La production chinoise domine. On le voit dans des magasins à bas-prix voire même des échoppes qui paraissent 100% française. Si vous retournez l’étiquette d’un produit, vous risquez d’être frappé par un “Made in China”.
Le débat autour de la mondialisation économique a souvent été dominé par des considérations techniques ou commerciales. Mais la situation actuelle entre les États-Unis et la Chine montre que certaines décisions relèvent désormais de la survie stratégique.
L’idée de rompre avec le modèle fondé sur une externalisation massive vers la Chine est une nécessité que de plus en plus d’acteurs économiques et politiques reconnaissent.
La production chinoise nous ronge
Pendant des décennies, les entreprises occidentales ont délocalisé leur production vers la Chine et d’autres pays à bas coûts. Cette tendance a permis une réduction des prix pour les consommateurs, mais elle s’est accompagnée d’un appauvrissement industriel dans les pays occidentaux. Les États-Unis, l’Europe, et d’autres puissances ont vu s’effondrer des secteurs entiers de leur production, tandis que la Chine consolidait sa position comme acteur industriel dominant.
Le problème n’est pas uniquement économique. Il est politique, stratégique, et culturel. La Chine ne partage ni le mode de gouvernance, ni les valeurs fondamentales des démocraties occidentales.
Elle développe un modèle autoritaire, centralisé, où l’économie fonctionne en étroite collaboration avec l’appareil d’État. Pékin ne se contente pas d’exporter des produits : elle étend aussi son influence à travers le monde, en Afrique et en Amérique du Sud.
Dans ces régions, elle finance des infrastructures, noue des partenariats commerciaux, et place les États bénéficiaires dans une forme de dépendance économique.
Un déséquilibre profond qui va être dur à rattraper
On le sait : la Chine n’hésite pas à adopter des pratiques commerciales agressives. Elle subventionne massivement ses entreprises, limite l’accès à son propre marché, copie sans autorisation des technologies étrangères, et utilise l’espionnage industriel à grande échelle. Toute technologie ou savoir-faire transféré sur son territoire devient rapidement accessible à ses concurrents nationaux, qui en tirent profit sans en avoir supporté les coûts de recherche et développement.
Le déséquilibre devient alors évident : d’un côté, des pays où les salaires minimums sont strictement encadrés, où les normes environnementales et sociales s’appliquent avec rigueur ; de l’autre, un État qui impose peu de contraintes à ses entreprises et les soutient activement dans leur conquête des marchés mondiaux.
Dans ces conditions, la notion même de concurrence équitable perd tout son sens. Le libre-échange, s’il s’effectue entre des partenaires aux règles si différentes, finit par pénaliser ceux qui respectent les principes de justice sociale.
Les conséquences sont visibles : les savoir-faire industriels ont disparu dans plusieurs pays occidentaux. Certaines compétences techniques ne se transmettent plus, certaines chaînes d’approvisionnement ne peuvent plus fonctionner sans la Chine. Même des produits simples comme des médicaments de base ou des composants électroniques essentiels proviennent presque exclusivement de fournisseurs chinois.
Que faire?
Les tentatives de Donald Trump pour réinstaurer des droits de douane sur les produits chinois n’étaient pas seulement populistes.
Elles répondaient à un besoin fondamental : restaurer une capacité industrielle autonome. Les tarifs douaniers ont un effet dissuasif. En rendant les importations chinoises plus coûteuses, ils incitent les entreprises à reconsidérer leurs chaînes de production. Certains ont vu dans cette approche un retour en arrière. En réalité, il s’agit plutôt d’une réponse pragmatique à un problème structurel.
Certes, cette politique engendre un renchérissement temporaire des biens de consommation. Mais ce prix permet, à terme, de relancer la production locale, de recréer des emplois qualifiés, et de garantir une plus grande indépendance économique. C’est un choix de long terme, qui mise sur la résilience plutôt que sur la rentabilité immédiate.
La question ne se limite pas aux États-Unis. L’Europe elle aussi dépend lourdement de la Chine, dans des domaines aussi critiques que les technologies vertes, les terres rares, ou la fabrication de composants électroniques.
