C’est du jamais-vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! 678 000 bébés sont nés en France en 2023, soit 48000 de moins (6,6%) qu’en 2022, d’après le bilan démographique annuel de L’Insee. L’une des causes principales de cette baisse de natalité vertigineuse est la hausse constante de l’infertilité, qui est liée à de multiples facteurs, et représente un problème sanitaire mondial selon l’OMS.
La hausse de l’infertilité devient un souci dans l’hexagone
En France, l’augmentation de l’infertilité a pris une telle ampleur que le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé “un grand plan” contre ce fléau, pour permettre “un réarmement démographique”, lors d’une conférence de presse à l’Elysée le mardi 16 janvier 2024.
Ce projet est le premier consacré à ce sujet en France et il repose en grande partie sur le Rapport sur les causes d’infertilité (vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité) remis au gouvernement en février 2022, copiloté par Samir Hamamah, chef de service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier et Salomé Berlioux, fondatrice de l’association Chemins d’avenirs. Ce rapport illustre le processus de la baisse progressive de la fertilité en France et son impact sur la natalité.
La hausse de l’infertilité : un phénomène en évolution croissante
La fertilité est la possibilité éventuelle pour un homme ou une femme d’avoir un enfant. Elle est une condition de la fécondité et de la natalité.
On parle d’infertilité lorsqu’une grossesse n’est pas obtenue après 12 à 24 mois de rapports sexuels réguliers et sans contraception, d’après le délai correspondant à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui estime également q’une personne sur six est touchée par ce problème dans le monde .
L’infertilité ne doit pas être confondue avec la stérilité qui désigne l’incapacité totale d’avoir un enfant.
Aujourd’hui en France, selon le Rapport sur les causes de l’infertilité de février 2022, parmi les 15 millions d’adultes âgés de 20 à 49 ans qui ont déjà essayé d’avoir un enfant, 3,3 millions de femmes et d’hommes ont rencontré des problèmes d’infertilité. De plus, le professeur Samir Hamamah a déclaré qu’”un couple de 25 ans sur six aura des problèmes d’infertilité”.
Le phénomène de l’infertilité est dû à la combinaison de plusieurs causes : les modes de vie, les facteurs médicaux, l’environnement et le recul de l’âge de la maternité.
La fertilité baisse en fonction de l’augmentation de l’âge
En France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés, la hausse de l’infertilité résulte tout d’abord du recul de l’âge de la maternité, comme le souligne le rapport sur l’infertilité de 2022. En effet, il y a une augmentation de cinq ans : l’âge moyen des femmes devenues mères s’établit aujourd’hui à 31 ans, contre 26 ans et demi il y a 50 ans. Et la moyenne du premier accouchement est passée de 24 ans il y a 50 ans à 29 ans aujourd’hui.
Cette donnée n’est pas prête de faire redécoller la natalité française, d’autant plus que d’après l’Institut national des études démographiques (Ined), la tendance devrait se poursuivre ces prochaines années.
Selon le rapport sur l’infertilité de février 2022, il y a également « une confiance excessive » dans l’efficacité à l’assistance médicale à la procréation (AMP), alors qu’un recours tardif à cette aide limite les chances de succès.
Le taux de naissance vivante (fœtus qui quitte le corps de la mère en montrant un signe certain de vie) par tentative atteint 20% dans les centres d’assistance médicale à la procréation français. Chez les femmes en recherche de grossesse après 40 ans, 36% restent sans enfant malgré le recours à l’AMP et le taux d’accouchement tombe à 2,5% chez celles de 43 ans et plus.
D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ce recul de l’âge de la maternité est lié à un ensemble de facteurs sociétaux dont “la généralisation du travail féminin et des techniques contraceptives“. De plus, selon l’Insee : “Les sociologues identifient également d’autres déterminants, tels qu’un possible déclin du désir d’enfant chez les jeunes générations, la recherche d’une stabilité professionnelle et affective avant de concrétiser un projet parental, une crise économique ou encore l’absence d’une politique publique facilitant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.”.
