Jeudi 3 juillet, les députés ont largement validé la création d’un contrat spécifique pour favoriser l’embauche des plus de 60 ans. Avec 57 voix pour et seulement 9 contre, la mesure a passé la première lecture à l’Assemblée nationale.
Les accords trouvés en 2023 entre les syndicats et le patronat ont joué dans l’adoption de ce CDI senior. À l’époque, beaucoup regrettaient que la réforme des retraites, qui repoussait l’âge de départ à 64 ans, n’apporte aucune solution concrète pour aider les personnes proches de cet âge à rester sur le marché du travail.
La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a elle-même reconnu que la France reste très en retard dans ce domaine. Aujourd’hui, seuls 38 % des plus de 60 ans occupent un emploi, contre 61% en Allemagne et 70% en Suède. Pour la ministre, cette situation est injuste et constitue une perte humaine et économique que le pays ne peut plus continuer à ignorer.
Des débats sur ce CDI senior sous fond de méfiance
Dans l’hémicycle, plusieurs élus n’ont pas manqué de rappeler leur opposition à la réforme des retraites de l’an dernier. Sophie Taillé-Polian, députée écologiste et sociale, a parlé de ce qu’elle appelle « un passage en force », car il y a en effet, le paradoxe de demander aux Français de travailler plus longtemps sans résoudre la précarité des plus âgés. Beaucoup de seniors sont déjà exclus du marché de l’emploi avant même d’avoir atteint l’âge légal de départ.
Le texte a quand même reçu un large soutien. Seule La France insoumise a voté contre. Le reste de la gauche, bien que réservée sur ce sujet, s’est majoritairement prononcé en faveur du projet ou s’est abstenu. Le Rassemblement national a, lui aussi, voté pour. Du côté syndical, l’accord national signé en novembre dernier avait été approuvé par la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC. Seule la CGT s’y était opposée.
Un CDI senior pour mieux recruter… et mieux se séparer
La mesure phare de ce projet de loi est la création d’un nouveau CDI senior, appelé « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE). Ce dispositif sera testé pendant cinq ans après la promulgation de la loi. Concrètement, si une entreprise recrute un demandeur d’emploi âgé de plus de 60 ans, ou de plus de 57 ans si un accord de branche le permet, elle pourra lui demander un document de l’assurance retraite précisant la date à laquelle il pourra partir à taux plein.
Cela permettra à l’entreprise de le faire partir à la retraite dès qu’il aura atteint ce seuil, alors qu’aujourd’hui, elle doit attendre que le salarié ait 70 ans pour le mettre d’office à la retraite. Une possibilité qui inquiète certains élus, en particulier à gauche. Pour Nicolas Sansu, député communiste, ce contrat n’est rien d’autre qu’un « contrat boomer » qui risque de fragiliser le CDI classique.
Du côté de La France insoumise, Ségolène Amiot a décrété que le CDI senior était un dispositif de « social washing », qui masquerait selon elle un nouveau cadeau fait au patronat sous forme d’exonération de cotisations.
Louis Boyard,député insoumis, a ajouté que ce CDI senior risquait surtout d’enfermer les plus de 60 ans dans des contrats précaires, sans leur offrir de vraies perspectives. Des députés socialistes et écologistes ont également pointé le risque que ce contrat empêche certains salariés de continuer au-delà du taux plein pour obtenir des surcotes, qui augmenteraient pourtant leur pension.
D’autres changements qui accompagnent le CDI senior
Tout d’abord, la retraite progressive occupe une place importante. Aujourd’hui, elle reste peu utilisée : moins de 30 000 personnes en bénéficiaient fin 2023. Le projet de loi prévoit de renforcer l’obligation pour un employeur de justifier un refus lorsqu’un salarié demande à passer à temps partiel ou réduit dans le cadre de ce dispositif.
Cette avancée était attendue de longue date par les syndicats, qui y voient un moyen d’améliorer la qualité de vie des salariés en fin de carrière.
Une négociation obligatoire tous les quatre ans
Les députés ont aussi voté l’obligation pour les entreprises de plus de 300 salariés et pour les branches professionnelles d’organiser, au moins tous les quatre ans, une négociation sur l’emploi des salariés expérimentés et sur leurs conditions de travail. L’idée est de s’assurer que les seniors ne soient pas les oubliés des discussions sociales.
Un petit changement pour l’assurance chômage
Le projet de loi apporte aussi une évolution dans les conditions d’accès au chômage. Désormais, il suffira d’avoir travaillé cinq mois pour bénéficier de l’allocation, contre six mois jusqu’à présent. Ce changement concerne surtout les primo-accédants, c’est-à-dire ceux qui entrent pour la première fois dans le système. Cet assouplissement avait été décidé en novembre dernier dans un accord sur l’assurance chômage conclu entre syndicats et patronat, mais nécessitait une validation législative pour entrer en vigueur.
Une réforme pour la vie des représentants du personnel
Un autre point a été adopté : la fin de la limite de trois mandats successifs pour les élus du Comité social et économique (CSE). Cette limite avait été fixée par les ordonnances Travail de 2017. Sa suppression, réclamée par un accord signé en novembre dernier, offrira la possibilité aux représentants expérimentés de continuer leur engagement s’ils le souhaitent et s’ils sont réélus.
Reconversion professionnelle
L’Assemblée a validé un amendement qui modifie l’utilisation du compte personnel de formation (CPF). Dorénavant, un employeur pourra proposer une reconversion à un salarié en finançant la moitié de la formation grâce au CPF de ce dernier, avec son accord. L’objectif est d’encourager davantage de reconversions internes, plutôt que de voir des salariés quitter leur entreprise pour se former ailleurs.