Nous regardons tranquillement la Terre se détériorer, spectateurs d’un monde qui part à la dérive. Spectateur parce que nous oublions peut-être trop souvent que nous sommes acteurs dans ce monde. C’est ce que certaines personnes tentent de faire, de changer les choses. C’est un peu comme cette légende amérindienne du colibri :
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux, terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre.
Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Je crois que c’est pour cela que je suis des gens comme Patrick et Francine Violas, fondateurs du refuge de la Tanière. Ils prennent à bras-le-corps la lutte contre la souffrance animale, ils mettent leur énergie, leur âme. Lorsqu’on s’y promène, on peut lire chaque histoire des animaux, leurs noms et cela crée un lien.
J’ai pu échanger avec les fondateurs du refuge La Tanière afin de mettre en lumière leur volonté indéfectible d’aider les animaux.
Une reconversion issue d’un choc
Vous aviez, tous deux, une carrière réussie dans les télécommunications. Qu’est-ce qui vous a incité à changer de direction et à vous consacrer à la protection des animaux ?
Nous sommes tous les deux des amoureux des animaux depuis notre plus tendre enfance (le fondateur a d’ailleurs débuté son parcours professionnel en tant que garçon vacher). Avant, nous travaillions dans « le business » : un parcours ascendant, soutenu et sans accrocs avec l’aide de nos 1800 salariés dans une ambiance que l’on pourrait qualifiée de « familiale ».
Jusqu’au jour où nous avons reçu la lettre de démission d’un de nos employés s’identifiant uniquement sous son numéro de matricule. Une onde de choc qui a précipité notre décision de changer de vie et de céder notre entreprise pour nous lancer dans la philanthropie.
Conscients du sort, parfois tragique, réservé aux animaux, nous avons choisi de leur venir en aide et de leur consacrer la deuxième partie de notre vie.
La vente de notre entreprise nous a permis de créer une ferme pédagogique destinée à accueillir des animaux de ferme handicapés, malades ou issus de sauvetages et de l’ouvrir au public.
L’occasion déjà de faire de l’inclusion, mais aussi de la médiation animale pour les plus fragiles. Puis, la rencontre d’un couple au savoir-faire exceptionnel avec les animaux et la demande croissante d’accueils d’animaux de tous horizons de la part des autorités ont fait évoluer notre structure vers ce qu’elle est à présent.
Découvrez un refuge qui répare des vies
Quelle est la mission principale de La Tanière ?
La Tanière est avant tout un refuge pour la faune en danger. À la fois lieu de soins, de vie ou de fin de vie, ici chaque entrant se voit offrir un nouveau départ en adéquation avec ses besoins physiologiques fondamentaux. Après qu’ils aient connu l’abandon, la maltraitance, l’exploitation, la détention illégale ou sous contrainte, nous recueillons de manière quasi inconditionnelle ces animaux abîmés par l’humain.
Les situations que nous découvrons au quotidien sont toutes différentes, parfois impossibles à raconter, mais les guérir de leurs maux, leur rendre dignité et bien-être, fait partie de nos fondamentaux. C’est un travail d’équipe de longue haleine, qui nécessite persévérance et abnégation, mais chaque victoire nous conforte et nous encourage à continuer dans cette même voie.
Quels sont les plus grands défis auxquels vous êtes confrontés dans la gestion d’un zoo-refuge ?
Incontestablement, faire face à la demande. Les besoins sont bien plus importants que ce que nous l’avions imaginé. Il ne se passe pas une journée sans que nous ne soyons sollicités pour un ou plusieurs accueils.
Par conséquent, nous sommes contraints de régulièrement transformer ou bâtir des enclos pour offrir à ces pensionnaires des conditions de vie optimales. Actuellement, nous construisons en urgence une nouvelle fauverie qui accueillera dès la fin des travaux des tigres et des lions en retraite de cirque, et nous achevons parallèlement à ça un bâtiment qui abritera des animaux en sortie de laboratoires.
J’aurais voulu savoir quel est le sauvetage que vous n’oublierez jamais ?
Patrick Violas : Justement, l’arrivée des premiers primates en sortie de laboratoire de recherche médicale et plus particulièrement ma rencontre avec la petite Cannelle. Cette petite macaque rhésus est entrée dans une cage de laboratoire quand elle avait 2 ans et en est ressortie à l’âge de 21 ans. Elle a travaillé pendant 19 ans sur les maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson.
Après avoir pris sa vie pendant toutes ces années au cours desquelles elle a sûrement fait avancer la recherche et, au final, sauvé des milliers de vies, il était temps que les humains lui offrent une retraite digne du service qu’elle aura rendu. Nous leur devons beaucoup à tous ces animaux, à commencer par le respect et une fin de vie dans la dignité.