Les spécialistes pointent également une méconnaissance des couples sur ce déclin progressif de la fertilité avec l’âge.
L’âge de la maternité augmente, celui de la paternité aussi : des couples de plus en plus infertiles
L’enquête nationale périnatale de 2021 a mis en évidence que la part des femmes âgées de 35 à 39 ans à l’accouchement augmente. Elle est de 19,2 % en 2021 contre 17,2 % en 2016. La part des femmes âgées de 40 ans et plus augmente également. Elle est de 5,4 % en 2021 contre 3,9 % en 2016. Et cela n’est pas bénéfique pour la fertilité, car d’après l’Assurance Maladie : “La fertilité spontanée diminue dès 30 ans et nettement après 37 ans, en raison d’une diminution du nombre et de la qualité des ovocytes avec l’âge.”.
L’âge de la paternité augmente aussi. En 2021, l’âge moyen des pères à la naissance de leur enfant est de 33,8 ans, soit presque trois ans de plus que les mères. Si la femme a la notion de l’horloge biologique la conduisant à la ménopause, l’homme a peu de connaissances de sa baisse de fertilité avec les années. La prise en compte de l’âge de l’homme est donc une notion plus récente, joue un rôle indépendamment de celui de la femme et est déterminant dans la fertilité d’un couple. En effet, selon l’Assurance Maladie, le génome des spermatozoïdes s’altère avec l’âge par fragmentation de son ADN, ce qui crée plus de difficultés à concevoir, une augmentation des fausses couches et des risques génétiques dans la descendance.
L’âge du couple et de chacun des partenaires est donc indissociable des taux de grossesse. ll existe un effet cumulatif de l’âge des deux partenaires : par exemple, le taux de fausses couches est multiplié par 6,7 si l’homme a plus de 40 ans et la femme plus de 35 ans.
Les polluants et les perturbateurs endocriniens : un rôle déterminant dans la hausse de l’infertilité
Les polluants ont un rôle nocif pour la santé. Ils impactent la vie reproductive et la descendance. D’après l’Assurance Maladie, les polluants peuvent agir à toutes les étapes de la procréation ; c’est à dire sur les gamètes adultes (ovules et spermatozoïdes), la fécondation (répartition de patrimoine génétique et mutation génétique), l’embryogenèse (le développement de l’embryon) et le nouveau-né.
Ils sont présents dans les aliments et les emballages, les cosmétiques, les détergents, les pesticides, les solvants, les métaux lourds, les traitements phytosanitaires (produit chimique employé pour la protection de la santé des plantes) et les microparticules ou nanomatériaux (matériaux qui contiennent des particules dont une ou plusieurs dimensions sont de l’ordre du nanomètre (1 milliardième de mètre)).
Les perturbateurs endocriniens sont des molécules omniprésentes, qui altèrent la production de certaines hormones et engendrent donc des effets néfastes dans un organisme intact ou chez sa progéniture.
Selon le rapport sur les causes de l’infertilité de 2022 : “Les perturbateurs endocriniens interfèrent avec les processus qui régulent le développement, le métabolisme et la reproduction. Ils produisent des effets fonctionnels qui se manifestent très longtemps après l’exposition”. Les perturbateurs endocriniens peuvent donc diminuer la fertilité d’un couple, mais également de l’enfant qu’il parvient finalement à avoir ou perturber le développement du fœtus.
La diminution de la fertilité au contact des perturbateurs endocriniens peut être liée à un abaissement de l’âge de la puberté et des cancers hormono-dépendants, explique l’Assurance Maladie.
Chez l’homme, cette perturbation de la fertilité s’explique notamment par des malformations de l’appareil uro-génital, comme la cryptorchidie (absence d’un ou des deux testicules dans la bourse) et l’hypospadias (l’orifice de l’urètre n’est pas situé à l’extrémité du pénis, mais est généralement à sa face postérieure) et une augmentation des cancers des testicules.
