Il était une fois un géant communiste qui, malgré ses propres défis internes, rêvait de rallier les peuples opprimés du monde entier.
Non, ce n’est pas le début d’un conte pour enfants, mais celui du long et souvent méconnu engagement de la Chine dans le conflit israélo-palestinien.
De la Conférence de Bandung à ses appels récents à un cessez-le-feu durable, la Chine s’efforce de conjuguer principes anti-impérialistes, soif de reconnaissance internationale et ambition de devenir le médiateur incontournable au Moyen-Orient.
De la solidarité révolutionnaire au rêve de médiation : la Chine, un acteur (vraiment ?) impartial ?
L’intervention du Dr. Ferrán Pérez Mena, professeur à l’Université de Durham, éclaire avec finesse ce positionnement chinois : la République populaire de Chine a, dès sa fondation en 1949, oscillé entre tentatives d’ouverture vers Israël et solidarité affichée envers le monde arabe et la cause palestinienne. Loin d’être purement altruiste, cet engagement s’inscrivait dans une quête de reconnaissance et un jeu d’influence au sein du « tiers-monde ».
Dès les années 50, Israël propose un rapprochement, mais la Chine de Mao, rapidement happée par la guerre de Corée et les rivalités de la guerre froide, bifurque. La Conférence de Bandung (1955) marque un tournant : Pékin découvre la cause palestinienne à travers les récits de Nasser et des leaders arabes. Résultat ? Un soutien déclaré au droit au retour des réfugiés palestiniens et des relations rompues avec Israël, dès lors assimilé à un relais de l’impérialisme américain.
Mais ce n’est pas tout. Comme le dit le Dr. Pérez Mena, ce soutien à la cause palestinienne « s’accompagne très tôt d’une politique d’aide au développement et de soutien matériel, malgré la faiblesse des moyens chinois de l’époque », Pékin tentant de se distinguer de Moscou en incarnant le champion des mouvements de libération nationale.
Aujourd’hui encore, la Chine se présente comme un acteur désireux de jouer un rôle de médiateur après le succès de sa diplomatie entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
Mais ce positionnement propalestinien proclamé est-il exempt d’arrière-pensées stratégiques ? La réalité semble plus nuancée : Pékin cherche avant tout à renforcer son image de puissance responsable, sans froisser ni ses partenaires économiques israéliens ni ses alliés arabes.
« Ce que je veux montrer, c’est l’effort de la Chine pour exprimer et projeter sa vision du conflit, à travers ses propres narratifs et discours officiels.
Ce n’est pas tant une question de ce que nous, en Occident, pensons de sa position, mais bien de comprendre comment Pékin conçoit et présente son rôle dans la recherche d’une solution juste et durable. »
La phase maoïste : Kalachnikov, millions de dollars et formations militaires
Dans les années 1960 et 1970, la Chine de Mao Zedong s’affirme comme un fervent soutien des mouvements de libération nationale, et la cause palestinienne ne fait pas exception. Fatah, devenu le fer de lance de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), reçoit des millions de dollars, des armes, des munitions, et surtout un précieux soutien idéologique.
Pékin n’hésite pas à former des militants palestiniens sur son territoire, leur enseignant à la fois les techniques de guérilla et les préceptes de la pensée maoïste.
« Justement, les mouvements de Fatah ont réussi certaines victoires tactiques que les grands armées n’avaient pas obtenues, et cela leur a donné une grande popularité au sein du mouvement palestinien et de sa population. Dans toutes leurs communications et leurs comités, il y avait toujours une référence à l’importance qu’avait eue la pensée de Mao pour le mouvement de Fatah. »
Ce romantisme révolutionnaire prend fin avec deux tournants majeurs : l’entrée de la Chine à l’ONU en 1971, qui l’oblige à endosser un rôle plus diplomatique, et le rapprochement de l’OLP avec l’Union soviétique, à la recherche d’un soutien militaire et politique plus solide.
L’après-Mao : adieu la révolution, bonjour le développement
Avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping et la fin de la diplomatie révolutionnaire, Pékin revoit sa copie : priorité au développement économique, retrait progressif du soutien militaire direct aux mouvements de libération. La Chine se positionne désormais comme une puissance responsable, défendant la paix et le dialogue.
Les actes dits « terroristes » de certaines factions palestiniennes, tels que les détournements d’avion, marquent la limite du soutien chinois. Pékin commence à critiquer ces méthodes et se fait le promoteur de conférences internationales et de solutions politiques, comme l’illustre sa première proposition en 1984 pour une conférence sur la paix au Moyen-Orient.
L’ère Xi Jinping : un médiateur en tête
Depuis 2013, sous la présidence de Xi Jinping, la Chine entend jouer un rôle actif dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Xi propose un plan en quatre points qui insiste sur l’indépendance palestinienne, la coexistence pacifique, l’arrêt des colonies israéliennes, et le développement économique comme levier de paix.
« La résolution du conflit palestino-israélien passe avant tout par l’indépendance de la Palestine et la coexistence pacifique des deux États. La solution doit être politique, par la négociation, mais nécessite aussi l’unité nationale palestinienne et l’arrêt des actions israéliennes qui compromettent la paix. »
La Chine s’appuie sur son initiative des Nouvelles Routes de la soie pour promouvoir des projets communs entre Israël et la Palestine, pariant sur le commerce et l’intégration économique pour bâtir des ponts entre ennemis.