Pour de nombreux alarmistes, 2025 est l’année où une troisième guerre mondiale aurait pu éclater. Si beaucoup de Français ont déjà imaginé où ils se réfugieraient pour éviter la guerre, il y a de nombreux patriotes qui l’ont ouvertement dit : « Nous n’abandonnerons jamais l’hexagone. »
Mais qu’advient-il de ceux qui habitent dans des zones de conflit?
En Somalie, environ 25 % de la population vit aujourd’hui en situation de déplacement urbain ou péri-urbain, avec des villes planifiées pour quelques milliers d’habitants qui en abritent désormais des centaines de milliers.
En Irak, la combinaison d’anciennes politiques de dépossession (période d’arabisation) et des destructions provoquées par l’État islamique a laissé des communautés comme les Yazidi sans pièces justificatives et avec des milliers de maisons détruites. Les évaluations locales évoquent des ordres de grandeur allant jusqu’à 6 000–10 000 habitations affectées selon les secteurs.
Les droits fonciers pour les habitants de zones en conflit
Pour Jim Robinson, qui travaille pour le Conseil Norvégien des Réfugiés, la question foncière est « au cœur d’une réponse humanitaire efficace, sûre et inclusive ». Les droits au logement, à la terre et à la propriété conditionnent la dignité, la sécurité et les perspectives d’avenir des déplacés.
Il a expliqué que les crises prolongées bouleversent la relation des individus à leur terre :
« Être déplacé, c’est être arraché à son foyer et à ses racines, sans savoir si l’on pourra un jour récupérer ce qu’on a perdu »
La durée moyenne de déplacement interne dans le monde est d’environ 10 ans et atteint souvent 20 ans pour les réfugiés ayant franchi une frontière. Cette précarité prolongée favorise les expulsions, la perte de documents fonciers et les violences fondées sur le genre, surtout dans les camps informels.
Jim Robinson nous a parlé d’un cas en Éthiopie, dans la région du Tigré, où des habitants revenus chez eux ont découvert que leurs terres étaient désormais occupées ou concédées à d’autres par des groupes armés.
« La terre, c’est plus qu’un bien économique : c’est une identité, un mode de vie, une appartenance »
En Irak, les Yazidis face à la dépossession historique
Javier Prieto de l’ONU-Habitat Irak a ensuite décrit la situation dramatique des Yazidis, victimes d’une longue histoire de dépossession. Dans les années 1970, la politique d’« arabisation » du régime baasiste leur avait interdit d’enregistrer leurs terres. Puis, les attaques de l’État islamique ont détruit des milliers de foyers.
« Les Yazidis ont perdu non seulement leurs maisons, mais aussi leurs preuves de propriété », a expliqué Prieto.
Son équipe a mis en place un système fondé sur le modèle de domaine foncier social (STDM), une technologie ouverte qui permet d’enregistrer les droits d’occupation même en l’absence de documents officiels.
Ce processus aboutit à la délivrance de certificats d’occupation, reconnus par les autorités locales et nationales, qui servent de preuve légale pour d’éventuelles indemnisations ou régularisations.
« Même un certificat provisoire donne aux familles un sentiment de sécurité et d’avenir »
Une Somalie en pleine urbanisation et précarisation
En Somalie, la situation décrite par Federica Agueviva de l’ONU-Habitat Somalie est tout aussi complexe. Près de 25 % de la population vit aujourd’hui en déplacement, souvent à cause de la combinaison du conflit armé et des chocs climatiques (comme les sécheresses, les inondations et la dégradation des terres).
« Les familles fuient les zones rurales vers les villes, mais se retrouvent dans des camps informels, construites sur des terrains privés sans titre ni sécurité »
La ville de Baidoa, initialement conçue pour 7 000 habitants, abrite désormais plus de 500 000 personnes. Les terres agricoles alentour ont été transformées en bidonvilles, ce qui alimente la pauvreté et les conflits fonciers.
ONU-Habitat soutient l’élaboration de lois locales de gestion urbaine et délivre des titres de propriété sur des terres publiques attribuées à des familles déplacées.
« Certaines femmes nous ont dit qu’elles pouvaient enfin dormir sans peur d’être expulsées »
L’Amérique latine, prise en sandwich entre la violence et la loi
D’après Efraín Cruz Gutiérrez, les causes du déplacement dans la région sont multiples. Elles sont parfois liées aux violences liées au narcotrafic, à l’accaparement des terres, aux projets extractivistes, aux crises économiques et aux catastrophes climatiques.
Il a cité la Colombie comme exemple d’innovation juridique, avec la création d’une Unité de restitution des terres appuyée par la Banque mondiale.
« Des milliers de familles déplacées par la guerre civile ont pu récupérer leurs terres ou obtenir réparation grâce à ce dispositif »
Malheureusement, une approche légale reste souvent très lente et pas forcément performante en termes d’efficacité.
« Le droit évolue plus lentement que les crises. Il faut des solutions flexibles, ancrées dans les communautés locales, et une meilleure coopération entre les États, les ONG et le secteur privé. »
Pour la plupart des réfugiés, il n’y a pas toujours de justice ou de rétribution pour les maisons ou les terres qu’ils ont perdues.


