La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné mardi 9 avril la Suisse pour son inaction face au réchauffement climatique.
Une décision qui devrait inciter les 46 États membres du Conseil de l’Europe, dont la France, à agir efficacement sur le sujet.
L'engagement de la Suisse en faveur de la protection du climat
Il s’agit d’un jugement sans précédent. C’est la première fois que la CEDH, dont la mission est de faire respecter la Convention européenne des droits de l’Homme, condamne un État pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme.
Et ce, à la suite d’une poursuite en justice portée par l’association « Aînées pour la protection du climat », regroupant 2 500 Suissesses âgées de 64 ans et plus.
Ces dernières dénonçaient des « manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique ». Des effets qui, selon elles, ont des répercussions dangereuses sur leurs conditions de vie et leur santé.
En d’autres termes, la CEDH a relevé des insuffisances de la part de la Suisse notamment parce qu’elle n’a pas quantifié les limites nationales applicables aux gaz à effet de serre, à l’origine de la hausse moyenne des températures. Rappelons d’ailleurs qu’en mars dernier, un nouveau pic de chaleur avait été enregistré au niveau mondial.
Instaurer des mesures concrètes pour le climat
Par 16 voix contre 1, la CEDH a ainsi établi une violation de l’article 8 de la Convention des droits de l’Homme.
De cette manière, elle met en avant un nouvel aspect de cet article relatif au « droit au respect de la vie privée et familiale ». Soit, le droit à la protection par l’État contre les conséquences du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie.
Cette décision a, par ailleurs, entraîné de vives réactions. Le premier parti helvétique, l’UDC, formation de droite radicale, a considéré l’arrêt « inacceptable ».
Pour autant, avec ce verdict, la confédération helvétique devra bel et bien se mettre en marche et proposer des actes concrets.
Bien que les autorités nationales ont choix des mesures à lancer, l’arrêt souligne néanmoins des points importants à respecter. Un État doit ainsi avoir des objectifs précis en matière de réduction des gaz à effet de serre, un budget carbone ou toute autre méthode équivalente de quantification des futures émissions de GES (Gaz à effet de serre). Il doit aussi instaurer un mécanisme de suivi pour pouvoir s’assurer que ces objectifs sont atteints.
Une condamnation qui fait jurisprudence du climat
Cette décision met en valeur le fait que la Cour européenne des Droits de l’Homme considère le changement climatique comme un obstacle aux droits humains. Qui plus est, elle fait office de jurisprudence. C’est-à-dire qu’elle pourra être un exemple dans d’autres dossiers sur la thématique du changement climatique impliquant les autres États membres de l’Europe.
Et tous ne sont pas des modèles en matière d’action climatique. La cour de justice nationale de certains d’entre eux a d’ailleurs été saisie ces dernières années pour ce genre d’affaire. C’est le cas de l’Allemagne, des Pays-Bas ou encore de la France.
Le tribunal administratif de Paris avait notamment condamné l’État français en février 2021 dans le cadre de « l’Affaire du siècle », portée par 4 ONG engagées dans la défense de l’environnement dont Oxfam et Greenpeace. Et ce, pour non-respect d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2015 et 2018.
Une condamnation qui offre un vent d’espoir pour le climat
Dans le cas impliquant la Suisse, un pas de plus a été fait. En effet, à la différence des autres affaires, la décision rendue ne provient pas d’une cour nationale mais d’une cour européenne.
Il s’agit donc d’«un changement d’échelle » comme l’explique à France Info Christel Cournil, juriste professeure en droit public, spécialiste des actions en justice sur le climat. La cause climatique peut ainsi « être entendue à ce niveau de juridiction, de manière légitime. »
Ce verdict ouvre également la voie à de potentiels nouveaux recours pour les associations ou les collectifs citoyens. Des démarches qui se multiplient depuis la signature de l’Accord de Paris, un traité emblématique adopté par près de 200 pays afin de mettre en œuvre des actions pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degrés.
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Journaliste et rédactrice politique pour Le Parisien Matin, Alice Colmart a eu l’occasion de collaborer avec de nombreux médias. Parmi eux, L'Orient-Le Jour, principal média francophone au Liban, Le Petit Futé ou encore le journal culturel Le Petit Bulletin. Elle a également été à l'origine du développement du city-guide Les Mondaines.
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