Le 8 mai 2025, le Vatican a annoncé l’élection du cardinal américain Robert Francis Prevost comme nouveau souverain pontife.
Originaire de Chicago, âgé de 69 ans, cet homme discret et peu médiatisé devient le 267e pape de l’Église catholique et le tout premier ressortissant des États-Unis à occuper cette fonction.
Lorsqu’il est apparu au balcon de la basilique Saint-Pierre, les fidèles ont découvert qu’il avait choisi de s’appeler Léon XIV. Un choix qui n’a rien d’anodin : dans l’histoire de la papauté, les noms portés par les pontifes trahissent toujours une certaine orientation intellectuelle, spirituelle et politique.
Léon XIV, un nom pour soutenir les plus vulnérables
Ce nom, utilisé à treize reprises auparavant, renvoie à plusieurs figures marquantes de l’histoire de l’Église, mais c’est surtout à Léon XIII que la presse et les spécialistes du Vatican ont immédiatement pensé. Léon XIII, dont le long pontificat s’est étendu de 1878 à 1903, est considéré comme l’un des papes les plus influents en matière de pensée sociale.
À une époque où l’Europe était secouée par les transformations économiques brutales provoquées par l’industrialisation, Léon XIII avait publié Rerum Novarum, un texte fondateur pour ce qu’on appelle aujourd’hui la doctrine sociale de l’Église.
Dans cette encyclique publiée en 1891, Léon XIII s’était efforcé de proposer une réflexion sérieuse sur les droits des travailleurs, le rôle de l’État dans la régulation du travail et l’idée de justice sociale, sans pour autant adhérer aux courants révolutionnaires qui agitaient alors les sociétés européennes.
Il insistait notamment sur le droit à un salaire équitable, la nécessité de limiter la durée de travail et l’obligation morale de respecter la dignité des personnes dans un contexte économique souvent inhumain. Il ne s’agissait donc pas d’aligner la doctrine catholique sur les revendications socialistes ou marxistes, qu’il condamnait sévèrement, mais de prendre acte des réalités concrètes vécues par des millions d’hommes et de femmes dont les conditions de vie se dégradaient au nom du progrès technique et financier.
En choisissant de s’appeler Léon XIV, Robert Prevost s’emble vouloir s’inscrit dans cette tradition d’attention aux plus vulnérables et de positionnement critique face aux excès d’un monde dominé par les logiques de marché.
Il ne s’agit pas seulement de faire un clin d’œil au passé – les inégalités accrues par la mondialisation, l’impact de l’intelligence artificielle sur le travail humain, les flux migratoires instrumentalisés à des fins politiques – méritent une réponse structurée, cohérente et enracinée dans l’éthique chrétienne.
Cette continuité avec Léon XIII n’est donc pas rhétorique ; elle engage une orientation claire sur les questions économiques et sociales.
Léon XIV n’est certainement pas une grande surprise pour le Vatican
Robert Francis Prevost, désormais Léon XIV, n’est pas un inconnu au sein du Vatican. Très proche du pape François, il a occupé plusieurs fonctions clés dans la Curie romaine, notamment à la tête du dicastère pour les évêques, qui supervise les nominations dans l’Église mondiale. Malgré son profil discret, il jouit d’une réputation de médiateur apaisé, capable d’écouter des sensibilités très différentes sans chercher à imposer sa vision. Sa double nationalité – américaine et péruvienne – témoigne d’un parcours missionnaire qui l’a marqué durablement : il a passé plus de dix ans au Pérou comme religieux augustinien, au service de communautés locales souvent oubliées des grandes structures ecclésiales.
Son engagement dans ce pays d’Amérique latine n’a pas été que symbolique. Il y a vécu parmi les populations défavorisées, dans des conditions simples, en apprenant leur langue et leurs traditions, loin des fastes romains. Ce contact avec une réalité sociale dure, allié à sa formation théologique exigeante, a façonné chez lui une vision du monde empreinte d’humilité mais aussi d’exigence : l’Église, pour être crédible, ne peut rester spectatrice des bouleversements contemporains. Elle doit proposer des repères, offrir un soutien concret et incarner un espace d’accueil.
Dans son premier discours public, depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, Léon XIV a préparé un appel à « la paix » et au « dialogue », et incite les peuples à « avancer sans peur, unis, main dans la main avec Dieu et entre nous ». Il rappelle l’idée biblique qu’il faut construire des ponts plutôt que d’ériger des murs.
C’est un clin d’oeil au moment où avait critiqué la ligne politique défendue par l’ancien président Donald Trump et son vice-président JD Vance en matière migratoire. Il avait alors déclaré : « Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser notre amour pour les autres. »
Cette position est très discutable d’ailleurs, la Bible n’encourage pas nécessairement l’immigration :
“Mais si vous ne chassez pas devant vous les habitants du pays, ceux que vous laisserez rester seront comme des épines dans vos yeux et des aiguillons dans vos côtés, et ils vous serreront de près dans le pays que vous habiterez. Et il arrivera que je vous ferai ce que j’avais pensé faire à eux.” – Nombres 33:55-56
Cette conviction profondément religieuse du nouveau pape est héritée aussi de son appartenance à l’ordre de Saint-Augustin, centré sur l’amour du prochain et la recherche de la vérité dans la charité.
Les Augustiniens encouragent une vie communautaire fraternelle, dans laquelle la recherche intellectuelle ne se dissocie jamais de la compassion active. Léon XIV semble porter en lui cette vision d’une Église qui se veut ouverte, attentive à la science contemporaine autant qu’aux souffrances invisibles.
La référence à Léon Ier, dit « le Grand », premier pape à avoir laissé des écrits théologiques encore lus aujourd’hui, notamment à Noël et à Pâques, ajoute une dimension supplémentaire à ce choix. Ce pape du Ve siècle est célèbre pour avoir affronté Attila le Hun afin d’éviter le sac de Rome. Il incarne une autorité morale capable de résister aux violences et d’intercéder dans des situations extrêmes. Léon XIV pourrait bien vouloir, lui aussi, représenter cette figure d’un pape ferme dans ses convictions mais pacificateur, face à un monde traversé par des guerres, des injustices systémiques et des fractures identitaires profondes.
Son élection a bouleversé Saint-Pierre de Rome. Les Américains présents sur la place n’en revenaient pas, et lui-même semblait très ému. Visiblement peu préparé à cette soudaine exposition médiatique, il a pourtant tenu à délivrer un message simple et limpide, rédigé à l’avance et lu sans improvisation : un choix qui montre le soin qu’il apporte à ses mots, et peut-être aussi sa volonté de ne pas se perdre dans les effets de style.
Sa première messe et ses rencontres avec les cardinaux seront scrutées de près dans les jours à venir. Le monde catholique attend de voir comment il entend incarner cette mission difficile, mais essentielle, de conduire une Église universelle traversée par des contradictions profondes.
Tant les autorités israéliennes que le Hamas ont soutenu son élection et espèrent qu’il poursuivra la ligne humaniste de François sur le sort des civils à Gaza.