En mai, la Journée internationale de la biodiversité nous invite à célébrer toute la richesse de la vie sur Terre — aussi bien biologique que culturelle.
En cette occasion, William Durham, anthropologue biologique et biologiste de l’évolution, professeur émérite à Stanford, rend hommage à l’archipel des Galapagos, un joyau de la biodiversité.
À travers ses observations, il nous entraîne dans une exploration de ce territoire hors du commun qui nous en dit plus sur les mystères de l’évolution.
Les îles Galapagos sont un énorme réservoir de biodiversité
Les îles Galapagos ne sont pas une espèce de vivarium en plein air. La spécificité de cette biodiversité est ce qui frappe la communauté de scientifiques. William Durham dit :
« La biodiversité des Galapagos est célèbre, mais pas pour son étendue… pour son unicité. »
Parmi les créatures emblématiques, citons les trois espèces de fous : le fou à pieds rouges, le fou à pieds bleus, et le fou de Nazca, reconnaissable à son plumage blanc.

Les iguanes marins, quant à eux, sont des reptiles extraordinaires qui se nourrissent d’algues marines, utilisant leurs dents acérées pour arracher le varech avant de venir se réchauffer au soleil et d’expulser le sel absorbé.
Plus rares encore, les iguanes terrestres roses, récemment identifiés, viennent enrichir ce patrimoine évolutif exceptionnel.
Les oiseaux extraordinaires des Galapagos
Les Galapagos accueillent aussi des espèces d’oiseaux introuvables ailleurs, qui ont évolué pour s’adapter à ce milieu isolé. Le cas des Albatros des Galapagos est unique :
« C’est la seule espèce d’albatros au monde à nicher à moins de 20 degrés de latitude de l’équateur… et à ne construire aucun nid. »

Cette espèce aérienne, comparable à un deltaplane vivant, s’est adaptée à un climat sans vents forts, contrairement à ses cousins qui vivent dans les « quaranteièmes rugissants ». Autre spécificité, la mouette à queue d’hirondelle, seule mouette nocturne au monde, dotée de grands yeux lui permettant de voir dans l’obscurité. Elle élève des oisillons qui deviennent parfois plus gros que les adultes — ce qui, plaisante Durham, « lui rappelle ses propres enfants adolescents ».
Des pingouins sous l’équateur, des flamants avec des fous
Il est presque inimaginable de voir coexister dans un même environnement des pingouins — oiseaux typiquement antarctiques — et des flamants roses, plus proches des tropiques :
« Il y a des îlots aux Galapagos où l’on peut voir, à quelques kilomètres de distance, flamants et pingouins. »
Cette image de richesse écologique est assez amusante et ravirait sans doute des enfants, permettant à des espèces d’origines climatiques opposées d’y cohabiter.
Le cormoran des Galapagos est incapable de voler, ce qui montre encore une fois l’adaptation extrême : avec ses ailes réduites et son corps massif, il témoigne d’une évolution dictée par l’insularité.
La forêt de marguerites géantes
L’étonnement ne s’arrête pas aux animaux. La flore galapagienne est elle aussi remarquable, avec des plantes aussi étranges que fascinantes :
« C’est un arbre-marguerite. Vous vous dites : “Tu plaisantes, Bill ?” Mais non, c’est réel. Il pousse dans une forêt. »
Le Scalesia pedunculata, ou « marguerite géante », forme de véritables forêts dont la canopée abrite une autre merveille : le pinson piqueur.
Cet oiseau utilise une épine de griffe de chat comme outil pour extraire des larves, à la manière d’un plombier débouchant un évier. Un comportement d’une complexité remarquable qui montre bien l’innovation comportementale de la faune locale.
Darwin et l’éveil à la force créatrice de la nature
Lorsque Charles Darwin visita les Galapagos en 1835, il ne vit pas toutes les espèces emblématiques que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, il pressentit déjà leur importance :
« J’étais stupéfait de la force créatrice – si tant est que l’on puisse utiliser une telle expression – à l’œuvre sur ces petites îles rocheuses, arides et désertes. »
Cette observation, formulée en 1839, vingt ans avant la parution de L’Origine des espèces, révèle déjà des processus évolutifs. Le biologiste en devenir fut frappé par la variabilité des espèces d’une île à l’autre, notamment chez les moqueurs ou chez les « renards » des îles Malouines, qui présentaient deux morphologies distinctes selon leur localisation, une énigme que Darwin décrivit avec fascination.
Pourquoi les Galapagos favorisent-elles l’évolution ?
L’archipel ne crée pas de nouvelles espèces en soi, comme le précise Durham :
« L’évolution crée les nouvelles espèces, et elle le fait aisément aux Galapagos. »
La recette ? Un isolement géographique extrême, une diversité de microclimats et d’écosystèmes, et surtout, l’absence de prédateurs majeurs, qui permet aux espèces de se spécialiser sans contrainte immédiate. Ce terreau fertile permet à l’évolution de s’exprimer, ce qui fait des Galapagos un véritable laboratoire vivant de la sélection naturelle.
Protéger la biodiversité se fait par l’action
En cette Journée mondiale de la biodiversité, Durham nous rappelle que la Convention des Nations Unies sur la biodiversité, adoptée à Rio de Janeiro le 22 mai 1992, n’a toujours pas été ratifiée par des pays comme les États-Unis, le Soudan du Sud ou Andorre :
« Peut-être pourrions-nous changer cela dans les années à venir. »
L’exemple des Galápagos montre à quel point la vie peut évoluer, s’adapter, créer l’inattendu, et aussi combien cet équilibre est fragile.