La baisse de la qualité du sperme est également un facteur important de la hausse de l’infertilité masculine. En effet, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a diminué de plus de 50% chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011 et cette baisse se poursuit jusqu’aujourd’hui. La concentration spermatique a un impact sur la fécondabilité lorsqu’elle passe sous le seuil de 40 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme. Aujourd’hui, une large proportion d’hommes est exposée à une concentration spermatique inférieure et donc à un allongement du délai nécessaire pour concevoir.
De nombreuses substances chimiques synthétiques sont considérées comme perturbateurs endocriniens. Les plus connues sont les parabènes contenus dans certains produits d’hygiènes ; le bisphénol A situé dans certains articles en plastique et les revêtements internes des boîtes de conserve ; les phtalates présents dans le plastique mou ; des pesticides comme la chlordécone et le glyphosate ; des retardateurs de flamme dans les meubles rembourrés ; des composés perfluorés dans certaines casseroles anti-adhésives et le Triscolan présent dans des déodorants ou des dentifrices.
Il existe aussi des perturbateurs endocriniens d’origine naturelle comme les phytoestrogènes (groupe de composés non stéroïdiens, produits naturellement par les plantes) présents notamment dans le soja ou certaines huiles essentielles.
Que ce soit par l’alimentation, les vêtements, les produits d’hygiène, mais aussi par l’air, le sol et l’eau, l’être humain est exposé à des centaines de molécules toxiques. C’est la raison pour laquelle le rapport de février 2022 sur les causes de l’infertilité propose la création d’un logo reprotoxique, apposé sur tout produit de consommation contenant des perturbateurs endocriniens.
Le tabac en cause dans la baisse de la fertilité
Le tabac est également un des facteurs participant à la baisse de la fertilité, en dehors de tous les autres effets néfastes sur la santé. Le tabagisme a un impact sur la fonction reproductrice masculine et féminine à de multiples niveaux.
Selon l’Assurance Maladie, on observe une baisse de la qualité du sperme chez l’homme qui fume, c’est-à-dire une diminution du nombre de spermatozoïdes (oligospermie) et de leur mobilité, tout comme l’augmentation du nombre de spermatozoïdes anormaux ou non viables (tératospermie). Chez les fumeurs masculins, on constate également des anomalies des chromosomes et de l’ADN des spermatozoïdes, survenant lors de la division des cellules ; ainsi que des possibles troubles de l’érection.
De plus, l’exposition au tabac d’une femme enceinte a une incidence sur le fœtus masculin. Elle entraîne une diminution de 20 % du nombre total des spermatozoïdes à l’âge adulte chez les garçons des femmes enceintes fumant plus de 10 cigarettes par jour et peut également causer une diminution du volume testiculaire.
Le tabagisme agit également à différents niveaux chez la femme. Il a notamment des effets sur la production des hormones féminines. D’après l’Assurance Maladie, de nombreux composants du tabac ont été identifiés comme perturbateurs endocriniens, notamment le cadmium (métal retrouvé naturellement dans les sols) ou le benzopyrène (un composé des hydrocarbures aromatiques polycycliques). Ils entraînent deux conséquences majeures.
La première est une modification du profil hormonal des fumeuses qui présentent des taux de testostérone et d’hormone folliculo-stimulante (hormone associée au cycle menstruel et développement des ovules chez la femme, ainsi qu’à la production du sperme chez l’homme) plus élevés.
La deuxième représente un défaut de synthèse des oestrogènes (hormone sécrétée par l’ovaire, jouant un rôle dans l’ovulation) et de la progestérone (hormone préparant l’utérus à recevoir un embryon). Cela crée ainsi un environnement androgénique (présence d’hormones androgènes, qui provoquent l’apparition des caractères sexuels masculins) au niveau de l’ovaire, ce qui est nocif pour la croissance et la maturation folliculaire (étape du cycle ovarien : modifications engendrées et subies par les ovaires) .
