Quatre semaines. C’est le temps qu’aura tenu Sébastien Lecornu à la tête du gouvernement français. Nommé le 9 septembre par Emmanuel Macron, le Premier ministre a annoncé lundi matin sa démission, invoquant « l’impossibilité de gouverner dans ces conditions ». Une sortie brutale qui met fin à une expérience déjà fragilisée par les querelles internes et les luttes d’influence entre alliés.
« Les conditions n’étaient plus réunies pour exercer ma mission », a déclaré Lecornu, visiblement amer, lors d’un discours improvisé à Matignon. « J’étais prêt au compromis, mais certains ont préféré ignorer les progrès réalisés. On doit toujours placer son pays avant son parti. »
L’alliance impossible avec la droite
La rupture s’est jouée dans les coulisses de la majorité. Dimanche soir, Lecornu avait présenté la répartition des portefeuilles ministériels, espérant rallier la droite républicaine à sa coalition. Mais Bruno Retailleau, chef du parti Les Républicains (LR), a rejeté l’accord et convoqué en urgence une réunion interne.
Retailleau, qui réclamait un tiers des ministères pour sa formation, a jugé inacceptable la place réservée aux siens. L’annonce surprise du retour de Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie – au poste de ministre de la Défense, a achevé de braquer les conservateurs. Le Maire, issu du camp présidentiel, symbolisait aux yeux de LR l’arrogance d’un pouvoir qui ne partage rien mais exige tout.
Dès lors, la coalition déjà fragile s’est effondrée. Des rumeurs ont circulé dans la nuit sur un possible retrait des Républicains du gouvernement. Lundi matin, avant même que Lecornu ne présente sa feuille de route à l’Assemblée nationale, il déposait sa lettre de démission sur le bureau du président.
Une briéveté exceptionnelle
Avec seulement vingt-sept jours à Matignon, Sébastien Lecornu devient le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République. Sa démission illustre la paralysie politique dans laquelle la France s’enfonce depuis des mois. Avant lui, François Bayrou avait lui aussi dû quitter ses fonctions après avoir perdu un vote de confiance sur un budget d’austérité.
Trois tentatives de gouvernement minoritaire ont donc échoué depuis l’été. Emmanuel Macron, de plus en plus isolé, n’a désormais plus beaucoup d’options : soit tenter une nouvelle coalition, soit dissoudre l’Assemblée et convoquer des élections législatives anticipées.
La France, sans cap.
Au-delà du jeu politique, la situation économique du pays est préoccupante. La dette publique a franchi le cap des 3 300 milliards d’euros, un record européen. L’exécutif devait présenter sous peu un plan de rigueur, déjà très impopulaire. Les marchés, inquiets de l’instabilité politique, observent la France avec méfiance.
Pendant ce temps, les Français assistent, désabusés, à une valse de Premiers ministres sans lendemain. Lecornu, qui se voulait homme de terrain et symbole d’un « nouveau départ », quitte Matignon sans avoir eu le temps d’imprimer la moindre marque.
« Le pays mérite mieux que des calculs de partis »
Dans son dernier discours, Lecornu a tenu à rappeler la gravité de la situation :
« Ce n’est pas seulement un désaccord politique. C’est un échec collectif. Quand les ambitions personnelles passent avant l’intérêt national, on affaiblit la République. »
Ses mots sonnent comme une mise en garde. Car derrière cette démission, c’est tout un système politique qui vacille. Macron, déjà affaibli par la contestation sociale et la montée des extrêmes, se retrouve face à un dilemme : continuer à bricoler ou provoquer un choc politique en retournant devant les urnes.
À l’Élysée, le silence est pesant. Aucun nom n’a encore été avancé pour lui succéder. Plusieurs proches du président évoquent une « période de réflexion ». Mais dans les couloirs de l’Assemblée, le mot « dissolution » revient de plus en plus souvent.
Lecornu, lui, s’en va sans fracas, mais non sans amertume. En quittant Matignon, il a eu cette phrase qui résonne comme un avertissement :
« On peut survivre à un désaccord politique, mais pas à la perte du sens commun. »
Une phrase qui résume bien l’état du pays : gouverner la France, aujourd’hui, semble être devenu une mission impossible.


