Dans une société où les femmes accèdent à des niveaux d’éducation et de réussite professionnelle sans précédent, une question persiste : pourquoi certaines d’entre elles abandonnent l’hypergamie et s’engagent-elles dans des relations avec des hommes perçus comme moins ambitieux ou moins accomplis ?
Et si la tendance de l’hypogamie se poursuit, comment se fait-il que les hommes se plaignent encore?
Hypergamie, hypogamie et normes sociales
Traditionnellement, l’hypergamie — le fait pour une femme de s’unir à un homme de statut social ou économique supérieur — était courante, souvent motivée par des considérations de sécurité financière et sociale. Avec l’augmentation du niveau d’éducation et d’autonomie des femmes, on observe une montée de l’hypogamie, où des femmes plus éduquées ou ayant un statut professionnel élevé choisissent des partenaires moins qualifiés ou moins rémunérés.
Des études menées en Inde montrent une augmentation significative des mariages hypogames, notamment parmi les femmes issues de castes inférieures cherchant une ascension sociale par le biais du mariage . Cette tendance ne reflète pas nécessairement une égalité accrue, car d’autres barrières sociales, telles que les normes patriarcales, demeurent rigides.
Dans la culture populaire, on célèbre souvent les hommes qui épousent des femmes plus attirantes ou accomplies. On les présente comme chanceux ou admirables.
À l’inverse, les femmes qui aspirent à des partenaires de statut égal ou supérieur sont parfois critiquées, accusées d’être intéressées ou prétentieuses. Cette asymétrie influence les choix relationnels, poussant certaines femmes à modérer leurs attentes pour éviter d’être jugées.
La journaliste Meehika Barua, dans son analyse pour The Standard, explique que cette pression sociale conduit des femmes accomplies à s’engager avec des partenaires moins ambitieux, non par préférence, mais par crainte d’être perçues négativement.
À l’échelle mondiale, l’augmentation du niveau d’éducation des femmes a transformé les dynamiques matrimoniales.
En Europe, la tendance à l’hypergamie diminue, remplacée par une homogamie éducative ou une hypogamie, en raison de la proportion croissante de femmes diplômées .
Cela ne garantit pas une égalité dans les relations. Des études indiquent que même lorsque les femmes sont plus éduquées, elles peuvent privilégier des partenaires ayant une stabilité économique ou un statut social supérieur, reflétant des normes sociales persistantes .
Les hommes se plaignent de l’hypergamie, bien sûr.
Dans le même article pour The Standard, Meehika Barua évoque l’actrice de génie Marilyn Monroe qui, dans le film “Gentlemen prefer blondes” dit : “Ne savez-vous pas qu’un homme qui est riche équivaut à une belle femme? Vous n’épouseriez pas une femme simplement parce qu’elle est belle, mais bon sang, cela compte pour quelque chose!“
Cette citation est toujours à l’ordre du jour : beaucoup de femmes doivent se justifier du fait qu’elles souhaitent épouser quelqu’un qui peut leur permettre d’évoluer socialement. Ce choix est extrêmement rationnel. Peu romantique, nous l’admettrons, mais logique tout de même.
Pourtant, un bon nombres d’hommes expriment une colère folle face à l’hypergamie, bien que cette tendance soit en baisse selon des chercheurs comme Esteve et al.
La colère que les “incels” – Involuntary Celibates (donc célibataires malgré eux), éprouvent face à ce qu’ils appellent « l’hypergamie féminine » repose sur une lecture biaisée et souvent défaitiste des relations humaines.
Beaucoup d’entre eux partent du principe que les femmes sont programmées pour ne désirer que les hommes riches, beaux et charismatiques — une vision réductrice qui transforme la moindre préférence féminine en trahison ou en injustice.
Pourtant, si l’on regarde les faits, encore une fois, l’hypergamie n’est pas une maladie sociale : elle s’explique par des raisons concrètes. Choisir un partenaire fiable, autonome, ambitieux ou cultivé n’a rien de scandaleux ; c’est une stratégie compréhensible dans un monde où les femmes doivent encore se battre pour leur sécurité économique et leur reconnaissance professionnelle.
Et même si les femmes choisissent d’être femme au foyer, quel mal y a-t-il à vouloir quelqu’un qui transmettrait des gènes désirables à leurs enfants ou asssurerait une sécurité matérielle dont un enfant peut avoir besoin?
Beaucoup de femmes, en réalité, cherchent surtout un partenaire stable et attentionné, pas forcément un millionnaire au torse sculpté.
Ce que les incels refusent d’entendre, c’est que leur obsession pour leur taille, leur mâchoire ou leur compte en banque les enferme dans un narcissisme victimaire. Ils passent des heures à se lamenter sur leur forum, à comparer leur visage à celui d’un acteur hollywoodien, au lieu de se demander comment devenir quelqu’un de plus aimable, plus curieux, plus présent.
Une partie d’entre eux rejette l’idée même d’amélioration : ils considèrent le travail, les études ou le soin de soi comme inutiles puisque « les femmes ne veulent que des alpha » comme le soutient Paul Elam, figure du mouvement “Men Go Their Own Way”, qui prône une vie sans femmes et sans regrets.
Ce mouvement est un peu différent de celui des incels car il préconise aux hommes de ne jamais se mettre avec une femme et de ne pas être frustré par ce célibat choisi.
Bien évidemment, ce raisonnement les conforte dans leur inaction, tout en entretenant une haine du monde extérieur. Mais cette haine est surtout un aveu : celui de ne pas vouloir affronter le réel, qui est beaucoup plus nuancé que leurs théories sur les femmes opportunistes.
Au lieu de voir les relations comme une guerre de classement, ils pourraient apprendre à écouter, à se rendre utiles, à créer du lien. Personne ne leur demande d’être parfaits, mais beaucoup de femmes espèrent au moins rencontrer quelqu’un qui fait l’effort d’évoluer, surtout lorsqu’elles cherchent un homme avec lequel rester toute leur vie.
Aux incels, je demande : Pourquoi vos aïeux n’ont-ils jamais eu de problème pour se marier et fonder une famille? Si vous me répondez que c’est parce qu’il y avait des femmes différentes à l’époque, je vous rétorquerais que ces femmes avaient encore plus d’intérêt à être hypergames que les femmes modernes.
Vous rejetez l’hypergamie car vous ne parvenez pas à admettre que vous ne faites pas d’efforts pour plaire à des femmes qui n’ont plus de contraintes économiques. La tendance de l’hypogamie prouve que les femmes sont prêtes à voir au-delà de critères superflus et pourtant, vos plaintes s’intensifient.