L’Affaire Bétharram avance : Le 14 mai prochain, François Bayrou devra répondre aux questions de la commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner les violences perpétrées dans les établissements scolaires, notamment au sein d’établissements sous contrat avec l’État.
L’audition du Premier ministre, ancien ministre de l’Éducation nationale entre 1993 et 1997, a lieu dans le cadre de l’enquête ouverte après les révélations concernant les abus commis au sein de l’établissement catholique Notre-Dame de Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Des accusations graves, des responsabilités à clarifier dans l’affaire Bétharram
Depuis plusieurs mois, le nom de l’ancien maire de Pau est cité dans le cadre de cette affaire. Officiellement, François Bayrou affirme n’avoir jamais été impliqué dans la gestion ou l’occultation des faits reprochés aux responsables de l’établissement. Pourtant, des témoignages récents, dont ceux d’un ex-gendarme et d’un ancien magistrat, entendus sous serment, laissent entendre que son implication aurait été plus directe qu’il ne le reconnaît.
La députée Violette Spillebout, co-rapporteure de la commission et membre du groupe Ensemble pour la République, estime que cette audition doit permettre de sortir d’années de silences et de dissimulations. « Il ne s’agit pas seulement de vérifier la parole d’un responsable politique », explique-t-elle. « Il s’agit de comprendre pourquoi, dans un cadre régi par la loi, des faits aussi graves ont pu durer aussi longtemps sans intervention effective de l’État. »
Un territoire connu, des faits longtemps tus
Notre-Dame de Bétharram n’est pas une école isolée ou oubliée. Située dans un secteur où François Bayrou a exercé des responsabilités électives pendant des décennies, l’institution bénéficiait d’un statut sous contrat d’association avec l’État.
Ce type de partenariat prévoit une prise en charge des salaires des enseignants par l’Éducation nationale, tout en laissant une large autonomie pédagogique à l’établissement. En échange, l’école s’engage à respecter certaines obligations, notamment en matière de sécurité et de protection des élèves.
Selon les éléments réunis par la commission, les violences physiques, sexuelles et psychologiques auraient été fréquentes, connues localement, parfois dénoncées sans que les autorités compétentes — ministère, rectorat, justice — ne prennent les mesures nécessaires. Des documents internes, des signalements non suivis d’effets, et le silence de plusieurs hiérarchies administratives dessinent le portrait d’un système qui n’a pas fonctionné.
Le soupçon d’un effacement volontaire des faits du cas Bétharram
Ce qui est reproché à François Bayrou dépasse la seule question de l’ignorance. Il ne s’agit pas uniquement de déterminer s’il savait, mais de savoir s’il aurait, directement ou indirectement, contribué à bloquer des enquêtes, à freiner des décisions ou à protéger certains individus dans cette affaire Bétharram.
La députée Spillebout parle d’un « silence entretenu pendant des années », qui aurait permis à des auteurs de sévices de poursuivre leurs actes en toute impunité. Pour elle, il ne s’agit pas seulement d’ouvrir une séquence judiciaire ou politique, mais de faire face aux responsabilités d’un État qui a laissé faire.
Paul Vannier, député La France insoumise du Val-d’Oise et co-rapporteur de la commission, emploie des mots encore plus tranchés. Selon lui, les contradictions dans les déclarations de M. Bayrou justifient des soupçons de mensonge. Il a déjà appelé à sa démission et considère cette audition comme une étape incontournable pour établir la responsabilité de ceux qui, par leur position, avaient les moyens d’agir et ne l’ont pas fait.
Comment s’assurer la bonne opération d’établissements religieux?
L’affaire Bétharram pose aussi la question du maintien du contrat d’association entre l’État et les établissements privés. Ce contrat, censé garantir un socle commun de respect des droits fondamentaux des élèves, pourrait être rompu dans certains cas graves. Paul Vannier a d’ailleurs déclaré que cette éventualité serait étudiée pour l’établissement qui a succédé à Notre-Dame de Bétharram.
Cette remise en question du contrat d’association est lourde de conséquences. Aujourd’hui, près de 17 % des élèves en France sont scolarisés dans des établissements privés sous contrat, dont une grande majorité sont catholiques.
Rompre un tel contrat reviendrait à reconnaître que l’État n’a pas les moyens d’exiger de ses partenaires les garanties élémentaires de sécurité et de dignité. Cela ouvrirait la voie à une révision du cadre légal de ces établissements, voire à une redéfinition de leur place dans le système éducatif français.
Les victimes de l’affaire Bétharram veulent être entendues
Des centaines de milliers d’enfants, selon les travaux de la commission, ont subi des violences dans leur parcours scolaire en France.
Violences sexuelles, coups, humiliations, harcèlement répété : ces faits ont souvent été banalisés ou minimisés, surtout dans des institutions où l’autorité religieuse ou administrative était peu contestée.
Aujourd’hui, les victimes commencent à prendre la parole, parfois après des décennies de silence. Pour Violette Spillebout, cette libération doit être encouragée. Elle encourage les victimes à déposer plainte, « afin que chaque agresseur soit identifié et empêché de nuire à nouveau ».
Le travail de la commission vise non seulement à documenter les faits de l’affaire Bétharram, mais aussi à enclencher des réformes structurelles. Une meilleure formation des encadrants, une réponse plus rapide des autorités judiciaires, un suivi renforcé des établissements privés comme publics, et la création d’un système d’alerte plus efficace font partie des pistes évoquées.
Un précédent politique
L’audition de François Bayrou sera scrutée avec attention, car elle pourrait constituer un précédent. Jamais un Premier ministre en exercice n’a été convoqué de la sorte pour répondre de sa gestion passée dans un domaine aussi sensible. Si des contradictions apparaissent, ou si de nouveaux éléments viennent contredire ses déclarations, la pression politique pourrait être intense.
Sont remis en cause la capacité de l’État à protéger les enfants, à sanctionner ceux qui les maltraitent, à écouter ceux qui dénoncent, et à assumer ses responsabilités là où il a failli.