Le Soleil se couche au Vietnam. Avec lui, un géant aussi est sur le point d’être enterré: Trương Mỹ Lan, une entrepreneure vietnamienne et la fondatrice et dirigeante du groupe de développement immobilier Vạn Thịnh Phát a été récemment condamnée à mort pour une fraude phénoménale.
Cette fraude d’environ 13 milliards de dollars ne passait plus inaperçue depuis 2022, lorsque Trương Mỹ Lan a été arrêtée.
Zoom sur l’éclipse d’une femme de pouvoir qui croyait pouvoir se tirer d’affaire sans cicatrices et a enfin été condamnée à mort.
Trương Mỹ Lan a simplement profité d’une faille énorme dans le système
Depuis l’annonce de la condamnation à mort de Trương Mỹ Lan, beaucoup de personnes ont hué la femme d’affaires pour ses activites criminelles. Ce que nous voulons que nos lecteurs comprennent aujourd’hui, c’est que la dirigeante a simplement profité d’une faiblesse du système bancaire vietnamien, de son incapacité à être transparent ainsi que de la complicité de nombreuses personnes haut-placées pour remplir son coffre-fort.
Le gouvernement vietnamien a mis en œuvre une opération de sauvetage “sans précédent” de la Saigon Joint Stock Commercial Bank (SCB), une banque impliquée dans la plus grande fraude financière de la nation, selon trois documents bancaires et de nouvelles informations officielles fournies à Reuters par une source ayant accès aux documents.
Les détails révélés suggèrent que Trương Mỹ Lan, fondatrice du groupe Vạn Thịnh Phát, a exploité les lacunes de la SCB pour sa propre gain.
En utilisant de fausses demandes de prêt, elle aurait détourné plus de 12,5 milliards de dollars américains de la banque, provoquant une panique bancaire. Lan a agi par le biais de plus de deux douzaines d’intermédiaires, renforçant ainsi le caractère complexe de cette fraude. Les conséquences ont été dévastatrices pour la SCB et ont mis en lumière les failles de son système de sécurité et de vérification des prêts.
Les fraudes de cette ampleur sont malheureusement courantes dans le secteur financier vietnamien, avec des cas de fraude représentant un pourcentage significatif des activités bancaires chaque année.
Selon les données officielles, les fraudes et les irrégularités financières représentent environ 10 à 15 % des transactions bancaires totales au Vietnam. Cela souligne l’ampleur du problème et la nécessité pour les autorités de renforcer la réglementation et la supervision pour protéger les investisseurs et les clients des banques contre de telles pratiques malveillantes.
La fraude à grande échelle comme celle impliquant Trương Mỹ Lan est un exemple criant des risques associés à l’insuffisance des contrôles internes et de la surveillance réglementaire, ce qui souligne l’urgence de réformes plus rigoureuses pour assurer l’intégrité et la stabilité du secteur financier vietnamien.
La fraude de Trương Mỹ Lan n’aurait pas fonctionné sans l’aide du gouvernement. Elle aurait versé des pots-de-vin à des représentants du gouvernement dont un ancien responsable central qui a été condamné à la prison à vie pour avoir accepté 5,2 millions de dollars et d’avoir violé la réglementation bancaire selon les provisions du gouvernement vietnamien.
Lors de son verdict, le tribunal affirme que ses actes « violaient non seulement les droits de gestion immobilière des individus, mais poussaient également le SCB dans un état de contrôle spécial, érodant la confiance de la population dans la direction du parti et de l’État ».
La postérité de Trương Mỹ Lan: Y a t-il une vie après la mort pour les fraudeurs?
La question que nous pouvons nous poser aujourd’hui est la suivante : Est-ce que la femme d’affaires vietnamienne sera immortalisée dans une série Netflix, glorifiée pour son détournement de fonds qui a duré des années, comme Anna Delvey?
Ou est-ce qu’au contraire, le public fera tout pour effacer de sa mémoire l’image d’une vieille femme richissime, diabolisée pour son amour pour l’argent et ses crimes d’une ampleur extraordinaire?
Pendant des années, des rumeurs de corruption entouraient Trương Mỹ Lan, qui a été impliqué dans la fraude financière massive de la Banque commerciale par actions Saigon (SCB). Les soupçons étaient renforcés par les vastes acquisitions de terrains de premier choix à Ho Chi Minh-Ville par Lan et ses proches associés. Cette campagne d’acquisition a façonné une image du Vietnam comme un pays qui lutte contre la corruption endémique qui sévit dans de nombreux États d’Asie du Sud-Est.
Pourtant, malgré cette image, le Vietnam a vu son classement dans l’Indice de perception de la corruption de Transparency International pour 2023 baisser de 42 à 41 sur une échelle de 0 à 100, où 0 signifie extrêmement corrompu. Cette baisse soulève des questions sur l’efficacité des mesures anti-corruption du gouvernement vietnamien et sur la capacité des autorités à enquêter et à traduire en justice les responsables de la fraude et de la corruption.
L’une des raisons pour lesquelles Trương Mỹ Lan a pu perpétrer sa fraude pendant tant d’années est le manque de transparence et de responsabilité dans le système judiciaire vietnamien. Malgré les soupçons qui pesaient sur elle depuis longtemps, Lan a réussi à éviter les enquêtes et les poursuites judiciaires grâce à son influence et à ses connexions politiques. Dans un système où les intérêts politiques et économiques peuvent primer sur la justice et la primauté du droit, les individus puissants comme Lan peuvent agir en toute impunité.
Le Vietnam est souvent critiqué pour son manque de liberté de la presse et de la société civile, ce qui limite la capacité des médias et des organisations non gouvernementales à enquêter sur les allégations de corruption et à les rendre publiques. Cela crée un environnement où les fraudeurs et les corrompus peuvent opérer dans l’ombre, sans crainte de rendre des comptes à la population ou aux autorités.
La seule raison pour laquelle la milliardaire a été arrêtée est mise à mort est parce que le Vietnam essaie de lutter contre une image ternie par la corruption et que le Parti Communiste, qui est en tête, semblait soucieux de l’importance et de la place que prenaient certains membres du gouvernement ainsi que de leur relation avec Mỹ Lan. Cette mise à mort est une sorte de “purification” de la société que l’Occident n’accepte pas mais qui bénéficie énormément au Parti Communiste vietnamien.
La conclusion à cette question est que la mort de Trương Mỹ Lan ne passera pas inaperçue mais fera très peu pour changer le système et la fraude au Vietnam continuera, cachée, tant que le gouvernement n’y verra pas d’inconvénient.
Auteur / autrice
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Mary Lim est une journaliste d'origine chinoise qui habite entre Singapour et la France. Elle est spécialisée dans l'actualité singapourienne et française. Elle a également rédigé de nombreuses revues académiques liées aux questions sociales.
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