, ces augmentations se traduisent par une progression du pouvoir d’achat des salariés, qui reste pourtant en danger.
L’étude souligne une tendance marquée vers l’individualisation des augmentations salariales : 51% des cadres ont reçu des augmentations entièrement individualisées en 2024, contre 39% en 2023. Cette individualisation reflète une volonté des entreprises de récompenser la performance et de retenir les talents en adaptant les rémunérations aux contributions spécifiques de chaque employé.
L’écart salarial moyen entre les femmes et les hommes s’est creusé en 2024, reflétant encore une fois l’idée que seuls certains salariés sont récompensés. Cet écart atteint les 3,8% au détriment des femmes, contre 2,6% en 2023.Une augmentation de 2 points chez les cadres confirmés et de 7 points chez les cadres supérieurs a paradoxalement amplifié les écarts salariaux à court terme, en raison de l’ancienneté généralement plus faible des femmes dans ces postes. Les enveloppes budgétaires dédiées à la réduction des écarts salariaux semblent avoir diminué, contribuant à cette aggravation.
Face à la préoccupation constante du pouvoir d’achat et des écarts salariaux, le gouvernement français envisage plusieurs mesures pour augmenter les salaires, notamment ceux proches du SMIC, sans pour autant augmenter ce dernier à 1 600 euros net par mois comme le préconise le Nouveau Front Populaire (NFP).
Actuellement, les employeurs bénéficient d’exonérations de charges sociales sur les salaires compris entre 1 et 3,5 fois le SMIC (soit entre 1 398 euros et 4 800 euros nets). Cependant, ces dispositifs créent des effets de seuil qui peuvent dissuader les employeurs d’augmenter les salaires.
À 1,59 SMIC, l’employeur bénéficie de 13 points d’exonération. En augmentant le salaire à 1,61 SMIC, l’exonération est réduite de moitié, ce qui constitue un frein à l’augmentation salariale. Supprimer ces effets de seuil en réorganisant les barèmes d’exonération encouragerait les employeurs à augmenter les salaires sans subir de pénalités financières disproportionnées.
Les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer travaillent sur des recommandations pour réformer ces dispositifs. Leurs propositions pourraient être intégrées dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale et entrer en vigueur dès le 1er janvier 2025.
Cette réforme pourrait recevoir un soutien transversal, incluant la gauche et le bloc central, en raison de ses avantages économiques et sociaux, ainsi que des potentielles économies budgétaires pour l’État.