Or, Pékin a déjà montré sa capacité à utiliser ses positions dominantes comme leviers géopolitiques. Interdire l’exportation de certains matériaux à un pays jugé hostile ne relève pas de la science-fiction, mais d’une politique déjà pratiquée.
Il faut également rappeler que la Chine poursuit activement son programme de développement industriel. En 2015, elle a lancé le plan “Made in China 2025”, destiné à faire du pays une puissance de pointe dans les domaines comme la robotique, l’aéronautique, l’intelligence artificielle ou les semi-conducteurs.
Bien que certains objectifs n’aient pas été atteints, ce programme traduit une volonté claire : ne plus dépendre de l’Occident pour les technologies de demain.
Les États-Unis, de leur côté, cherchent à regagner du terrain. Mais cela demande du temps. Reconstruire un tissu industriel ne se fait pas en quelques mois. Il faut des infrastructures, des formations, des investissements massifs.
Créeons de l’équilibre!
On ne crée pas du jour au lendemain des usines capables de rivaliser avec celles de Shenzhen ou de Chengdu. C’est pourquoi les mesures protectionnistes ne suffisent pas à elles seules. Il faut les accompagner d’une politique industrielle ambitieuse.
La Chine aurait besoin d’augmenter sa consommation intérieure, tandis que les États-Unis auraient besoin de relancer leur production. Les objectifs chinois de croissance et d’autonomie technologique restent prioritaires, et ils passent par le maintien d’un appareil productif puissant. Les États-Unis ne peuvent donc pas attendre que Pékin change de cap : ils doivent agir, et vite.
En mai 2025, l’activité manufacturière a reculé de manière marquée, selon les données de l’indice PMI de Caixin, qui l’ont établi à 48,3, contre 50,4 en avril.
Ce chiffre indique une contraction, et représente la baisse la plus rapide depuis septembre 2022. Le marché de l’emploi s’est également affaibli, avec une diminution des embauches pour le deuxième mois consécutif.
Le prix de la liberté…
Le gouvernement chinois a bien adopté des mesures de relance : baisse des taux d’intérêt, allègement des réserves obligatoires des banques, soutien aux entreprises touchées par les sanctions américaines. L’effet des droits de douane commence à se faire sentir…L’économie chinoise n’est donc pas insensible à la pression exercée depuis Washington.
Fin mai, Donald Trump a déclaré que ses tarifs douaniers avaient porté un coup très dur à l’économie chinoise, au point de pousser Pékin à conclure un accord temporaire. Les deux pays ont accepté de suspendre pendant 90 jours certaines taxes : les États-Unis ont ramené leurs droits de douane de 145 % à 30 %, et la Chine a réduit les siens de 125 % à 10 %.
Cet accord fragile, n’a pas empêché Pékin d’accuser Washington de violer ses engagements, en interdisant la vente de logiciels à des entreprises chinoises ou en annulant des visas d’étudiants.
La direction prise par la Chine ne laisse guère de place au compromis. Le président Xi Jinping a réaffirmé que l’avenir du pays passerait par une industrie forte et autonome.
Lors d’une visite dans une usine de roulements à billes, il a rappelé que la fabrication de pointe représentait la colonne vertébrale de l’économie chinoise. Le message est clair : la Chine n’abandonnera pas sa stratégie industrielle.
Espérer un retour à la situation d’avant la guerre commerciale relève du fantasme. La compétition s’intensifie, et chaque camp poursuit des objectifs incompatibles. Les démocraties occidentales doivent donc choisir : continuer à dépendre d’un adversaire stratégique, ou faire l’effort de reconstruire leur souveraineté économique.
Ce choix implique des sacrifices. Il faudra accepter des produits plus chers, investir massivement, réformer l’éducation technique, et revoir certaines priorités budgétaires. Mais c’est le prix de l’indépendance. Comme l’avait compris Henry Ford en son temps, payer correctement ses ouvriers et produire localement peut permettre de bâtir une économie solide, fondée sur l’emploi et la dignité.