En ce jour férié dédié au monde du travail, la France a renoué avec une tradition ancienne : celle d’un 1er mai avec les défilés, les revendications sociales, et parfois les affrontements.
D’après les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur, 157 000 personnes ont participé aux différentes mobilisations organisées à travers le pays. Les syndicats, eux, avancent un chiffre doublé, évoquant 300 000 manifestants répartis sur environ 270 rassemblements. Paris, Lyon, Nantes, Marseille, Bordeaux, Strasbourg ou encore Caen ont vu leurs rues occupées par des cortèges aussi hétérogènes que déterminés.
À Paris, la manifestation est partie de la place d’Italie en début d’après-midi. Le cortège principal, où figuraient plusieurs figures de l’opposition de gauche, s’est accompagné d’une présence policière renforcée, et d’une atmosphère parfois électrique. Une cinquantaine d’interpellations ont eu lieu dans la capitale, où des affrontements ont éclaté, notamment autour du stand du Parti socialiste. Des militants socialistes ont été agressés physiquement. Le député Jérôme Guedj a notamment été pris à partie et a dû quitter les lieux sous protection.
Les syndicats mobilisés, les politiques visibles pour ce 1er mai
La CGT, par la voix de sa secrétaire générale Sophie Binet, a vanté « une journée de réussite » et a d’ores et déjà annoncé une nouvelle mobilisation le 5 juin pour réclamer, une fois encore, l’abandon de la réforme des retraites. Parmi les principales revendications cette année : le rétablissement de la retraite à 60 ans, la lutte contre les licenciements massifs, comme ceux annoncés chez ArcelorMittal, et le refus de la précarisation de l’emploi.
À Dunkerque, plusieurs responsables politiques de gauche, comme François Ruffin, Marine Tondelier ou Fabien Roussel, se sont joints aux ouvriers d’ArcelorMittal. Ces derniers s’opposent à la suppression de 600 postes annoncée par le groupe. À Valenciennes, Fabien Roussel a choisi d’accompagner les salariés d’Outinord, également inquiets pour l’avenir de leur emploi.
Une géographie de la colère
Les mobilisations ne se sont pas limitées aux grandes métropoles. À Caen, près de 4 000 personnes ont manifesté. À Saint-Lô, 200 personnes ont répondu à l’appel des syndicats. À Alençon, elles étaient environ 300. Dans le Finistère, de Brest à Quimper, on comptait au moins 3 650 manifestants. Angers a vu défiler un peu plus d’un millier de personnes. Le Mans en a accueilli environ 500, la Vendée 700.
À Nantes, la journée a été plus agitée. Des dégradations ont visé la préfecture. Des projectiles ont été lancés contre les forces de l’ordre, qui ont répondu à l’aide de gaz lacrymogène et de canons à eau. Quatorze personnes ont été interpellées et placées en garde à vue.
À Lyon, des incidents similaires ont émaillé la journée. Trois personnes ont été interpellées. Entre 6 500 et 10 000 personnes ont manifesté, selon les sources. À Toulouse, les tensions sont nées d’affrontements entre syndicats et Gilets jaunes. À Marseille, les écarts de chiffres illustrent une fois de plus la distance entre organisateurs et autorités : 3 600 selon la police, 15 000 selon le député LFI Manuel Bompard.
À Narbonne, ce sont entre 3 000 et 3 700 manifestants qui se sont rassemblés pour dénoncer la présence du Rassemblement National, dont les leaders Jordan Bardella et Marine Le Pen tenaient un meeting dans la ville.
Le 1er mai aux multiples visages et sans fleurs.
Laurent Nunez, préfet de police de Paris, avait déclaré quelques heures avant le début des manifestations qu’il s’attendait à des débordements. Il a précisé que ceux-ci ne venaient généralement pas des organisateurs mais de groupes extérieurs. Parmi eux, certains activistes d’ultragauche, dont l’assistant parlementaire de la députée Ersilia Soudais, ont publiquement annoncé leur participation.
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’est exprimé en fin de journée, qualifiant les violences de « faits inadmissibles » et soulignant que plusieurs élus avaient été visés. Il a fait état de quatre membres du PS blessés, ainsi que de quatre gendarmes et deux policiers. Pour le gouvernement, ces scènes sont préoccupantes, mais ne sauraient occulter ce qu’il qualifie d’« amélioration relative » dans le déroulé de la journée, en comparaison avec les pires scénarios redoutés.
Cette journée du 1er mai 2025 n’a pas été homogène. D’un territoire à l’autre, l’ambiance, les revendications, les méthodes de manifestation ont varié. Mais un fil rouge demeure : la mobilisation reste élevée dans un contexte économique marqué par une stagnation des revenus, des menaces de licenciement, et une réforme des retraites toujours aussi impopulaire. Le nombre de manifestants est stable par rapport à l’année précédente, ou en légère hausse selon les syndicats, mais les motifs de colère se sont diversifiés.
La mobilisation à Dunkerque pour soutenir les ouvriers d’ArcelorMittal en est l’illustration la plus nette. Derrière les banderoles, ce sont des trajectoires concrètes qui s’expriment : des salariés menacés de perdre leur emploi, des habitants frappés par la hausse des prix, des jeunes inquiets pour leur avenir professionnel. La gauche institutionnelle, qui a parfois peiné à apparaître unie, semble avoir tenté de se montrer aux côtés des travailleurs ce 1er mai. Reste à savoir si cette visibilité ponctuelle peut déboucher sur une stratégie politique claire.