Francine Violas : Mischa. Cet ours qu’Elisabeth Borne, alors Ministre de la Transition écologique, avait placé chez nous en 2019, a vécu l’enfer. Battu, malnutri, détenu dans des conditions insalubres et exhibé en public pour des spectacles d’un autre temps durant près de 15 ans, Mischa ne pesait plus que 160 kg (contre environ 250 kg pour un animal en bonne santé) à son arrivée au refuge.
Il souffrait également d’une insuffisance respiratoire sévère et des asticots sortaient de son nez et de ses pattes. Une horreur. Malgré tous les soins mis en œuvre dès son arrivée et l’amour dont nous l’avons entouré, ses forces l’ont lâché et nous l’avons perdu. Aujourd’hui encore il est difficile d’en parler. Nous n’avons certes pas pu le sauver mais nous sommes heureux de lui avoir rendu sa dignité et de lui avoir offert durant 2 mois une fin de vie bien plus douce que ce qu’il avait connu jusqu’alors. Cet ours reste le symbole de la cruauté et de la vénalité de certains hommes aux dépens des animaux.

La Tanière s’aggrandit
Avez-vous des projets d’expansion ou de nouveaux programmes à venir que vous aimeriez partager ?
Comme évoqué précédemment, nous allons continuer à bâtir et transformer au fil de l’eau le site actuel pour accueillir de nouveaux pensionnaires en fonction des besoins et de la place dont nous disposons.
Nous aimerions également développer progressivement des antennes régionales labellisées pour avoir un maillage territorial qui permette de répondre plus facilement aux demandes de sauvetages croissantes. L’une d’elles devrait d’ailleurs voir le jour cette année si tout se passe bien.
Enfin, autre volet propre à notre ADN, nous allons intensifier notre implication dans l’éducation, la pédagogie et la prise de conscience de la dette des hommes vis-à-vis des animaux. Qu’ils s’agissent de ceux qu’ils ont déracinés (prélèvement dans la nature, trafics), qui les ont divertis (animaux de spectacles) ou qui ont fait progresser la recherche sur la santé humaine (animaux de laboratoire), il est urgent de préserver les espèces, leur environnement et de respecter le bien-être de ceux que nous avons choisis d’adopter.

De quelle manière le public peut-il s’impliquer ou soutenir La Tanière ?
En venant nous visiter pour comprendre ce que nous défendons et voir concrètement le résultat de nos actions. Cette aventure nécessite des moyens financiers importants pour perdurer. Acheter un billet d’entrée, se restaurer sur place ou s’offrir un souvenir à la boutique ou sur notre e-shop, c’est y contribuer de façon vertueuse. 100% des recettes sont réinjectées dans le fonctionnement du refuge et permettent ainsi d’offrir le gîte, le couvert et les soins appropriés à tous ces pensionnaires.
Nous avons également un fonds de dotation rattaché au refuge, qui permet aux particuliers comme aux entreprises de faire des dons défiscalisables. Le soutien du public est essentiel pour faire durer l’aventure.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux personnes qui envisagent de visiter La Tanière et de s’engager dans la cause animale ?
Une visite à La Tanière est une occasion unique de découvrir le monde animal autrement à travers les histoires touchantes de ces pensionnaires pas comme les autres.
Une fois l’accueil-boutique franchi, nos visiteurs peuvent découvrir une multitude d’enclos et volières réservés successivement aux animaux domestiques, aux fauves, aux daims, aux primates, aux oiseaux, aux chameaux, aux wallabies, etc…
Et même si ici les animaux sont chez eux et sont libres d’exprimer sans aucune contrainte leurs attitudes naturelles, ils pourront facilement observer les éléphants se baigner, les fauves sur leurs plateformes, les ours dans leur tanière, voir les otaries nager, balader au milieu des perroquets dans la volière immersive ou encore assister au fil de la journée à des nourrissages ou enrichissements qui ponctuent quotidiennement le travail de nos soigneurs.
Quant aux lecteurs qui souhaitent agir en faveur de la cause animale, comme dans la légende du Colibri, chaque citoyen peut « faire sa part » en agissant à son niveau pour changer le sort des animaux.
Faire sa part peut prendre différentes formes : visiter La Tanière, en parler autour de soi, ne pas céder aux sirènes du trafic animalier, faire un don, signaler une maltraitance avérée. Il y a plein de manières d’aider les animaux. Si chacun fait un petit geste, ensemble nous ferons avancer cette noble cause.
En bref :
14 hectares
600 animaux
80 espèces
3 à 4h de visite
Ouvert 7/7 jusqu’au 16 novembre
1 billet adulte (12 ans et +) acheté = 1 billet enfant gratuit
Plus d’infos : www.lataniere-zoorefuge.fr