La quête d’identité et de connexion à son essence, sont le credo de tout le parcours médiatique de la jeune afro-italienne Crystelles Yohou, aujourd’hui journaliste et directrice de production de ses propres émissions Brillare. Tout droit arrivée d’Italie, elle intègre brillamment cet univers de la communication parisien, faisant rayonner à son tour les parcours des leaders de sa génération.
Les débuts de Crystelles Yohou
A ce jour tu es journaliste, modératrice, productrice d’émissions et surtout une jeune femme qui a su faire entendre sa voix dans le milieu de la communication à Paris. Quels ont été tes débuts dans le monde du journalisme dans ce pays d’accueil, Crystelles?
” Bonjour et merci! Je suis Crystelles Yohou, une Afro-Italienne d’origine ivoirienne qui a aimé le métier de journaliste, l’a rêvé et s’est donnée les moyens pour l’exercer, mais comme toute histoire, il y a un début et souvent celui-ci n’est pas si rose : après l’obtention du BAC en Italie, j’ai fait une pause de quatre ans où j’ai enchaîné avec des petits boulots ; j’ai quitté l’Italie pour la France en 2014.
Arrivée en France, j’ai voulu me redonner une chance et c’est ainsi que j’ai repris le chemin des études : d’abord j’ai obtenu une Licence en lettres à l’Université Sorbonne Nouvelle, puis un Master 2 Reporter Chef d’édition à l’ISFJ. Si je dois décrire mes premiers pas dans le journalisme, je dirais que j’ai eu une grande force de caractère et de la résilience. Italienne de naissance, il était difficile de s’adapter facilement à l’environnement français.
J’admets que j’étais très complexée à cause de mon accent si prononcé. J’ai donc commencé, dans un premier temps, en tant que JRI. Ce choix n’était pas anodin : c’était la meilleure façon de cacher mon complexe face aux projecteurs. J’ai fait mes débuts dans une Agence de Relations Publiques en tant que JRI et en parallèle j’écrivais des articles pour les médias digitaux.“
La place du métissage dans le travail de Crystelles Yohou
Ton métissage culturel a aiguisé ton regard critique envers la société, quel a été l’élément clé de ton besoin d’engagement?
“Il faut savoir que je suis née dans un pays qui m’a poussée à être engagée. En tant qu’afro italienne, on se retrouve tant bien que mal à se tourner vers l’engagement : on se pose beaucoup de questions sur son existence et surtout sur notre réelle place dans la société actuelle. Si je dois me baser sur mon vécu et donner l’élément clé de mon besoin d’engagement, je reviendrai à mon enfance.
Je n’ai pas vécu une enfance heureuse au niveau des relations amicales. Seule étrangère de ma ville, c’était assez compliqué de me rapporter à l’autre : c’était une autre mentalité et une autre vision. Je vais vous dire que lorsque je suis venue à Paris, j’étais très surprise de voir autant de personnes qui me ressemblent occuper certains postes (même être caissière au supermarché, c’est une rareté chez les voisins), plusieurs postes, un fait qui est encore en développement en Italie.“
L’entreprenariat, une question de chance?
Là où les portes se ferment, des fenêtres se sont ouvertes à toi. Comment faire pour créer sa chance et commencer à entreprendre?
“Très bonne question! Je dois être honnête, dans mon cas, beaucoup de portes se sont fermées. Au-delà de ma capacité à rebondir, j’ai dû travailler ma façon de penser. Lorsqu’on se lance dans un métier avec un complexe intérieur, il est difficile de profiter au maximum de son potentiel, donc je dirais qu’il est primordial d’être positif dans la vie. J’ai mis du temps à comprendre que mon accent est une force et à partir de là rien ne pouvait m’arrêter! J’ai donc décidé de créer mes opportunités. En deuxième option, je dirais : choisissez bien vos amitiés et vos mentors! C’est très important! Lorsqu’on s’associe à n’importe qui, on risque de voir des portes fermées. J’en ai payé les frais…“
Crystelles Yohou et son engagement pour la Femme
La place des femmes dans la société et la libération de leur parole ont été au cœur de ton travail, est-ce une vocation transmise par ta famille ou ton entourage proche?
“Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours été admirative des femmes qui se font valoir. Mon premier modèle de femme forte, courageuse et résiliente est sans doute ma mère. J’ai toujours aimé ce qu’elle faisait et comment elle se sacrifiait pour nous, en enchaînant des boulots. Souvent je me rappelle avec beaucoup de nostalgie comment elle s’impliquait dans mon éducation en ayant à l’esprit de me rendre une femme confiante, entreprenante, sans craintes du challenge. Aujourd’hui, avec beaucoup de travail et de recul, je peux dire que ces valeurs transmises sont ancrées en moi et j’oeuvre avec toute mon âme pour que la Femme soit valorisée…“
Y a-t-il des sources d’inspiration clés dans l’épanouissement de la femme entrepreneuse que tu es devenue aujourd’hui?
“Je n’ai pas forcément des sources d’inspirations mais des femmes que j’apprécie beaucoup pour le leadership et les valeurs transmises : Oprah, Sarah Jakes-Robert, Konnie Touré, Ludivine Retory…“
Travailler en toute indépendance
De la création du magazine web Black en Rose, à ton podcast vidéo actuel Brillare, tu es passée par plusieurs postes, formats et chaînes importantes comme RFI dans Couleurs Tropicales. En quoi est-ce important pour toi de produire des émissions en étant indépendante?
“Lorsque j’ai obtenu mon Master en 2020, je rêvais d’intégrer une rédaction et faire une carrière classique dans le journalisme, mais ma réalité m’a vite rattrapée.
C’est ainsi qu’en 2021, je me mets à fond sur le projet La Black en Rose magazine dédié à la femme afropéenne. Le projet est un réel succès et nous sommes sollicitées de partout puis en 2022 arrive l’opportunité chez RFI: d’abord en tant que correspondante dans l’émission “Alors on dit quoi”? Et par la suite depuis 2023 dans l’émission Couleurs Tropicales.
Cependant, il y avait une chose qui me manquait : un concept vidéo que je pouvais m’approprier car je voulais à tout prix faire de la télé et démontrer à tous qu’on peut le faire même si on ne rentre pas dans le moule.“
Brillare, un concept brillant
Ton nouveau podcast attire l’attention d’une communauté internationale, pourrais- tu nous en raconter la genèse?
“Brillare (briller en italien) c’est mon petit bébé, un projet que je chéris tant. En tant qu’Afro italienne, j’avais pour habitude de discuter avec les Afrodescendants français sur la représentation. On m’a souvent fait comprendre qu’ils n’étaient pas représentés dans des sphères spécifiques. De mon côté, je passais mon temps à parler de la condition des Afro-Italiens et mes propos n’ont pas toujours été entendus, car pour eux “j’abuse”.
J’ai donc décidé de créer mon podcast “Brillare” pour expliquer les réalités afro-italiennes aux Français. J’ai tourné mes premiers épisodes audios disponibles sur Spotify avec un clin d’œil à ma vie. Aujourd’hui je suis passée au niveau supérieur avec la version vidéo et j’ai élargi la cible. Autrefois centré sur les afro-italiens, Brillare est accessible à tout profil inspirant, italien ou pas.“
Le rapport à l’identité et la culture agitent beaucoup les internautes et les milieux politiques. Est-ce possible d’influencer la tendance de l’opinion publique et son manque de savoir sur la réalité de tous ces parcours de vie que l’on retrouve dans Brillare?
“Au-delà de présenter des parcours inspirants, Brillare a pour vocation de présenter des valeurs et de conscientiser les téléspectateurs. Ce n’est pas une émission à des fins politiques, mais des valeurs telles que la résilience, la force, la positivité et l’entraide sont mises en avant. Je pense que ce podcast apporte beaucoup.“
Une fois que l’on s’organise pour faire “Brillare”, donc briller les autres, quelle est ta méthode pour garder de l’énergie, maintenir une productivité et garder un équilibre entre ta vie privée et publique?
“Bonne question! J’ai l’impression de ne plus avoir la notion du temps. Tout ce que je peux dire, c’est beaucoup de pauses, des moments de qualité en solo et surtout dormir quand on peut. En général je n’aime pas afficher ma vie privée sur les réseaux sociaux, pour garder un certain équilibre.“