Avec la progression constante de Nigel Farage et de Reform UK depuis les élections générales de 2024, à 14 points devant le Parti travailliste selon POLITICO le mot populisme revient sans cesse dans le débat politique britannique. Mais que signifie réellement être populiste, et pourquoi cela a-t-il une telle importance au Royaume-Uni ?
Qu’est-ce que le populisme ?
Reform UK et Nigel Farage illustrent aujourd’hui un populisme de droite en plein essor. Ce phénomène s’étend au-delà du Royaume-Uni : on le retrouve chez l’AfD en Allemagne ou Donald Trump aux États-Unis.
Pourtant, le populisme n’appartient pas à un seul camp. C’est avant tout une approche politique, utilisée depuis le XIXᵉ siècle, expliquent Alexander Hudson et Seema Shah (Idea International).
Le mot est souvent mal compris, rappelle Benjamin Moffit, auteur de The Global Rise of Populism. Un vrai populiste, selon lui, prétend incarner la volonté unifiée du “peuple”.
Le professeur Cas Mudde (Populism: A Very Short Introduction) partage cette idée : pour lui, le populisme oppose le peuple pur à l’élite corrompue et considère que la politique doit être l’expression directe de la volonté populaire.
Trois éléments le distinguent selon Ronald F. Inglehart (Michigan) et Pippa Norris (Harvard) : l’anti-élitisme, l’autoritarisme et le nativisme (priorité nationale). C’est la combinaison de ces trois traits, note Mudde, qui rend les populistes de droite particulièrement efficaces aujourd’hui.
Pourquoi le populisme séduit-il ?
Beaucoup pensent que le populisme émerge dans les périodes d’insécurité économique. Martin Bull, directeur du European Consortium of Political Research (ECPR), estime que la montée du populisme s’est accélérée à partir de 2008, surtout en 2011, lorsque la crise bancaire s’est transformée en crise de la dette publique.
Pour Inglehart et Norris, il s’agit aussi d’un mouvement de réaction culturelle : principalement chez les hommes blancs plus âgés, déroutés par l’érosion des valeurs traditionnelles. « Ces groupes ont le sentiment d’être devenus étrangers aux valeurs dominantes de leur propre pays », expliquent-ils.
Le populisme et la politique britannique
Le Social Market Foundation a montré que le vote Reform UK est plus fort dans les zones où les qualifications sont faibles, l’industrie recule, la criminalité augmente, et où la population blanche diminue.
Selon James Wood (Université de Cambridge), le référendum du Brexit en 2016 a été « le grand moment populiste » du Royaume-Uni.
Les inégalités régionales ont alimenté ce vote et continuent de diviser le pays.
Les régions les plus ouvertes à l’immigration européenne ont voté Remain, tandis que le camp Leave a vu dans l’UE une menace économique pour les travailleurs britanniques — un discours exploité par les populistes.
Wood parle aujourd’hui d’une « crise prolongée du populisme », marquée par le cakeism, vouloir tout et son contraire : moins d’impôts, plus de dépenses publiques.
Un sondage IPSOS (2024) montre que 70 % des Britanniques pensent que l’économie favorise les élites, 62 % veulent plus de services publics, mais seulement 28 % sont prêts à payer plus d’impôts. Ce paradoxe nourrit les promesses irréalistes des dirigeants politiques.
Les Conservateurs, de leur côté, ont souvent glissé à droite pour récupérer les électeurs séduits par UKIP puis Reform UK.
Du Brexit à l’échec du programme de “levelling up” de Boris Johnson, le parti n’a cessé de reprendre les stratégies populistes.
L’essor du “populisme vert”
Plus récemment, Zack Polanski, nouveau chef du Parti vert, s’est défini comme un éco-populiste. Il veut, dit-il, raconter une histoire politique capable de rivaliser avec celle de Reform UK, en investissant le terrain médiatique et émotionnel.
Les Verts dépassent désormais les 10 % d’intentions de vote pour la première fois de leur histoire, selon YouGov et POLITICO. C’est un signe que le populisme, sous toutes ses formes, s’enracine bel et bien au Royaume-Uni.


