Les élections parlementaires moldaves du 13 octobre ont attiré l’attention de tous les experts en politique européenne. Ils ont pu remarquer une montée des risques liés à la désinformation, à la polarisation politique et aux incidents techniques dans les zones proches de la Transnistrie.
La Moldavie est un pays beaucoup plus important qu’on ne peut le croire puisqu’elle est prise en sandwich entre la Roumanie et l’Ukraine. Ce pays est donc une porte d’entrée pour la Russie, qui est prise par ses ambitions expansionnistes.
Sachant que la Roumanie a déjà vu ses élections affectées par l’ingérence russe, il était quasi certain que la Moldavie allait en être victime à son tour.
Trois spécialistes ont décrypté les défis démocratiques et européens du pays : Dorina Baltag, chercheuse à l’Institut de diplomatie et des affaires internationales et fondatrice de Noroc Olanda ; Ruxanda Vasian, chercheuse junior à Noroc Olanda ; et Nicolae Panfil, directeur de programme de Promo-LEX, une organisation moldave d’observation électorale.
Une élection calme en apparence, minée par les manipulations
« Les élections, ce n’est pas seulement le jour du vote », rappelle Nicolae Panfil. Pour le directeur de programme de Promo-LEX, la campagne a été marquée par une polarisation inédite et une désinformation virulente dans les deux semaines précédant le scrutin.
« Nous avons relevé près de 1 000 incidents le jour du vote. Tous ne sont pas graves, mais ils montrent une fragilité du système. »
Parmi eux, on recense 273 violations du secret du vote, où des électeurs ont photographié leur bulletin, un signe de pression et de corruption électorale.
Les citoyens de Transnistrie, eux, ont affronté un autre obstacle: des alertes à la bombe et des ponts fermés qui ont restreint leur accès aux urnes.
« Ces menaces n’étaient sans doute pas réelles, mais elles ont eu un effet très concret : décourager la participation », déplore Panfil.
“Les Moldaves veulent des résultats, pas des slogans”
Pour la chercheuse Dorina Baltag, fondatrice de Noroc Olanda, le scrutin a confirmé une maturité démocratique croissante, mais aussi un épuisement politique.
« Les gens veulent des routes, des emplois, des écoles et des soins, pas seulement des discours sur l’intégration européenne. »
Le parti pro-européen PAS a conservé sa majorité avec 55 sièges sur 101, une victoire stable malgré un climat difficile.
Baltag insiste : « Le défi n’est plus de convaincre du bien-fondé de l’Europe, mais de rendre l’Europe concrète dans la vie des gens. »
Pour elle, le gouvernement doit revoir sa manière de communiquer :
« Les Moldaves font plus confiance à leur maire ou à leur prêtre qu’à l’État. Il faut aller vers eux, parler leur langage. »
La diaspora a joué un rôle central, notamment dans la sensibilisation et la lutte contre les infox.
« Nous avons organisé des rencontres dans les cafés, sur Zoom, dans les universités. Parler, écouter, expliquer : c’est ainsi que la démocratie avance. »
La désinformation, toujours là
Depuis 2021, chaque élection moldave devient un pseudo-référendum sur la géopolitique : Russie ou Europe ? Est ou Ouest ?
Pour Baltag, ce cadrage simpliste use les citoyens et détourne l’attention des vrais enjeux : santé, éducation, emploi.
« Les Moldaves sont fatigués d’être sommés de choisir entre deux blocs. Ils veulent qu’on leur parle de leur quotidien. »
Les campagnes de désinformation, souvent amplifiées par des relais pro-russes, ont pris de l’ampleur. De fausses rumeurs ont accusé la présidente Maia Sandu de vouloir engager le pays dans la guerre ou d’autoriser des bases de l’OTAN sur le sol moldave.
« Ces récits cherchent à associer l’Europe à la guerre et à faire oublier qui est l’agresseur réel : la Russie », explique Ruxanda Vasian.
“L’Europe doit être un choix de conviction, pas de peur”
Chercheuse junior et collaboratrice au Bureau pour l’intégration européenne, Ruxanda Vasian reste optimiste.
« La Moldavie avance vite dans le processus d’adhésion à l’UE. Le screening bilatéral est terminé, et nous avons préparé nos positions pour les 35 chapitres de négociation. »
Mais elle avertit qu’il ne faut pas adopter l’Europe en tant qu’idée abstraite ou idéal et que cette Europe doit être celle des régulations et des normes.
« L’Europe ne doit pas être une promesse abstraite. Elle doit être vécue dans les écoles, les hôpitaux, les administrations. »


