La neuvième édition des Rencontres politiques de Trouville, tenue en septembre 2024, a consacré une session animée et engagée au débat religieux, avec un sujet qui résonne à travers les siècles et les continents : la place des femmes dans les grandes religions. Ce débat s’inscrivait dans le cadre du thème général de l’année, « Les femmes et le pouvoir », explorant les rôles, les défis et les perspectives des femmes dans les sphères sociales, économiques et spirituelles.
Cette rencontre a réuni des intervenants de renom, dont l’ex-ministre Agnès Buzyn, l’ancienne secrétaire d’État Jeannette Bougrab, et l’avocat Thibault de Montbrial. Ensemble, ils ont discuté de la manière dont les traditions religieuses influencent les droits et les opportunités des femmes, en s’appuyant sur des exemples historiques, des statistiques récentes et des témoignages contemporains.
Retirer ses « lunettes judéo-chrétiennes »
Retirer ses « lunettes judéo-chrétiennes », exige Sonya Zadig, psychologue clinicienne-psychanalyste, linguiste et écrivain, engagée pour le respect de la laïcité. Retirer ces lunettes conditionne, selon elle, la compréhension de la religion la plus attaquée de nos jours concernant la misogynie religieuse : l’islam.
Pour traiter le sujet de la misogynie religieuse, Sonya Zadig affirme que « Allah a […] une dent contre les femmes. » et dit s’inquiéter de la situation des musulmanes de France. S’agit-il de vulgarisation théologique ou de propos politiquement orientés ? La psychologue politise ses propos, sans s’appuyer sur la théologie musulmane.
L’homme et la femme en Islam ont un rôle complémentaire, quoi que la femme est présentée comme créée plus faible pour être protégée et prise en charge par l’homme. Elle incarne la nutrition, la prise en charge du foyer, la douceur et la sensibilité. Quand il incarne la sécurité, le soin, la prise en charge matérielle, l’autorité familiale.
Islam : la différence entre culture et religion
Confronter religion et misogynie est devenu monnaie courante dans la manière dont les dernières générations reçoivent les dogmes. Ce n’est pas abandonner la foi, c’est la repenser avec un point de vue moderne, moins traditionnel.
L’Islam est très interrogée, mise en perspective avec la condition des femmes dans les milieux ou les pays où elle fait office de loi.
«On m’oppose souvent que toutes les religions en veulent aux femmes, mais qu’observe-t-on aujourd’hui chez nous?», questionne la militante d’origine tunisienne citée plus haut.
Peut-être que Sonia Zadig manque le point de la question centrale questionnant la misogynie religieuse, puisqu’elle y apporte des arguments culturels. Bien que les deux domaines soient intrinsèquement liés, la culture déforme, adapte, syncrétise ou encore change les points religieux dont elle s’inspire, puisqu’elle évolue en même temps que la communauté.
L’écrivaine intervenante mentionne une culture dans laquelle les femmes sont réduites la plupart du temps à «des citoyennes de seconde zone», des «objets de jouissance», ou des «usines à fabriquer des musulmans pour agrandir l’oumma».
L’exemple effroyable de l’Afghanistan n’est plus à présenter. Les droits des femmes reculent légalement de jour en jour, depuis l’arrivée au pouvoir du groupe il y a trois ans.
Il y a un mois, Mohammed Khalid Hanafi, ministre taliban chargé de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice, interdisait aux femmes de réciter le Coran à voix haute en présence d’autres femmes, décidant de leur droit de parole.
Exclues des universités et des écoles, elles sont depuis peu défendues de poursuivre leurs études d’infirmières ou encore de sages-femmes.
S’il est vrai que de nombreux pays de religion musulmane et de culture orientale/orientalisée rencontrent un fort problème de misogynie jusqu’à mettre en danger les femmes dans leurs droits les plus fondamentaux, la femme reste également relayée en seconde zone dans le monde judéo-chrétien, bien qu’on autorise le débat autour de sa condition.
En octobre dernier, comme tous les ans, l’Assemblée générale du Synode sur l’avenir de l’Église rassemblait une centaine de pays autour du débat sur l’ordination des femmes.
Le document synthétique qui en a découlé affirme que :
« Il n’y a aucune raison ni aucun obstacle qui puisse empêcher les femmes d’exercer des rôles de direction dans l’Église ».
Cette conclusion formulée par les 368 religieux, évêques et laïcs participant a été approuvée par le pape.
Et pourtant, sa superficialité est condamnée dans la mesure où aucune précision ni aucune décision n’ont été ne serait-ce qu’envisagées pour permettre aux femmes de diriger et non uniquement d’être dirigées.
Il se trouve que l’Église reste fermement opposée à l’ordination des femmes. Des appels à la grève sont fréquemment formulés par La Conférence pour l’ordination des femmes.
D’autre part, si les violences de toutes sortes, y compris sexuelles, continuent à faire polémique dans la communauté juive ultra-orthodoxe, Delphine Horvilleur, rabbin libérale, remarque “beaucoup d’avancées ces dernières années“.
“Il y a une forme d’acceptation, dans bien des milieux juifs, d’une place plus importante des femmes: à la fois la voix des femmes, le corps des femmes, l’érudition des femmes“.
En 2019, une école rabbinique libérale a ouvert à Paris où les femmes peuvent étudier. Elles sont quatre.
Cinq femmes seulement sont rabbins libérales en France, dont la dernière, Iris Ferreira, ordonnée en 2021. C’est une avancée concrète, mais encore insuffisante.
Liberté des femmes et fait religieux musulman français sont-ils compatibles ?
Le bilan de ces rencontres politiques n’est pas très positif, notamment sur l’avenir du fait religieux français. Certaines craintes sont évoquées quant-à l’incompatibilité supposée entre la femme et la religion, le doigt étant particulièrement pointé vers l’islam et ses pratiques.
Jean-Paul Sartre y a même été cité quant-à sa « passion maniaque de la liberté ». N’oublions pas que Sartre, fervent défenseur de l’existentialisme, prône le fait qu’un être humain soit toujours libre.
Avec sa formule provocatrice dans L’Existentialisme est un humanisme où il affirme que nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’Occupation, il rappelle que choisir et ne pas choisir constituent deux choix à part entière.
La situation des musulmanes de France est très différente de celles des théocraties problématiques dans lesquelles les citoyennes voient leurs droits bafoués.
D’elles-mêmes, les musulmanes de France peuvent choisir d’embrasser l’islam ainsi que les rôles respectifs qui sont attribués à l’homme et à la femme dans le Coran.
Respecter la liberté de la femme, c’est aussi respecter sa liberté de se couvrir, de choisir un certain rôle dans son mariage ou encore de choisir une certaine posture quant-aux autres hommes qu’elles côtoient en société.
Si les citoyennes sont dans un pays libre comme la France, choisir l’islam est un droit et une liberté qu’elles ont le droit d’exercer, dans le cadre de la laïcité.
Espérons des conclusions plus positives pour la rencontre de l’année prochaine sur la France et l’Afrique.