L’explosion simultanée de bipeurs au Liban, qui a causé la mort de plusieurs personnes et des milliers de blessés, a relancé les discussions sur cette technologie ancienne et ses usages modernes, notamment par des groupes comme le Hezbollah.
Qu’est-ce qu’un bipeur ?
Les bipeurs, ou pagers, ont vu le jour dans les années 1940 et ont été créés pour permettre des communications rapides et efficaces dans des situations d’urgence, bien avant l’invention des téléphones mobiles. Voici un aperçu de leur origine et de leur évolution.
L’invention des bipeurs
Le concept des bipeurs remonte à 1949, lorsque Alfred J. Gross, un ingénieur en télécommunications canadien, a déposé un brevet pour le premier pager. Gross est également célèbre pour avoir travaillé sur la technologie des radios portatives et des talkies-walkies, qui étaient largement utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale. Son invention des bipeurs, initialement conçue pour le secteur médical, visait à fournir une solution de communication rapide entre les professionnels de la santé. Elle était particulièrement utile dans les hôpitaux pour alerter le personnel médical en cas d’urgence.
Les premiers modèles de bipeurs étaient relativement simples. Ils fonctionnaient en utilisant des ondes radio pour envoyer de courts messages textuels ou des notifications sonores à leurs destinataires. Les bipeurs n’étaient pas capables de transmettre des conversations vocales comme le faisaient les téléphones portables, mais pouvaient notifier une personne via un « bip » qu’un message avait été envoyé.
Dans les années 1960, ces appareils ont été adoptés par des secteurs au-delà du médical, y compris les forces de l’ordre, les pompiers, et même les entreprises privées. À l’époque, ils étaient considérés comme des outils de communication essentiels en raison de leur capacité à alerter des personnes situées dans différents lieux, à l’intérieur ou à l’extérieur de bâtiments.
L’utilisation des bipeurs a explosé dans les années 1980, période au cours de laquelle ils sont devenus courants dans de nombreux domaines, notamment dans les services d’urgence. Les entreprises de télécommunications ont développé plusieurs variantes de bipeurs, notamment des modèles unidirectionnels (qui ne pouvaient que recevoir des messages) et des bidirectionnels (qui permettaient aussi de répondre).
L’adoption mondiale des bipeurs a été facilitée par leur capacité à fonctionner dans des régions éloignées, grâce à la couverture large des signaux radio. Leur autonomie impressionnante (les batteries pouvaient durer des semaines) et la fiabilité de la transmission des messages textuels courts ont renforcé leur popularité.
Le déclin des bipeurs avec l’avènement des téléphones portables
Le succès des bipeurs a commencé à décliner avec l’apparition des téléphones portables dans les années 1990, qui proposaient des fonctionnalités plus avancées, comme les appels vocaux et les SMS, tout en restant portables. Toutefois, certains secteurs ont continué à utiliser les bipeurs pour des raisons de sécurité et de simplicité, notamment dans les hôpitaux, où la fiabilité des bipeurs est toujours appréciée pour leur résistance aux interférences réseau.
Aujourd’hui, même s’ils sont largement dépassés par les smartphones, les bipeurs continuent d’être utilisés dans certaines industries où la fiabilité des communications doit être assurée sans avoir à dépendre de la couverture réseau mobile ou d’autres technologies plus modernes et complexes.
Pourquoi le Hezbollah utilise-t-il des bipeurs ?
Le Hezbollah, une organisation libanaise reconnue pour ses activités politiques et militaires, utilise cette technologie pour éviter la surveillance électronique. Contrairement aux téléphones portables, qui peuvent être traqués via GPS ou espionnés par des logiciels sophistiqués, les bipeurs utilisent des ondes radio qui ne peuvent pas être interceptées aussi facilement. De plus, leur longue durée de vie et la simplicité de leur réseau de communication en font un outil efficace pour des opérations où la sécurité des informations est primordiale.
La prudence du Hezbollah quant à l’utilisation de dispositifs électroniques date de l’assassinat du fabricant de bombes du Hamas, Yahya Ayyash, en 1996, tué par une bombe cachée dans son téléphone portable. Depuis lors, le Hezbollah a pris des mesures extrêmes pour éviter que ses communications ne soient surveillées.
Que s’est-il passé au Liban avec ces fameux bipeurs?
Le 12 septembre, une série d’explosions de bipeurs à travers le Liban a causé une onde de choc dans le pays. Ces explosions, qui ont touché des membres du Hezbollah et d’autres civils, sont perçues comme une opération de sabotage sophistiquée. Le Hezbollah a accusé Israël d’avoir orchestré ces attentats, bien qu’Israël n’ait pas commenté publiquement ces accusations. Le Mossad, l’agence de renseignement israélienne, est souvent accusée d’avoir recours à de telles méthodes dans ses opérations clandestines.
Les fragments des appareils retrouvés sur place ont révélé qu’il s’agissait de modèles de bipeurs AR-924, fabriqués par la société taïwanaise Gold Apollo. Ce modèle spécifique est connu pour sa robustesse et sa longue durée de vie, caractéristiques essentielles pour des opérations dans des environnements instables, comme le Liban où les coupures d’électricité sont fréquentes.
Ces explosions représentent un coup sévère pour le Hezbollah, non seulement en raison des pertes humaines, mais aussi parce qu’elles remettent en question la sécurité de leur système de communication, réputé être à l’abri des cyberattaques. Des experts comme Emily Harding, une ancienne analyste de la CIA, soulignent que cette faille pourrait pousser le Hezbollah à revoir complètement ses protocoles de communication pour éviter une nouvelle catastrophe.