De plus, la survenue de la ménopause est avancée de deux ans chez les fumeuses et les marqueurs de leur réserve ovarienne sont significativement plus bas.
Enfin, les anomalies du déroulement de la grossesse sont plus nombreuses chez les consommatrices de tabac. En effet, il y a une augmentation du risque de grossesses extra-utérines (nidation de l’œuf fécondé en dehors de la cavité de l’utérus, le plus souvent dans une trompe utérine), qui est proportionnelle à la consommation tabagique (le risque est multiplié entre 3,5 et 3,9 chez les patientes fumant plus de 20 cigarettes par jour). Il y a également la possibilité d’un défaut d’implantation de l’embryon dans la muqueuse utérine et un risque accru de fausse couche.
Différents modes de vie et raisons médicales sont des facteurs de l’infertilité
Certains modes de vie ont aussi un effet négatif sur la fertilité, en particulier durant la période pré-conceptionnelle (les six mois précédant la grossesse), comme la consommation excessive d’alcool, l’obésité, la maigreur et une alimentation déséquilibrée (notamment pauvre en fruits et légumes).
Pour l’homme, l’exposition à une température trop élevée au niveau testiculaire altère la spermatogenèse (le processus de développement des spermatozoïdes). Par exemple , la conduite automobile prolongée, la pratique intensive du vélo ou de la moto et certaines professions (verrier, boulanger, pizzaiolo, etc.) peuvent exposer à une température testiculaire trop haute.
Le cannabis est également un facteur de l’infertilité. En effet, selon l’Assurance Maladie, une consommation pluri-hebdomadaire de cannabis pendant cinq ans entraîne une diminution du volume et du nombre de spermatozoïdes. Elle cause aussi des altérations de l’aspect et de la mobilité des spermatozoïdes (hyperactivité des spermatozoïdes). Enfin, cette consommation est donc coupable d’une diminution de la capacité à féconder.
À la différence du tabac, le cannabis a une élimination très lente et les effets délétères sont donc plus importants.
Les autres drogues diverses sont tout aussi nuisibles individuellement sur la fertilité. Mais leur utilisation moins diffusée limite l’impact sur la fertilité de la population.
L’infertilité compte aussi de nombreuses raisons médicales. Chez la femme, l’infertilité peut avoir une origine mécanique avec l’endométriose (développement de tissus semblables à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus) ou hormonale avec le syndrome des ovaires polykystiques (Affection homonale, provocant des déséquilibre hormonaux, des règles irrégulières généralement accompagnées d’un manque d’ovulation, des taux excessifs d’androgènes et des kystes dans les ovaires.). L’insuffisance ovarienne prématurée (épuisement accéléré du stock folliculaire ou incapacité de maturation des follicules ovariens) est également une cause médicale de l’infertilité.
Chez l’homme, l’infertilité, due à des raisons médicales, peut être d’origine hormonale avec l’hypogonadisme (testicules qui produisent peu ou pas d’hormones), testiculaire avec la varicocèle (dilatation des veines du cordon spermatique) qui est la première cause d’infertilité masculine, ou liée à des lésions des voies génitales.
Enfin, pour les deux sexes, diverses infections peuvent favoriser l’infertilité, qu’elles soient sexuellement transmissibles (Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae, VIH, HPV, etc.) ou non (virus ourlien responsable des oreillons, virus de l’hépatite C…).
Pour freiner la hausse continue de l’infertilité, le Rapport sur les causes d’infertilité (vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité) remis au gouvernement en février 2022 suggère d’informer régulièrement, dès le collège, sur la physiologie de la reproduction et le déclin de la fertilité avec l’âge ou d’instaurer des consultations ciblées pour repérer de potentiels facteurs d’altération de la fertilité. En outre, les experts insistent sur la nécessité d’informer sur le fait que des produits alimentaires ont une teneur en phytoestrogènes (hormones naturelles qui constituent des risques éventuels sur la fertilité).