Au moment de la crise du COVID, on a entendu parler de la nécessaire réindustrialisation de la France et de l’Europe. L’initiative HYNAERO, pour Hydravion Nouvelle Aquitaine Aéronautique, en est un parfait exemple.
L’entreprise a été créée, voici presque 1 an et demi, par 4 professionnels chevronnés. La région bordelaise a voulu l’accueillir et la soutient depuis. David Pincet, un des quatre associés, nous présente ce projet de création d’un bombardier d’eau amphibie européen. Cet ancien pilote de chasse a quitté l’armée avec le grade de Général.
Il a ensuite travaillé de longues années au Ministère de l’intérieur, plus précisément, pour la sécurité civile. C’est dans ce cadre qu’il a rencontré ses trois partenaires. M. Pincet détaille, au Parisien Matin, le contexte, les enjeux et les perspectives du futur Frégate-F100.
HYNAERO est un projet qui répond aux besoins européens.
C’est une entreprise, De Havilland Canada (DHC), qui détient le monopole mondial de la construction des avions de combat des incendies. Mouktar Abdillahi, porte-parole de l’organisation gouvernementale CCC (Corporation Commerciale Canadienne), nous précise que : « En 2019, une filiale de DHC a acheté à la société Bombardier les droits et la propriété intellectuelle relatifs aux anciens avions amphibies Canadair ». Pour satisfaire à la commande européenne, elle a mis en place une nouvelle chaîne de production, dans la région canadienne de l’Alberta, pour construire 22 modèles de Canadair de nouvelle génération. Devant la volonté affichée par l’Union européenne de retrouver sa souveraineté industrielle, une telle situation pose clairement problème.
Autre élément majeur – La vétusté des appareils en service. Si on prend le cas de la France, il existe 28 avions pour combattre les incendies.
Selon le rapport sur la sécurité civile de la sénatrice Françoise Dumont, 12 Canadairs de la flotte volent depuis 26 ans. Certains autres sont en l’air depuis même 39 ans. Les coûts de l’entretien sont considérables et les pièces détachées manquent. Pour entretenir les machines volantes, certaines sont immobilisées au sol et des parties servent à réparer les autres avions. La situation est devenue kafkaïenne.
Un facteur supplémentaire d’inquiétude est le changement climatique. « Presque » tout le monde le constate. Au fil des saisons, les incendies de forêts sont de plus en plus violents, ravageurs et meurtriers. 2022 aura été record pour la France avec 72 000 hectares touchés.
Cette année-là, l’hexagone a pu constater et s’inquiéter qu’aucun territoire n’a été épargné. Comme le précise David Pincet : « cet été là, il y a eu plus de surfaces naturelles dévastées en Bretagne que sur le pourtour méditerranéen, c’était une vrai première ». La question du positionnement des moyens de combat des feux de forêt est également sur la table.
Une alternative européenne nécessaire et solide : la start-up bordelaise HYNAERO
La jeune entreprise propose donc un projet de création d’un bombardier d’eau amphibie concurrent à celui de l’entreprise canadienne. Devant les constats posés ci-dessus, le marché est, malheureusement, croissant et promet des bénéfices certains. L’initiative, se développant sur le sol européen et dans une logique de souveraineté industrielle du continent, devrait lui assurer de futures commandes de l’Union, de ses Etats mais aussi de beaucoup d’autres pays dans le monde.
Selon David : « 170 avions amphibies de type Canadair opèrent à ce jour dans le monde dont une centaine en Europe. Avec le renouvellement des flottes, le marché, à l’horizon de 10 à 30 ans, est de 300 avions… L’entretien des appareils sur 30 ans représente autant d’activités supplémentaires ».
D’ores et déjà, HYNAERO a su mettre en place des partenariats stratégiques et faire une première collecte de fonds, en quelques mois, d’un peu moins d’un milliard d’euros. De nouvelles phases d’études plus approfondies vont être entamées.
Un calendrier est posé, le premier appareil doit être fabriqué en 2031. Interrogé sur cette échéance, D. Pincet répond : « Nous espérons pouvoir être opérationnels plus tôt mais nous ne voulons pas afficher une date et devoir retarder mois après mois ». Innovant et prudent !
Un peu sur le modèle d’AIRBUS, des partenariats industriels sont recherchés en Europe et dans certains pays périphériques. Les pièces produites par ces affidés seront acheminées vers la Gironde. Une usine ad hoc doit être construite dans la zone de Bordeaux – Mérignac. Le nombre d’emplois directs générés est à minima de 450. A cela s’ajoute une estimation d’au minimum 2 000 postes induits. Les créateurs ont pensé à la diversification de leurs productions et des études complémentaires vont confirmer des besoins en termes d’avions cargos, de surveillance et de secours en mer, par exemple.
Nous avons voulu aborder l’impact écologique du projet. Le Général Pincet répond qu’ “Unavion Fregate-F100, en une heure de vol et d’intervention, émet environ 6 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. S’il ne protège qu’un hectare de forêt du feu (estimation plus que minimale), il conserve l’émission de 15 tonnes de dioxyde de carbone. Surtout, il a préservé un hectare de végétation qui capte entre 15 et 25 tonnes de CO2 par an. Il faut aussi savoir que l’espace forestier mettra environ 10 ans à se reconstituer s’ il est dévasté par le feu ».
Décidément, nos « jeunes » entrepreneurs auront pensé à tout !