Israël vient tout juste de présenter une nouvelle proposition de cessez-le-feu pour Gaza sous le regard aiguisé des médiateurs qataris et égyptiens.
Le Hamas a indiqué qu’ils étudieraient la proposition et offriraient leur réponse au plus vite. Cette organisation terroriste rappelle que seul le retrait intégral de l’armée israélienne donnerait lieu à un véritable cessez-le-feu.
Pour le professeur Mohammad Marandi, universitaire iranien et analyste politique, et le journaliste et auteur palestinien Ramzy Baroud, cette proposition d’Israël représente un échec symbolique et une dégringolade de la dominance occidentale.
Le monde assiste-t-il à un point de bascule historique avec Gaza comme révélateur ?
Mohammad Marandi :
« Ce que je veux dire en premier lieu, c’est ce que je crois être le point clé du monde actuel : le régime israélien a été défait, clairement. Pour la première fois, ce régime a été mis à nu face au monde.
Ce que le peuple de Gaza a accompli, depuis un an et demi, c’est d’avoir exposé l’Occident, et c’est là l’enjeu bien plus grand que le régime israélien lui-même. Sans le soutien total de l’Occident – États-Unis, Canada, UE, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande – ce régime ne survivrait pas plus de quelques semaines. »
Ramzy Baroud :
« Il est important de comprendre que cette guerre dépasse le cadre de Gaza. Ce qui est en jeu, c’est la fin d’un paradigme : celui qui légitimait un ordre mondial basé sur l’hégémonie occidentale et le silence sur les crimes coloniaux. »
Les médias occidentaux sont-ils complices de cette violence ?
Marandi :
« Pendant longtemps, les élites et les médias occidentaux – souvent par ignorance mais surtout par racisme et par soutien au sionisme – ont ignoré la réalité du terrain. Ils ont tourné le dos aux débats sur l’ethno-suprémacisme, le nettoyage ethnique. Ils n’étaient pas affectés.
Des chaînes comme la BBC ou CNN, qui se prétendaient porte-parole de l’humanité et de la civilisation, sont aujourd’hui exposées pour ce qu’elles sont : des outils de l’empire. Elles justifient les crimes par la distorsion, la désinformation ou le silence. »
Baroud :
« Ce qui est effrayant, c’est la banalité du mal dans la couverture médiatique. Les images d’enfants brûlés vifs ne provoquent même plus l’indignation. Nous avons affaire à un effondrement moral. »
Quelle est la place du Sud global dans cette transformation géopolitique ?
Marandi :
« L’Occident se retrouve face à la réalité d’un Sud global montant – ou ce que certains appellent la majorité mondiale. On observe la montée de la Chine, des pays des BRICS, le retour de l’influence russe, l’essor de l’axe de la résistance en Asie de l’Ouest.
Cette ère est marquée à la fois par le déclin brutal de l’empire occidental – qui dure depuis des siècles – et par l’exposition de sa brutalité. Ce qui se passe à Gaza n’a pas de précédent : un génocide diffusé en direct. »
Baroud :
« Le changement ne viendra pas de Washington ou de Bruxelles. Il viendra de Johannesburg, de Caracas, de Téhéran, de Hanoï, et des rues d’Accra, de Dacca ou de Santiago. Il viendra des peuples. »
Comment expliquer le soutien croissant à la cause palestinienne, y compris en Occident ?
Marandi :
« Ce qui me rend optimiste, c’est que la jeunesse occidentale s’est réveillée. On voit des jeunes Juifs mener la résistance contre le sionisme. On voit des activistes juifs en première ligne pour dénoncer le régime israélien, aux États-Unis, en Europe, au Royaume-Uni.
Cette résistance est mondiale. Une jeune femme seule devant l’ambassade d’Israël à Séoul est désormais rejointe par des millions de personnes à travers le monde. Gaza n’est plus isolée. »
Baroud :
« Le sionisme a perdu la bataille morale. À chaque enfant tué, chaque maison détruite, c’est la légitimité du régime qui s’effrite. Et la Palestine devient une métaphore universelle de la lutte contre l’oppression. »
Quel avenir pour la résistance ? Et pour Israël ?
Marandi :
« Le régime israélien, chaque jour, massacre davantage – mais chaque jour, il se détruit davantage. Le plus grand échec du régime, c’est d’avoir perdu sa légitimité aux yeux du monde. Et cela, il ne pourra jamais le récupérer.
Le devoir qui nous incombe est d’agir davantage. En ligne, dans les rues, par les boycotts. Pas seulement contre Israël, mais contre les États-Unis, principaux soutiens du régime. »
Baroud :
« Ce qui a commencé comme un mouvement de solidarité devient un mouvement de libération mondiale. Et les Palestiniens, malgré la douleur, restent au cœur de cette révolution. »