À partir de ce mercredi, l’accès aux sites pornographiques gérés par la société Aylo dont Pornhub, YouPorn et RedTube n’était plus possible pour les internautes français. En cause : une nouvelle loi française imposant aux plateformes de contenus sexuels de mettre en place un système de vérification d’âge beaucoup plus strict.
Cesser ses services plutôt que de collecter des données sensibles
La décision d’Aylo de retirer Pornhub de la France prouve un désaccord avec la manière dont la France entend faire appliquer sa législation.
Pour la société canadienne, le problème ne vient pas d’une opposition au principe de vérifier l’âge des utilisateurs. Ce serait la méthode imposée qui les ennuie.
Demander aux internautes de fournir leur carte bancaire ou leur pièce d’identité représenterait maintenant un danger pour leur vie privée. Les dirigeants d’Aylo pensent que ces informations soient transmises à un tiers crée une base de données vulnérable aux attaques informatiques. Ce type de “réservoir” de données personnelles attire inévitablement des tentatives de piratage, comme c’est souvent le cas pour les services téléphoniques ou bancaires.
Aylo propose une alternative : que la vérification se fasse directement au niveau de l’appareil ou du système d’exploitation, plutôt qu’à travers chaque site. Les grandes entreprises comme Apple, Google ou Microsoft possèdent déjà les outils nécessaires pour déterminer si un appareil appartient à un utilisateur majeur. En d’autres termes, l’entreprise souhaite que cette responsabilité soit intégrée dans la technologie des appareils eux-mêmes plutôt que confiée aux plateformes qui hébergent le contenu.
Une loi jugée inefficace et dangereuse par les dirigeants d’Aylo
Solomon Friedman, vice-président d’Ethical Capital Partners, la firme propriétaire d’Aylo, considère que la loi française repose sur un mécanisme risqué, inefficace et disproportionné. Lors d’un échange avec des journalistes, il a accusé le gouvernement de dissimuler certains aspects du dispositif au public.
Friedman estime qu’imposer une telle collecte d’informations personnelles fragilise davantage les internautes qu’elle ne les protège.
D’un point de vue technique, le nouveau dispositif repose sur une vérification effectuée par un tiers : les sites comme Pornhub ne doivent plus se contenter d’un simple clic de confirmation, mais s’appuyer sur une structure extérieure qui confirme ou non la majorité de l’utilisateur. Le site ne saura jamais qui consulte son contenu, et l’organisme chargé de la vérification n’aura, en principe, pas connaissance des sites visités.
Cette méthode, que les autorités françaises qualifient de “double anonymat”, est censée garantir à la fois la protection des mineurs et la confidentialité des adultes.
Pour une fois, la France reste ferme.
Clara Chappaz, Ministre déléguée chargée du numérique soutient fermement le nouveau cadre légal. Elle rejette en bloc les accusations portées par Aylo, qui propageraient de fausses informations pour justifier son retrait.
La nouvelle loi ne vise pas à priver les adultes de contenus sexuels, mais à empêcher les enfants d’y accéder librement. D’après les chiffres de l’Arcom (l’autorité qui régule les médias en France), environ 2,3 millions de mineurs visiteraient régulièrement des sites pornographiques dans le pays, soit environ un utilisateur sur huit.
De son côté, Aurore Bergé, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, a accueilli avec satisfaction la fermeture de Pornhub en France. Dans un message publié sur le réseau X (anciennement Twitter), elle a écrit simplement « au revoir », estimant que cette décision réduirait l’exposition des jeunes à des contenus dégradants ou violents.
La France n’est pas le seul pays à exiger un contrôle rigoureux de l’âge des internautes sur les sites pour adultes. Aux États-Unis, plusieurs États ont adopté des textes semblables. Aylo a également cessé ses activités dans certains d’entre eux.
Alors que la France insiste sur la protection des enfants et la vie privée, les entreprises concernées invoquent parfois la liberté d’expression aux États-Unis pour s’opposer à ces nouvelles contraintes.
Le Royaume-Uni prépare en ce moment des mesures plus strictes qui imposeront prochainement aux plateformes de garantir un filtrage efficace des mineurs. Partout, la pression réglementaire s’intensifie.
Les VPN risquent de contourner le problème
Dans les faits, le retrait de Pornhub ne signifie pas nécessairement que les contenus disparaîtront de la vie des internautes français. L’utilisation des VPN (réseaux privés virtuels) est déjà très répandue, y compris chez les adolescents. Ces outils permettent de dissimuler sa localisation et de contourner les restrictions géographiques. Même des versions gratuites de ces logiciels sont disponibles en quelques clics, ce qui rend le blocage territorial peu dissuasif.
Autrement dit, l’objectif affiché du gouvernement — empêcher l’accès des mineurs à la pornographie — risque de se heurter à une réalité technique difficile à maîtriser. Le retrait d’un acteur comme Pornhub pourrait même favoriser des plateformes alternatives moins regardantes en matière de protection des données, souvent situées hors de l’Union européenne.
Malgré tout, il faut tout de même reconnaître que bannir les sites pornographiques en Europe ne peut faire que du bien aux jeunes.