Le scrutin présidentiel roumain du 18 mai a débouché sur une victoire heureuse de Nicusor Dan, l’actuel maire de Bucarest.
Ce candidat indépendant, au style sobre et à la réputation d’intégrité, a devancé son adversaire George Simion, un politicien au discours virulent, pourtant arrivé en tête au premier tour.
En l’espace de deux semaines, Nicusor Dan est parvenu à inverser la dynamique électorale et à rassembler un large électorat derrière un programme centré sur la probité, la réforme de l’administration publique, et l’ancrage du pays dans les alliances occidentales.
Une remontée spectaculaire après un premier tour difficile
Au soir du premier tour, la situation semblait compromise pour Nicusor Dan. Avec 20 points de retard sur George Simion, figure emblématique d’un nationalisme agressif, peu pariaient sur sa capacité à l’emporter. Pourtant, l’écart s’est réduit rapidement, notamment grâce à une mobilisation massive des électeurs urbains et des jeunes diplômés, mais aussi du centre-droit modéré. Au second tour, il a recueilli plus de 53 % des suffrages. Les électeurs ont exprimé, pour beaucoup, une volonté de ne pas laisser la Roumanie glisser vers un modèle autoritaire.
Cette victoire n’est donc pas uniquement l’expression d’un soutien enthousiaste à un projet, mais aussi le résultat d’un refus net d’une alternative jugée dangereuse. Toutefois, Nicusor Dan a su exploiter cette dynamique avec intelligence : il n’a pas cherché à imiter son rival dans les invectives, mais à occuper le terrain médiatique par un discours constant, calme, et centré sur les enjeux de fond.
Découvrons le parcours atypique de Nicusor Dan
Né en 1969 à Făgăraș, une ville moyenne de Transylvanie, Nicusor Dan découvre très tôt son affinité avec les mathématiques. Élève brillant, il décroche deux médailles d’or aux Olympiades internationales, avant de poursuivre ses études en France. Il intègre l’École normale supérieure et soutient une thèse à la Sorbonne à la fin des années 1990.
Plutôt que de rester en Occident, il choisit de rentrer en Roumanie. Il y travaille dans la recherche mathématique, puis crée une école destinée à offrir aux élèves roumains un enseignement à la hauteur des standards européens.
Cette volonté d’élever le niveau d’exigence dans son pays sera un fil conducteur de son parcours. Il s’implique bientôt dans les luttes civiques à Bucarest, notamment contre les projets immobiliers illégaux et la destruction du patrimoine architectural de la ville. À la tête de l’association « Sauvez Bucarest ! », il gagne de nombreux procès face aux promoteurs, ce qui lui vaut une notoriété locale.
Le refus de l’inacceptable
Confronté à l’inertie des autorités et à l’indifférence des élus, Nicusor Dan décide de franchir le pas politique. Il fonde en 2016 un parti réformateur, l’Union Sauvez la Roumanie (USR), qui attire rapidement un électorat jeune, urbain et lassé des scandales. Mais des divergences sur les positions du parti — notamment sur les questions sociétales — le poussent à quitter la formation quelques années plus tard, préférant garder une ligne indépendante.
Candidat malheureux à la mairie de Bucarest à deux reprises, il finit par l’emporter en 2020. Il est ensuite réélu dès le premier tour en 2024, preuve que son travail, bien que peu spectaculaire, a convaincu les habitants de la capitale. Parmi ses réalisations les plus citées : la réorganisation du système de chauffage urbain, la remise en état de plusieurs installations sportives, et la gestion financière prudente d’une municipalité endettée.
Une image d’austérité… qui séduit
Nicusor Dan n’a rien du politicien charismatique ou du tribun exalté. Il ne multiplie pas les interventions tonitruantes, ne cherche pas la caméra, et mène une vie privée discrète. Il vit dans une modeste maison de banlieue avec sa compagne et leurs deux enfants. Cette simplicité, dans un pays marqué par les fortunes opaques de nombreux élus, apparaît comme un gage de sincérité.
Aucun scandale n’entache son parcours. Jamais mis en cause dans des affaires de détournement ou de clientélisme, il incarne, pour une large partie de l’électorat, une rupture avec les décennies de compromis douteux entre pouvoirs économiques et politiques. Cette réputation d’honnêteté a sans doute joué un rôle décisif face à un adversaire connu pour ses déclarations excessives et ses accointances avec certains cercles ultranationalistes.
Des priorités clairement affichées
Son programme repose sur quelques idées fortes : une administration publique plus efficace, des finances publiques transparentes, et une collaboration renforcée avec les partenaires européens et l’OTAN. À l’échelle internationale, il a rappelé à plusieurs reprises son soutien à l’Ukraine et sa volonté de maintenir la Roumanie dans une posture claire aux côtés des démocraties libérales.
À l’intérieur, il souhaite initier une réforme profonde de l’éducation, moderniser les infrastructures vétustes, et introduire davantage de mécanismes de contrôle dans l’octroi des marchés publics. Contrairement à certains de ses prédécesseurs, il entend gouverner non pas par la parole ou le prestige, mais par des résultats tangibles.
Une tâche difficile à venir pour Nicusor Dan
La victoire de Nicusor Dan ouvre une phase délicate. Le paysage politique roumain est fragmenté, et il lui faudra composer avec un Parlement où aucun parti ne dispose d’une majorité absolue. Il devra désigner un Premier ministre capable de fédérer les forces pro-européennes et d’éviter les blocages institutionnels. Cette période de transition testera sa capacité à négocier sans renier ses principes.
Dans son discours prononcé après l’annonce de sa victoire, il a appelé à la participation de toutes les composantes de la société — fonctionnaires, associations, experts — pour « construire une Roumanie qui ne laisse personne de côté ». Ce ton inclusif, inhabituel dans la vie politique du pays, a été admiré même par certains de ses anciens adversaires.