Paysan, agronome et député de Rochefort-Aunis en Charente-Maritime, Benoît Biteau était aussi sur la liste Les Écologistes, conduite par Marie Toussaint. Son combat vise à faire entendre la voix des paysans et à promouvoir un système agroalimentaire soutenable. Autant de sujets qu’il a pu évoquer au Parisien Matin.
Une interview phare, post élections européennes avec Benoît Biteau.
Benoît Biteau, pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
“J’ai 57 ans, je suis agronome de formation et paysan bio en Charente-Maritime.
Je suis arrivé dans le monde politique à la suite d’une démonstration que j’ai eu l’occasion de faire autour de l’agroécologie. L’idée était de montrer que ces pratiques proposent des réponses à la fois économiques mais aussi écologiques et sociales. Ce projet nommé « Val de Seudre Identi’Terre » m’a permis d’obtenir, en 2009, le trophée national de l’agriculture durable.
A cette période, Ségolène Royal m’a proposé de devenir vice-président de la région Poitou-Charentes, en charge de la pêche et la culture. Yannick Jadot m’a ensuite repéré et m’a demandé de prendre le relais de José Beauvais. Celui-ci souhaitait arrêter son mandat de député européen. Je suis donc devenu député européen lors des élections européennes de 2019.
Aujourd’hui, je suis membre de la commission de l’agriculture et du développement rural. Je siège également en commission pêche et en commission développement.“
À quel moment Benoît Biteau a rencontré Marie Toussaint ?
“Lors de cette campagne électorale sous la houlette de Yannick Jadot, j’ai pu rencontrer Marie Toussaint. Nous nous sommes côtoyés pendant l’intégralité du mandat.
Naturellement, nous étions en coopération très serrée sur des sujets comme la reconnaissance du crime d’écocide (le crime contre la nature) et tous les autres sujets de lutte contre le dérèglement climatique. L’agriculture est intrinsèquement liée aux enjeux climatiques du fait, par exemple, de l’usage des pesticides ou encore des pratiques agricoles climaticides.
Marie Toussaint a une expertise très fine sur les questions juridiques. Cela nous permet donc d’avoir des angles d’attaque complémentaires car elle a un regard différent du mien, qui est plus scientifique.“
Qu’est-ce que Benoît Biteau a pensé des annonces de Gabriel Attal, et de son plan pour sortir de la crise des agriculteurs ?
“Objectivement, il n’a rien compris. Les mesures du revenu sont absentes du plan de Gabriel Attal pour sortir de la crise agricole.
Et pourtant, les agriculteurs se sont manifestés au début de l’année en raison de graves problématiques de revenus.
Ses solutions n’ont aucune portée. Première erreur, celle de vouloir retirer la rotation des cultures, qui consiste à alterner des cultures diverses, d’hiver et de printemps, sur un cycle assez long si possible. La rotation des cultures est importante, c’est le béaba de l’agronomie !
On note aussi sa volonté de faire disparaître les prairies naturelles. Ces prairies sont les seuls compartiments susceptibles de stocker du carbone et donc de compenser les émissions de gaz à effet de serre. Elles sont déterminantes dans la lutte contre le changement climatique. Voilà pourquoi, selon moi, ce sont des mesures climaticides.
Malheureusement, Gabriel Attal a cédé à la pression des leaders syndicaux, qui par ailleurs, ne sont pas à l’origine de ce mouvement de contestation.
Ce mouvement agricole a été récupéré avec un cynisme ahurissant par ce syndicat majoritaire. Un groupe qui s’autorise à se revendiquer porte-parole du mouvement auprès du ministre de l’agriculture, du premier ministre et de la Commission européenne. Les propositions de ce syndicat n’ont rien à voir avec celles des agriculteurs à l’origine du mouvement.
Du coup, les agriculteurs ne se reconnaissent pas dans les mesures proposées à l’échelon national et européen. Les conséquences sont immédiates : le mouvement agricole est en train de reprendre. On peut par exemple noter le blocage opéré par les agriculteurs à la frontière franco-espagnole…“
Quels sujets portait Benoit Biteau dans le cadre de la campagne des élections européennes ?
“Envisager de porter des politiques publiques à l’échelon européen demande d’intégrer les sujets tels que le climat, l’effondrement de la biodiversité ou encore la santé. Et, avec Les Écologistes, nous construisons un avenir décent pour les générations futures.
Dans le cadre de cette campagne, je porte notamment le thème de l’utilisation des pesticides qui sont une vraie difficulté sanitaire pour les populations et les agriculteurs eux-mêmes.
L’autre axe sur lequel je travaille est la dimension sociale, qui elle aussi, est touchée par les désastres environnementaux.
Les Écologistes ont été représentés comme les méchants à l’origine de tout les maux de l’agriculture. Et, parallèlement, nous n’avons jamais eu l’opportunité de présenter nos mesures à ce sujet.
Ce que l’on peut constater, c’est qu’aujourd’hui, des adversaires politiques comme Renaissance et Les Républicains s’inspirent de nos combats. Alors, si nos idées phares pour essayer de sauver l’agriculture sont reprises par les autres, c’est déjà une forme de réussite.“